Reflets, lignes, couleurs, formes, lumières et atmosphères, la Défense regorge de spots pour prendre de belles photos. Adoptée par les photographes amateurs comme professionnels, mais aussi par de très nombreux instagrammeurs et blogueurs, la dalle est devenue en quelques années un des lieux incontournables d’Île-de-France pour les séances photo. Capturer le décor du quartier d’affaires ou encore poser devant, les options sont nombreuses, rapportent les photographes interrogés par La Gazette.

« C’est un terrain de jeu intéressant, commente Cédric Emeran, photographe professionnel d’architecture, de reportage et d’entreprises, mais aussi habitant du quartier. Je découvre à chaque fois une nouvelle lumière, un nouvel angle. » Jour et nuit, les prises de vue semblent innombrables pour le photographe amateur qu’est Gary. « La nuit, le quartier devient un paysage totalement différent quand les tours s’illuminent, la possibilité de créer est infinie, évoque ce manager dans la restauration qui approche de la trentaine. Rien n’est figé, il s’y construit toujours quelque chose. »

« J’habite depuis 2006 à la Défense, informe Cédric Emeran. J’avais tendance à zapper le décor, mais au fur et à mesure, en levant les yeux en me promenant, j’ai découvert des endroits que pas mal de gens ne connaissaient pas, avec des perspectives intéressantes. » Chaque flânerie paraît féconde, il n’est pas chose rare de se perdre sur la dalle. « Mais dans l’égarement surgit la création, analyse Ophélie, amatrice privilégiant la pellicule argentique, férue du quartier croisée un jour de septembre sur la dalle. J’aime me perdre, parce que c’est forcément synonyme de découverte ici ».

Entre formes rectangulaires, arrondies, sobres ou originales, les tours de la Défense ont tapé dans l’œil des photographes qui ont même des préférences.

Le terrain est immense : « Les surfaces sont spacieuses, l’arrière-plan est très loin, généralement, il y a beaucoup d’espace », remarque Philippe Lemaire. Ce photographe professionnel possède son propre studio à Puteaux, Bain de lumière : « J’aime aller derrière la Grande arche, à l’ombre, pour jouer avec les lignes sur les escaliers. »

La richesse architecturale rameute les esthètes. « Je suis fascinée par la géométrie des bâtiments, une ligne claire ou des symétries », commente Silke, consultante en changement et jeune photographe amatrice qui poste ses clichés sur Instagram. « Étant amateur d’architecture contemporaine, la Défense m’attire naturellement, abonde Gary. La concentration et la diversité architecturale en font un lieu unique. »

Entre formes rectangulaires, arrondies, sobres ou originales, les tours de la Défense tapent dans l’œil des photographes. « J’aime beaucoup la tour D2, elle sort clairement de l’ordinaire de ce que l’on peut voir à la Défense, décrit Gary de ses préférences. À l’observer, on pourrait se croire en Asie tellement son architecture est audacieuse. »

Depuis qu’elle a ouvert fin 2014, la tour D2, dont les croisillons culminent en un dôme arasé à près de 175 m de hauteur, semble ainsi constituer un des spots préférés des passionnés d’architectures. « C’est l’une des plus récentes, et la plus photogénique à mon sens », analyse de cette préférence Scotty, lui aussi photographe amateur.

Emmanuel, un autre passionné de photos, opte, lui, plutôt pour les édifices qui lui permettent de jouer avec le soleil. « J’aime beaucoup le bassin Takis, avec ses reflets et ses feux multicolores, qui permettent de faire de jolis sunrises, ou le quartier Valmy et ses tours Kupka qui permettent de très beaux sunsets », commente ce fonctionnaire du Tribunal de grande instance d’Evry. Le quinquagénaire vante aussi la vue « majestueuse » depuis l’Arche : « A l’heure bleue, au moment où les premiers rayons du soleil s’engouffrent dans l’esplanade, c’est un spectacle magnifique. »

Entre formes rectangulaires, arrondies, sobres ou originales, les tours de la Défense ont tapé dans l’œil des photographes qui ont même des préférences.

Bien que l’architecture attire l’œil avisé des photographes, l’ambiance du quartier a elle aussi une saveur particulière. Le mélange de grands bâtiments et d’œuvres d’art, ainsi que la vie qui les anime, semble être une source intarissable de création. « Il y a tellement de gens qui vivent et travaillent ici, ce qui donne à tout le quartier une touche spéciale, rapporte ainsi Silke. Le dimanche, les places sont vides, mais les bâtiments sont toujours là. »

Pour Emmanuel, le regard du photographe est capable d’apporter une autre image du quartier. « Ce qui m’attire, c’est le challenge de rendre ce gigantesque haut lieu des affaires moins froid et plus poétique », confie-t-il. « Capturer ces flots de gens qui marchent presque comme des robots, dans ce cadre de verre et de lignes géométriques, c’est particulièrement captivant, relate de son côté Ophélie. L’ambiance change totalement qu’il fasse jour ou nuit, et même en fonction des heures. »

Mais la Défense, de sujet photographique, constitue aussi un arrière-plan prisé. De plus en plus de jeunes, présents sur internet via le réseau social photographique Instagram ou un blog, viennent ainsi y poser. Le quartier d’affaires dénote en Île-de-France, indique Cédric Emeran, qui confirme les demandes grandissantes pour venir se faire immortaliser sur la dalle. « Je pense qu’il y a la notion d’urbanité, de mode urbaine, analyse-t-il. Beaucoup de jeunes se font prendre en photo parce que ça correspond avec leur état d’esprit et leur façon de s’habiller. »

« Il y a une grosse demande pour prendre des photos d’extérieur à la Défense, confirme Philippe Lemaire en professionnel. Ils viennent pour profiter de l’architecture du quartier moderne, des différents matériaux, de l’environnement urbain, des œuvres d’art hyper colorées. » Lui en tire profit pour développer une clientèle « lifestyle », et se félicite de la légendaire absence d’intérêt des passants du quartier : « D’habitude, on a toujours des gens qui viennent regarder le modèle, mais à la Défense, pas du tout, les gens sont hyper pressés, ils ne font pas attention. »

Enfin, si la photographie d’architecture se taille la part du lion quand la Défense est l’unique sujet photographique, l’art n’est jamais très loin. « Je pense pratiquer, en toute humilité, de la photographie d’art, confie en amateur passionné Emmanuel. Quel que soit mon sujet, je cherche toujours à le « sublimer », à le magnifier. Au début, je venais à la Défense pour chercher des ambiances (au lever et au coucher du soleil, Ndlr). Maintenant, je cherche à jouer avec les formes, les perspectives, les reflets, les nuages. »

Les salariés en recherche d’un beau CV font vivre les photographes

Pour les photographes professionnels, les 180 000 salariés de la Défense constituent manifestement un marché juteux. Ces derniers, qu’ils soient en recherche de clichés destinés à promouvoir leur entreprise, ou de photos destinées à les mettre en valeur personnellement, sont prêts à rémunérer leurs services.

Philippe Lemaire, photographe professionnel du studio photo putéolien Bain de lumière, organise ainsi quelques séances photos pour des CV, ou pour des sites professionnels comme Linkedin. Il aimerait d’ailleurs développer son activité sur ce créneau. « Il y a un gros potentiel, signale-t-il. J’aimerais lancer une offre de photo de CV à l’extérieur, venir aux gens, dans un décor plus naturel, directement sur place. »

Sur fond gris ou avec le décor de la Défense, les salariés n’ont que l’embarras du choix pour réaliser une jolie photo professionnelle. « Il m’arrive de faire des shootings pour des entreprises, en début d’année, j’étais chez Allianz, donne en exemple un autre photographe et habitant du quartier, Cédric Emeran. Je pense qu’effectivement, il y a un vivier auprès des salariés… Après, il faut savoir comment alpaguer les clients, et bien communiquer. »