L’essor du vélo ne se dément pas en Ile-de-France depuis la fin du confinement, et le quartier de la Défense ainsi que les villes qui le composent ne font pas exception. Face à la tendance qui semble s’installer durablement dans les habitudes des Franciliens, un meilleur partage de l’espace public est nécessaire.

Ainsi, les mairies, le département des Hauts-de-Seine mais aussi Paris La Défense, organisme public gestionnaire du quartier, et les associations d’usagers, travaillent main dans la main pour faire du quartier d’affaires un lieu de partage de l’espace, paisible et adapté aux nouveaux usages, tout en laissant la priorité aux piétons sur la dalle.

Mardi 6 octobre, le collectif de cyclistes franciliens organisait ainsi une opération sur le pont visant à demander la pérennisation des coronapistes, et de celle du pont de Neuilly en particulier.

« La priorité est donnée aux circulations piétonnes sur la dalle de la Défense, il en sera toujours ainsi », prévient Anouk Exertier, responsable du pôle mobilités de Paris La Défense. La question se pose en effet alors que la dalle est exclusivement piétonne et où les mobilités dites douces, comme le vélo ou la trottinette, sont seulement tolérées.

L’utilisation du vélo avait cependant déjà connu une augmentation avant le confinement, comme l’explique Thierry Dussautoir, chef du service mobilités du département des Hauts-de-Seine. « On a retrouvé des comportements qu’on avait vus lors de la grève RATP de décembre à janvier », explique-t-il à propos de l’augmentation du nombre de cyclistes au lendemain du déconfinement.

Les pouvoirs publics ont largement incité les Français à éviter les transports en commun pour tenter de limiter la propagation de la Covid-19, notamment avec « le coup de pouce vélo » mis en place par le gouvernement. « À la sortie du confinement, et dans le but de favoriser la distanciation sociale, la priorité a été donnée aux infrastructures cyclables de transitions pour favoriser les déplacements quotidiens domicile-travail, offrir une alternative aux transports en commun et éviter un retour massif à la voiture », indique Alexandrine Mounier, conseillère municipale nanterrienne déléguée au vélo et aux mobilités douces.

« La crise sanitaire a fortement accéléré les sujets liés au vélo », abonde ainsi Anouk Exertier de Paris La Défense, en évoquant l’après confinement dans le quartier d’affaires. « On a été surpris en partie, explique de son côté Thierry Dussautoir de cet essor. Mais, la question était surtout de savoir si les personnes allaient revenir au travail. Une autre inconnue était aussi l’usage de la voiture : le risque était que les personnes se détournent certes des transports en commun, mais en faveur de la voiture ».

Les coronapistes, fameuses pistes cyclables temporaires signalées en jaune, ont ainsi fleuri un peu partout en Ile-de-France et autour du quartier d’affaires. « Ces pistes provisoires nous ont montré que lorsqu’on avait des pistes larges, confortables et qui donnaient un sentiment de sécurité, on avait certes beaucoup plus de cyclistes, mais aussi des cyclistes différents », assure le chef du service politiques et offres de mobilités du département des Hauts-de-Seine. Frédéric Delaunay de La Rustine de Nanterre, fait ainsi le même constat et s’en réjouit : « On voit plus de femmes, plus de gens bien habillés qu’on verrait plutôt sortir de grosses berlines d’habitude ».

« Il y avait des problèmes de sécurité qui faisaient que les gens ne prenaient pas le vélo et ils ont été réglés, estime Nicolas Denos de MDB Courbevoie et du Collectif vélo Pold (Paris Ouest la Défense, Ndlr). Il y avait aussi des à priori, mais les gens se sont vite rendu compte qu’il était simple de ne pas arriver en sueur au travail ou qu’il suffisait de se couvrir un peu plus quand il faisait froid par exemple. Et, ça a été essayé assez longtemps pour qu’il n’y ait pas de retour en arrière. »

« Il y avait des problèmes de sécurité qui faisaient que les gens ne prenaient pas le vélo et ils ont été réglés », estime Nicolas Denos de MDB Courbevoie et du Collectif vélo Pold.

Ces pistes, dont certaines étaient demandées depuis de longues années par les associations d’usagers, ont donc vu le jour et trouvé leur public très aisément. Ainsi, l’exemple le plus emblématique est certainement celui de la piste du pont de Neuilly, permettant d’accéder aisément au quartier d’affaires. « C’est la coronapiste qui d’un coup a ouvert la Défense aux vélos, qui d’un coup  à ouvert la  capitale à son quartier d’affaires, illustre Louis Belenfant,  président du Collectif vélo Ile-de-France. La ministre de  l’écologie Elisabeth Borne est venue poser  dessus ! »

Mardi 6 octobre, le collectif de cyclistes franciliens organisait ainsi une opération sur le pont, visant à demander la pérennisation des coronapistes, et de celle-ci en particulier. « On parle de quasi 6 000 cyclistes jour, abonde-t-il encore. Il faut voir quand même que ce n’est qu’un début parce que le quartier d’affaires tourne au ralenti. Il y a beaucoup de télétravail donc on peut très vite arriver aux 10 000 cyclistes par jour. » Auparavant mal éclairé, le pont de Neuilly n’offrait aucun passage réservé aux vélos. Le peu de cyclistes qui l’empruntaient devaient ainsi circuler sur le trottoir, un retour à cette situation semble impossible aujourd’hui.

« On a rendu le trottoir aux piétons et ça, c’est quelque chose qui doit être absolument pérennisé. On ne peut pas renvoyer 6 000 cyclistes dans la nature en leur disant : ‘‘ Demain ce n’est plus possible’’ », estime encore Louis Belenfant. Même son de cloche du côté de Nicolas Denos, adhérent de MDB Courbevoie et membre du Collectif vélo Pold : « Je ne vois pas comment il pourrait y avoir un retour en arrière ».

La pérennisation semble en effet être le sujet sur toutes les lèvres, des responsables d’associations aux pouvoirs publics. Ces derniers, qui mènent aussi des comptages pour évaluer la fréquentation des pistes mises en place, ont cependant des contraintes de taille et ne pourront peut-être pas répondre aux vœux des cyclistes.

« Les comptages nous permettent de savoir si les pistes provisoires rencontrent un certain succès ou pas, indique Thierry Dussautoir du département. Et cela fait partie des critères que vont avoir nos élus et les maires pour savoir si on pérennise et de quelle manière. » Les fameuses balises jaunes, parfois décriées, ne semblent en effet pas être une solution viable. Devant être remplacées régulièrement, elles sont coûteuses pour les collectivités.

En outre, un bon nombre de pistes provisoires des Hauts-de-Seine s’insèrent mal sur les voies, jusque là réservées aux véhicules motorisés. Il n’est ainsi pas rare pour une voiture de devoir traverser une piste pour se garer par exemple. « Il faut aussi penser aux bus et aux secours », énumère Thierry Dussautoir. « Il faut qu’on trouve des solutions pour avoir un aménagement cyclable qui réponde aux différents besoins, mais qui sera forcément très différent du provisoire », prévient le chef du service mobilités du département des Hauts-de-Seine.

Pour autant, les projets autour des mobilités douces suivent leur cours. Ainsi, et cela était déjà évoqué avant le confinement au mois de mars dernier, Paris La Défense réfléchit en partenariat avec l’État et la préfecture, à l’ouverture de pistes cyclables sous la dalle de la Défense. « Le développement des modes de déplacement actifs était déjà engagé, assure Anouk Exertier. La crise sanitaire que nous traversons a été un accélérateur de cet essor ».

« La signalétique a été mise sur la dalle, c’est maintenant beaucoup plus lisible », se félicite-t-il encore. En effet, Paris La Défense a mis en place de nombreux panneaux indicatifs sur la dalle.

Ce projet, encore à l’étude, de pistes cyclables sous la dalle, est d’ailleurs aussi plébiscité par les associations cyclistes, désireuses de partager paisiblement la dalle de la Défense avec les piétons. Car cette dalle est bien piétonne et un afflux trop important de cyclistes serait potentiellement accidentogène mais tendrait aussi les relations entre usagers à pied prioritaires, et cyclistes.

« C’est quelque chose qui est assez attendu puisque ça va permettre de traverser la Défense, explique Nicolas Denos. Et, il a aussi de nombreux autres tunnels qui permettraient d’éviter de passer par la passerelle de l’Aigle. L’ouverture permettrait d’orienter plus de vélos dans les tunnels et de les faire sortir proche de leur but. Il y a des vélos qui veulent juste traverser la dalle pour aller plus loin, pour aller travailler à Nanterre par exemple. On veut qu’ils puissent le faire sans passer par la dalle, parce que finalement avec les piétons, ça n’est pas l’itinéraire le plus rapide. »

« Avant le confinement on avait 58 projets d’aménagements de voirie, qui comprennent les pistes cyclables, précise Thierry Dussautoir. On va réviser un peu ça, parce que les pistes provisoires nous donnent des enseignements dont il va falloir tenir compte. Et il est possible, qu’au regard du succès de certaines d’entre elles, nos élus se posent la question de la priorisation des aménagements cyclables. »

Dans les succès notables des Hauts-de-Seine : le boulevard circulaire, qui dessert le quartier d’affaires. « On atteint maintenant à peu près 2 000 vélos par jour », explique le chef du service politiques et offres de mobilités du département. Du côté des associations, l’aménagement du boulevard circulaire est en effet une réussite mais, encouragées par ces derniers mois de transformation totale, d’autres chantiers sont maintenant demandés.

« On est vraiment satisfaits de voir ce qui a été fait à la Défense dans un temps très court, se félicite ainsi Nicolas Denos. Après, la Défense part de très loin, donc, il y a effectivement des choses à améliorer. » L’accessibilité à la dalle par les vélos reste ainsi compliquée. Les barrières anti-scooters placées en amont de la dalle, pour éviter la présence de deux-roues motorisés, gênent ainsi l’accessibilité des vélos spéciaux comme les cargos.

« La signalétique a été mise sur la dalle, c’est maintenant beaucoup plus lisible », se félicite-t-il encore. En effet, Paris La Défense a mis en place de nombreux panneaux indicatifs sur la dalle. Sur les plans d’information du quartier, les voies cyclables ont même été ajoutées. Sur son site internet, l’organisme gestionnaire du quartier a en plus répertorié tous les accès cyclistes à la dalle.

« Maintenant ce qu’il manque, c’est la signalétique sur toutes les nouvelles pistes qui ont été faites », estime Nicolas Denos. Prenant l’exemple de la piste du boulevard circulaire, le responsable associatif explique : « Quand vous ne connaissez pas bien la Défense, ça reste compliqué de savoir quand est-ce qu’il faut sortir pour aller à la Grande Arche par exemple ».

« Il y a des endroits aussi où il faudrait peut-être travailler sur des petites goulottes vélo pour pouvoir passer plus facilement dans les endroits où il y a des escaliers », commente également Nicolas Denos. Mais, la transformation du plus grand quartier d’affaires d’Europe ne se fera évidemment pas sans les entreprises qui y sont installées.

« Paris La Défense réunit chaque mois un groupe de travail comprenant 14 entreprises du quartier », explique ainsi Anouk Exertier sans citer les noms des firmes concernées. « Il a des entreprises qui s’engagent un peu plus mais pas toutes, remarque lui aussi Nicolas Denos. Il faudrait qu’elles proposent le forfait mobilité durable qui est optionnel ». Ce forfait, qui peut donc être proposé par les employeurs, consiste en une prise en charge des trajets domicile-travail à hauteur de 400 euros par an. Cela concerne uniquement les trajets à vélo, en covoiturage ou autres types de mobilités partagées.

Autre axe d’amélioration pointé du doigt par le Collectif vélo Pold : le manque de parkings, sécurisés ou non, destinés aux vélos. Face à la Grande Arche par exemple, Paris La Défense a installé de nouveaux arceaux. Mais l’engouement autour du vélo est tel que les places y sont très rares en semaine, alors même qu’une partie (40 % selon les chiffres de Paris La Défense) des habitués de la dalle sont encore en télétravail et n’utilisent donc pas le mobilier.

Le projet, encore à l’étude, de pistes cyclables sous la dalle est d’ailleurs aussi plébiscité par les associations cyclistes désireuses de partager paisiblement la dalle de la Défense avec les piétons.

« Il faudrait aussi réfléchir à des solutions de parkings sécurisés », abonde Nicolas Denos. Certains parkings privés proposent d’ailleurs un abonnement pour les cyclistes, mais ce genre d’abonnements n’est pas assez généralisé pour le membre du Collectif vélo Pold. « Avec les vélos à assistance électrique (VAE,Ndlr), on peut facilement faire 20 km. Donc, il y a de plus en plus de gens qui viennent de loin. Et, ils préfèrent parfois le garer dans un parking sécurisé parce que leur vélo coûte cher. »

L’accession à un vélo, électrique ou non, est d’ailleurs un autre sujet, qui concerne cette fois-ci les mairies et le Département. À Puteaux comme à Nanterre ou à Courbevoie, les municipalités proposent ainsi une subvention avec conditions de ressources pour l’achat d’un vélo à assistance électrique. Et, l’engouement pour la bicyclette se ressent aussi au travers du nombre de demandes faites par les administrés.

« Il était déjà prévu que le développement du vélo à Nanterre mobiliserait six millions d’euros sur la durée du mandat dans le cadre du plan vélo municipal, précise ainsi Alexandrine Mounier, élue déléguée aux mobilités douces. Suite à la crise sanitaire, 35 000 euros supplémentaires ont été débloqués pour répondre à une demande croissante d’aide à l’achat des VAE. Nous avons déjà 250 demandes depuis le 1er janvier 2020, contre 54 en 2019 ! »

Le développement et le plébiscite de ce genre de vélos est d’ailleurs aussi un sujet quant à l’aménagement des pistes cyclables, comme l’explique Thierry Dussautoir, du département des Hauts-de-Seine. « Ils contribuent à la féminisation des usagers des pistes cyclables, mais ils nous poussent aussi à avoir une approche un peu particulière. Les VAE roulent plus vite que les vélos mécaniques et donc la notion de dépassement entre cyclistes est plus importante. Cela va probablement nous amener, dans les années à venir, à avoir des pistes cyclables plus larges que ce que l’on avait l’habitude de faire. »

La Défense, longtemps considérée comme terrain hostile pour les vélos, avait ainsi déjà entamé sa mue depuis plusieurs années. Mais, la grève des transports de décembre dernier puis le déconfinement et la mise en place de pistes temporaires, ont amené de nouveaux usages en termes de mobilités douces qui semblent s’inscrire dans la durée.

« La priorité est donnée aux circulations piétonnes sur la dalle de la Défense, il en sera toujours ainsi », prévient Anouk Exertier, responsable du pôle mobilités de Paris La Défense.

L’aménagement pérenne du quartier d’affaires et de ses alentours est bien plus complexe qu’il n’en a l’air et doit se mener de concert entre Paris La Défense, gestionnaire du quartier, la préfecture, le département des Hauts-de-Seine mais aussi les mairies de Nanterre, Puteaux et Courbevoie et donc autant de sensibilités et de projets locaux différents. 

La dramatique crise de Coronavirus, aura au moins permis un spectaculaire bond en avant effectué par les pouvoirs publics en termes d’aménagements en faveur des mobilités douces. Ces changements attendus par les associations, depuis parfois des années, n’en sont visiblement qu’à leurs balbutiements.

PHOTOS : ILLUSTRATIONS / LA GAZETTE DE LA DEFENSE