C’est sous une fine pluie automnale que la Maison des Femmes de Nanterre a été inaugurée, samedi dernier. Le 24 septembre, une centaine de Nanterriens et Nanterriennes se sont déplacés pour assister à l’événement. Stands créatifs et associatifs, show musical, visites des officiels… Agathe Bezault, plasticienne et Nanterrienne, anime un atelier sur les rêves. Un atelier pour se faire du bien, « l’art c’est un peu magique, donc on a de vraies discussions », nous explique l’artiste. Pas de doute, Patrick Jarry, le maire de Nanterre (DVG), a vu les choses en grand pour cette maison, dont l’histoire commence en 2019 lors d’un atelier citoyen organisé dans le quartier du Chemin-de-l’Île. L’objectif était alors de penser le nouveau programme municipal. À l’époque, relate l’édile, « le micro circule dans le public, une femme le saisit. Elle se présente, c’est une habitante de Nanterre, elle hésite… Pas facile de parler devant tant de monde de ce qui fait son intimité pendant des années : des insultes, des humiliations, des coups reçus, la détresse… ».

Une parole qui en a libéré d’autres, continue Patrick Jarry, « les témoignages se succèdent ». Le débat se prolonge dans un nouvel atelier citoyen et ça y est, le projet naît : Nanterre accueillera une Maison des Femmes. Le droit des femmes, le maire DVG en a même un thème majeur de sa mandature.

Au côté du maire de Nanterre, des invités prestigieux comme Isabelle Lonvis-Rome, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, ou la députée Sabrina Sabaihi.

Une histoire qui s’est écrite dans la collectivité, donc, et qui a fait beaucoup parler d’elle. La preuve, face au pupitre duquel l’édile tient son discours, des invités prestigieux : Isabelle Lonvis-Rome, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, des parlementaires, la députée Sabrina Sabaihi, une préfète… « C’est une belle maison de prise en charge globale en lien avec la justice et la police et c’est très important car lorsqu’une femme décide de parler, il ne faut pas la lâcher », affirme la ministre. C’est autant aux habitants de sa ville qu’à ses invités illustres que Patrick Jarry annonce fièrement : « 3 ans après l’irruption de ces paroles bouleversantes, quasiment jour pour jour, nous tenons cet engagement. » Une maison « unique en son genre en Île-de-France », qui se trouve à deux pas de la sortie du RER Nanterre Préfecture, au 215 Terrasses de l’Arche. « C’est bien parce que ça n’est pas une maison cachée », commente une habitante présente.

Mais c’est quoi au juste une Maison des Femmes ? « Un symbole » et « un lieu de vie » pour Morgane et ses amies, étudiantes assistantes sociales. Une nécessité surtout, car les jeunes femmes constatent « une mise en avant des mouvements féministes, mais pas de réelles avancées sur le terrain ».

« à partir d’aujourd’hui, les femmes qui travaillent et habitent à Nanterre ont un nouvel allié », affirme Patrick Jarry, maire de Nanterre (DVG).

Installée dans les 400 m2 de l’ancienne mairie de quartier des Terrasses, la Maison des Femmes a deux missions. La première, explique le maire de la Ville, c’est d’« accueillir, orienter et accompagner les femmes victimes de violences ». Aides juridiques, ateliers collectifs pour se reconstruire, suivi médical… L’endroit se veut être un refuge pour celles qui ne savent plus où aller. Sur le site www.arretonslesviolences.gouv.fr, on apprend qu’en France, durant l’année 2019, on estime à 213 000 le nombre de femmes (âgées de 18 à 75 ans) qui ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint.

Autre chiffre alarmant : « Le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de viols et/ou de tentatives de viol est estimé à 94 000 femmes. » Pour les victimes de violences conjugales, les options d’hébergement sont trop rares, et souvent saturées. Patrick Jarry a d’ailleurs interpellé à ce sujet Isabelle Lonvis-Rome, « la situation absolument dramatique du logement en Île-de-France limite considérablement notre capacité à répondre à ces situations d’urgence ». Dans son rapport de 2021 « Un abri pour toutes », la Fondation des Femmes estime que près de la moitié des femmes victimes de violences qui demandent à être relogée n’ont pas de réponse favorable.

Si les solutions d’hébergement manquent, les associations qui viennent en aide aux victimes sont nombreuses dans le Département. Mais ce que la Maison des Femmes de Nanterre a de spécial, c’est qu’en plus de jouer ce rôle de refuge, elle tend à être un « centre de ressources socio-culturel et sportif ». La seconde mission du lieu, c’est de « promouvoir la culture de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toute la ville ».

Agathe Bezault, plasticienne et Nanterienne, animait un atelier sur les rêves.

Un lieu d’échange et de réflexion pour « Toutes les femmes », martèle Patrick Jarry, qui « ne fera pas le tri ». Sur place, une jeune femme nous avoue son désarroi : « Aucun homme ne poussera la porte d’un endroit qui s’appelle Maison des Femmes », s’alarme-t-elle. Une autre confirme : « Sans l’implication des hommes, les choses ne changeront jamais. » Un avis que semble partager le maire de Nanterre qui déclare : « Les violences faites aux femmes ne sont pas qu’une affaire de femmes […] apprenons à nos fils, à nos frères à nos pères, à nos amis le sens de l’égalité et du consentement. » Le maire a également profité de l’événement pour formuler un autre souhait : que le département des Hauts-de-Seine s’engage plus fortement pour les victimes, « d’abord parce que l’action sociale est la première de ses compétences, ensuite parce qu’il en a largement les moyens ».

Des victimes de violences sexistes et sexuelles, il y en avait évidemment dans la foule présente ce samedi-là devant la Maison des Femmes. Nous en avons rencontré plusieurs, la plus jeune âgée d’à peine dix ans… Une enfant « victime de son père », nous confie sa maman avant d’ajouter : « C’était très important pour nous deux d’être là ». Une autre femme avec qui nous échangeons s’enthousiasme : « Je trouve ça génial, ça a fait beaucoup de bruit, ils en ont même parlé sur France Inter ! Je salue la Ville d’avoir réussi à amener autant d’officiels, c’est vachement salutaire », avant de nous avouer avoir été agressée plusieurs fois, elle aussi. Deux fois récemment, dans le métro, et une fois lorsqu’elle était étudiante, sur son campus. Elle nous confie la peur, au moment des faits, mais surtout la colère qui monte à chaque nouvelle agression. Une colère qui n’empêche pas l’espoir de voir les choses évoluer. Quoi qu’il en soit, « à partir d’aujourd’hui, les femmes qui travaillent et habitent à Nanterre ont un nouvel allié », affirme Patrick Jarry avant de conclure : « La politique est une très belle chose quand elle écrit ce type d’histoire. »

La Maison des Femmes de Nanterre vous accueille du mardi au vendredi, de 9 h 30 à 12 h et de 13 h 30 à 17 h 30. Pour plus d’informations : 01 71 11 44 75 ou maisondesfemmes@mairie-nanterre.fr.