Comme chaque année depuis 2012, la ville de Nanterre organise durant le mois de mars « Le Printemps des inégalités ». Son lancement coïncide avec la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, le 8 mars. Cette année, la journée a commencé à l’École Française des Femmes avec Patrick Jarry, maire (DVG) de Nanterre et Georges Siffredi, président (LR) du conseil départemental des Hauts-de-Seine.

L’École des Femmes de Nanterre (55 rue Thomas Lemaître) a ouvert ses portes en janvier 2019, mais à cause de la Covid, l’inauguration officielle n’avait pas eu lieu.
C’est désormais chose faite, le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Sur place, Bénédicte de Kerprigent, qui pilote depuis 2008 ce dispositif financé par le Département, accueillait Georges Siffredi, président (LR) du conseil départemental des Hauts-de-Seine et Patrick Jarry, maire (DVG) de Nanterre.

Devant le bâtiment dans lequel l’école a déménagé en octobre 2020, des tentes ont été disposées pour accueillir des représentantes d’organismes tels que les Centres de Santé Municipaux (CMS) et les centres de Protection maternelle et infantile (PMI) nanterriens. Clothilde, sage-femme à Nanterre, est là pour faire de la prévention auprès des apprenantes de l’École Française des Femmes. Les tracts disposés sur la table devant elles évoquent les violences au sein des foyers, les vaccins et l’éducation des enfants ou encore le post-partum (la période qui s’étend de l’accouchement au retour de couches).

À côté d’elle, Élodie, sage-femme également, discute santé sexuelle avec un groupe de femmes qui n’a, semble-t-il, pas de grandes connaissances en la matière. Élodie déplore la situation actuelle des femmes en France par rapport à la contraception. « On est loin d’être en avance puisque toutes les contraceptions ne sont pas remboursées », nous explique-t-elle.

Dans une salle de classe, Patrick Jarry (DVG), maire de Nanterre et Georges Siffredi (LR), président du Département des Hauts-de-Seine écoutent des apprenantes présenter leur parcours.

« Elles devraient toutes être prises en charge par la Sécurité Sociale, de 0 à 99 ans ! », affirme la sage-femme. Selon elle, nombreuses sont les personnes qui choisissent un moyen de contraception par dépit, à cause de manque d’informations, d’accès aux soins ou de moyens ; et ce choix par défaut entraine souvent une mauvaise gestion.

« La santé sexuelle, ça n’est pas qu’une ordonnance pour la pilule, il y a tout un contexte psychosocial à prendre en compte. » La jeune femme souligne le manque de personnel et de ressources dans les centres de santé de Nanterre, « comme partout », et déclare : « Si je devais vous dire tout ce que je veux… », sa phrase reste en suspens et ses yeux se lèvent vers le ciel.

Parmi le groupe des femmes qui parlaient pilules et stérilet avec la sage-femme se trouvent Hafida, Hakima et Mina, toutes trois «  apprenantes » (et fières de l’être) de l’École des Femmes. Arrivées du Maroc en 1991 et 2001, elles s’empressent tout de suite de dire : « Ici, c’est sérieux, on doit justifier nos absences, on a un examen pour passer à la classe supérieure et des devoirs à la maison… ». On sent leur enthousiasme et leur fierté. Des Écoles Françaises des Femmes comme celle-ci, il y en a cinq dans les Hauts-de-Seine, et une dans les Yvelines.

L’enthousiasme semble être partagé par les deux élus présents ce jour-là pour inaugurer l’école : Georges Siffredi (LR), président du conseil départemental des Hauts-de-Seine et Patrick Jarry (DVG), maire de Nanterre. Après avoir symboliquement révélé la plaque dorée installée à l’accueil de l’école, sur laquelle est gravé le nom de l’école, ils visitent les locaux. Ils sont tout neufs.
Une belle cuisine, plusieurs salles de classe et au mur, des portraits de femmes : Simone Veil, la chanteuse Shy’m, la danseuse Marie-Claude Pietragalla… Ensuite, les élus s’installent dans une classe en compagnie de plusieurs apprenantes, une table ronde déjà organisée lors de l’ouverture en 2019, en présence du maire de la Ville, qui a tenu à réitérer l’évènement.

Elles sont une dizaine assises face aux élus, conseillers départementaux et représentants d’associations partenaires. Certaines ont rédigées des notes pour se rassurer, car très vite, encouragées par Amandine Maloberti, coordinatrice de l’école, elles prennent la parole tour à tour.   La première, Déborah, suit des cours de niveau 1 (le premier). Elle s’introduit dans un français timide, légèrement déformé par un fort accent américain. Mariée à un Français, elle explique : « Nous choisir habiter ici car j’adore France ». Sur le territoire français depuis 2003, elle a commencé les cours  à l’École française des femmes de Nanterre en septembre, pour s’intégrer davantage.

« La santé sexuelle, ça n’est pas qu’une ordonnance pour la pilule », explique Élodie, une sage-femme.

Radija, algérienne en France depuis 2006, est apprenante du niveau B2 (le plus élevé).
« Ça se voit déjà », déclare tout sourire le maire (DVG) Patrick Jarry en l’entendant se présenter. Le sourire de l’élu s’élargit encore lorsque Radija, maman d’un petit garçon en situation de handicap, explique être très impliquée dans les combats de la ville de Nanterre. Elle dit « les combats de ma ville » avant d’ajouter rapidement « parce que je la considère comme ma ville », ce à quoi Patrick Jarry réplique avec dynamisme : « Et vous avez raison ! ».

Il y a aussi Majina, d’origines indiennes, qui avant d’arriver en France a eu un Doctorat en sciences politiques et a été professeur. Après plusieurs emplois en France et un arrêt forcé par la maladie, elle souhaite retrouver du travail. Ourida, quant à elle, est mère au foyer. Marocaine, en France depuis 10, elle a consacré tout son temps à ses quatre fils et sa maison. « Maintenant, je veux faire quelque chose pour moi », explique-t-elle, mi-déterminée mi-gênée, « j’attends de cette école qu’elle m’aide à trouver ma voie ». Bénédicte de Kerprigent, la fondatrice des Écoles confirme : « C’est l’objectif de l’école, nous sommes des écoles d’émancipation féminine ».

Autour de la table, la moyenne d’âge des apprenantes tourne autour de la quarantaine… Et puis il y a cette jeune fille de 20 ans, venue des Philippines pour réaliser son rêve : devenir ingénieure agricole. « Dans mon pays, à cause du gouvernement, il n’y a pas de budget pour l’agriculture. Alors que la France est connue pour ça, c’est la 8ème puissance agricole. J’ai beaucoup à apprendre ici et ça me donne confiance et espoir pour poursuivre mes études ».

Globalement, c’est ce qu’elles disent toutes : elles ont beaucoup à apprendre et l’école leur permet cela. À raison de plusieurs cours par semaine, pour des frais de scolarités de 15 € par an (le reste est financé par le département), ces femmes apprennent à s’exprimer. Or, la parole, qu’elle soit libérée ou enseignée, est le premier pas vers la liberté et l’égalité. « Cette école merveilleuse, c’est vraiment une bouffée d’oxygène » s’exclame Ourida avant de remercier chaleureusement toutes les personnes présentes. Elle est vite rejointe par toutes les apprenantes qui, visiblement reconnaissantes, lancent de joyeux « merci » à la cantonade.

Les autres viennent du Cambodge, du Mexique, d’Algérie… Au sein de l’École des femmes de Nanterre, 22 nationalités sont représentées, « la richesse de la France » selon Bénédicte de Kerprigent, directrice générale de l’Institut des Hauts-de-Seine, en charge du projet global. Toutes ces femmes, souvent isolées professionnellement et socialement par la barrière de la langue, viennent ici pour se perfectionner ou apprendre le français. En fin d’année, les apprenantes ont en effet la possibilité de passer soit le diplôme classique d’études de langue française (DELF), soit un DELF pro délivrés par le Ministère de l’Education nationale et reconnus à l’international. Certaines, avocates, médecins, etc. ont besoin d’équivalence aux diplômes qu’elles ont passés dans leur pays d’origine.

En tout cas, quels que soient leurs objectifs, elles repartent toutes avec un diplôme d’assiduité et de travail… Oui, toutes, comme tient à le souligner le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, alors qu’il constate le succès de l’initiative.
« J’en ai pour preuve les chiffres de l’année dernière. 100 % des femmes de l’école qui ont passé l’examen de langue l’ont réussi. Et 20 % ont trouvé par la suite un emploi ou une formation », déclare-t-il avant d’ajouter, à l’intention des apprenantes qui lui font face : « Nous sommes là pour vous accompagner, mais l’important , c’est votre volonté première et si vous êtes là, c’est que vous l’avez. »

À la fin de la table ronde, Georges Siffredi discute brièvement avec Déborah, l’apprenante américaine. Il lui demande d’où elle vient. « Californie ». « Il fait plus beau là-bas qu’à Nanterre ! »  plaisante-t-il à l’intention de Patrick Jarry, qui rétorque : « Il n’y a pas que la chaleur du soleil qui réchauffe ». Sans doute que Gwénola, en charge du Bus Santé Femme qui, le jour même, s’est garé sur le campus de la fac de Nanterre, partagerait cet avis.
La solidarité, l’écoute, la prévention et toutes les lumières qu’elles allument sont au cœur du projet qu’elle porte.

Dans le bus ce jour-là, une infirmière, un médecin et un psychiatre.

Le Bus Santé Femme a été mis sur les routes en 2019, « pour rompre la solitude et créer du lien social avec les femmes les plus isolées. », peut-on lire sur le site de l’Institut des Hauts-de-Seine. Ce projet est également soutenu, et en partie financé, par le Département,

Rueil-Malmaison, Courbevoie, Plaisir, Andrésy, Meudon… Ce bus fourni par la RATP a été transformé en cabinet social et médical mobile. Il tourne dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines avec, à son bord, une infirmière, un médecin, un psychologue, une avocate… Aujourd’hui, pour la première fois, à l’occasion de la journée Internationale des Droits des Femmes, il a serré le frein à main en face de la maison des Étudiants, sur le campus de Nanterre.

Sont proposés gratuitement dans le bus ce jour-là : dépistages auditifs et visuels, tests de glycémie, rencontre avec un psychologue… « L’accès aux soins est un problème, mais l’accès aux informations aussi » constate Gwénola. Avec ce public plus jeune, les responsables ont voulu mettre l’accent sur la santé féminine et mentale. Les étudiantes volontaires répondent à un questionnaire avant d’être prises en charge par le personnel du bus.

« Vous est-il déjà arrivé de fabriquer une protection périodique ? » « Avez-vous déjà renoncé à un rendez-vous médical d’ordre gynécologique pour des raisons financières ? », voici le type de questions auxquelles elles sont invitées à répondre. Selon l’association Règles Élémentaires, créée en 2015 par Tara Heuzé-Sarmini, 2 000 000 de femmes en France sont victimes de précarité menstruelle. C’est pourquoi cette année le Département a décidé de distribuer gratuitement   3 000 culottes pour les règles. Cette opération intitulée « Toutes culottées » a été pensée en partenariat avec la marque de culottes menstruelles Blooming. Devant le bus Santé Femmes, Gwénola constate le succès de la démarche et espère : « L’année prochaine, on aimerait une subvention pour en distribuer entre 10 000 et 20 000 ».

Alicia a 23 ans, elle est en master à la faculté de Nanterre. Nous l’interrogeons à la sortie du bus, « J’ai vu qu’il faisait des tests de glycémie gratuits et à un moment j’ai eu des taux trop élevés, donc en passant devant je me suis dis… Pourquoi pas ». La jeune femme explique avoir déjà fait un test à l’hôpital, « une fois », à l’époque où ses taux étaient problématiques, mais n’avoir pas fait de tests de suivis ensuite, « pas le temps » déclare-t-elle avec nonchalance. Selon elle, l’argent n’est pas le seul frein à l’accès aux soins des jeunes ; la santé ne serait tout simplement pas une priorité pour la génération Z (celles et ceux nés entre 1997 et 2010).

« À mon avis, la moitié des filles sont passées devant le bus sans s’arrêter… » observe Alicia : « Il y a une forme d’inconscience. Les cancers, tout ça, si ça n’arrive pas à nous ou à nos proches, on ne se sent pas concernées ».

Un peu plus loin, une étudiante nous interpelle, intriguée par notre appareil photo. Lorsque nous l’interrogeons sur le bus Santé Femmes, elle semble le remarquer pour la première fois et avoue ignorer à quoi il sert. Lorsque nous lui expliquons, elle applaudit le concept, mais quant à savoir si elle y passera ou pas, rien n’est moins sûr. « Euh… Je vais en cours là, mais peut-être après… » balbutie-t-elle avant de s’éloigner.

Enfin à 17 h 30 ce 8 mars 2022, « Le printemps des inégalités » était officiellement lancé à Nanterre, sur le site de la future Maison des Femmes de la Ville (à l’emplacement de l’ancienne mairie de quartier des Terrasses). Projet phare de la mandature de Patrick Jarry (DVG) en matière de droits des femmes, cette Maison accueillera les femmes victimes de violences. Ce « centre de ressources, porteur de valeurs féministes, dédié à la promotion de l’égalité femmes-hommes et, plus globalement, à l’émancipation des femmes », comme on peut lire sur le site de la Ville, ouvrira ses portes en septembre 2022.

Une action, une autre, parmi toutes celles menées par les collectivités locales des Hauts-de-Seine en faveur des droits des femmes. Des actions nécessaires, bienvenues, portées par le Département, les Mairies, mais aussi les citoyennes et citoyens. Des initiatives qui résonnent dans le quotidien d’Afida, de Déborah, d’Alicia et de toutes les autres femmes à qui les Hauts-de-Seine ont décidé de tendre la main.

CREDITS PHOTOS : LA GAZETTE DE LA DEFENSE