Il est en poste depuis à peine plus de quatre mois et s’est déjà fait convoquer par la préfecture, qui lui reproche de contourner les circuits classiques de l’administration pour aider ceux qui font appel à lui. A Nanterre, le délégué du Défenseur des droits, qui cherche à « faire le bien » après une carrière dans la finance, reçoit 50 % de demandes d’aide pour des naturalisations et des renouvellements de titres de séjour.

Mais la tâche n’est pas toujours facile pour ce délégué bénévole d’une autorité administrative indépendante créée en 2011, et chargée de défendre les droits des citoyens face aux administrations. Le secrétariat général de la préfecture a ainsi demandé à Guy Lacaze de mieux respecter les processus de l’administration et les vérifications préalables à la naturalisation.

« Si les renouvellements sont faciles, les cas les plus difficiles, ce sont les naturalisations et les demandes de titres de séjour », constate-t-il de ces procédures. S’il est persuadé qu’il « restera tant que des gens auront besoin de [lui] », Guy Lacaze a toutefois dû mettre de l’eau dans son vin pour aider son prochain. « Il faut quand même être politiquement correct. Sur le sujet des naturalisations, il a fallu que je sois moins enthousiaste », concède-t-il.

« Nous sommes nécessaires », martèle-t-il toutefois : « Certains viennent me voir et sont à la veille de la fin de leurs titres de séjour, ils sont à deux doigts de perdre tous leurs droits. » Alors, le délégué nanterrien du Défenseur des droits prend son bâton de pèlerin. « De son côté, l’administration est débordée et la plateforme numérique est tous les jours saturée en moins d’une heure, explique-t-il. Mon objectif à moi, c’est de prouver aux gens que l’administration n’est pas si « pourrie » que ça, et qu’elle peut les aider comme tout le monde. »

Il a troqué, à l’heure de la retraite, son poste de directeur grands comptes chez le promoteur immobilier Nexity pour celui de bénévole juste défrayé de ses frais en devenant l’un des délégués altoséquanais du Défenseur des droits. Guy Lacaze, depuis son triste bureau gris, sans vue et caché dans les couloirs de la préfecture de Nanterre, n’en croit pas moins à sa mission. « En partant à la retraite, nous avons décidé, avec mon épouse, de faire le bien et de redonner à la société ce que nous avons pu avoir, expose-t-il. Ici, j’ai vraiment l’impression d’être utile. »

Au sein de sa permanence qu’il tient tous les mardis à la préfecture, il a décidé, depuis trois semaines de « changer de stratégie » vis-à-vis des ­administrations concernées. « Je mise beaucoup sur l’affect, avance Guy Lacaze. Lorsque je reçois des gens, je leur demande systématiquement de me donner des arguments pour les ­défendre, pour que j’envoie ensuite des mails nommément en prouvant que ce sont des gens biens aux services concernés. »

« J’ai reçu une lettre de deux pages d’une mère de famille seule dont  les enfants étaient déjà naturalisés », se rappelle-t-il. « Sur ses trois enfants, le dernier passe le bac, le second est à bac+2, et le troisième a bac+5 en droit, poursuit le délégué de Nanterre. « Si un de ses enfants arrive à avoir le même parcours universitaire que moi, c’est que leur intégration est réussie, et sa mère y est pour quelque chose », tranche-t-il en souriant.