Écoles de commerce, écoles d’ingénieurs ou faculté : le quartier d’affaires de la Défense est un territoire où l’on étudie. Les formations de finance ou d’éco-gestion sont ainsi accessibles dans de nombreux établissements, qu’ils soient publics, comme l’université de Nanterre, ou privés, comme les nombreuses écoles de commerce installées sur la dalle.

Pourtant, tous les étudiants n’auront pas les mêmes chances en arrivant sur le marché du travail. Si les entreprises assurent ne pas faire de différence à l’embauche, un élève d’école de commerce disposant déjà d’expériences dans le monde du travail en France ou à l’étranger, sera évidemment jugé plus apte qu’un étudiant en master à l’université.

Cependant, ces étudiants d’établissements publics ne baissent pas les bras. À Nanterre, étudiants d’éco-droit, d’éco-gestion et finance ont créé une association : le Club finance. Calquée sur le modèle des associations des grandes écoles, la structure est parrainée par des employés du secteur, anciens élèves ou non, qui poussent les étudiants à croire en eux et leurs capacités.

« On a bien plus de chance de décrocher des postes en back office (assistants… Ndlr) qu’en front office (cadres… Ndlr) », explique Vijay Annassamy, président du Club finance de l’université de Nanterre et étudiant en deuxième année de master Banque, finance et assurance, lors d’une des réunions du club en octobre. Si le master qu’il étudie propose un stage chaque année, un bon nombre d’étudiants d’autres filières comme éco-droit ou éco-gestion n’ont pas de proposition de parcours de professionnalisation.

« Pour l’instant c’est un très bon début, mais ils doivent encore pousser le concept plus loin », estime Sylvain Makaya, l’un des parrains du club finance de l’université de Nanterre.

De l’autre côté, les écoles de commerce misent beaucoup sur les stages pour leurs étudiants. L’EDC, installée dans la galerie des Damiers, propose ainsi au minimum 15 mois et demi de stage, durant le cursus. L’Essec, dont une antenne est installée dans le Cnit, pousse ses élèves à partir au moins 18 mois en stage dont une partie à l’étranger. À l’Iéseg aussi les stages font partie intégrante de la formation et les étudiants en master doivent passer au moins six mois en entreprise.

Enfin, le Pôle Léonard de Vinci n’est pas en reste puisqu’il impose un stage de six mois à l’étranger à la fin de la troisième année du premier cycle en plus d’un court stage de deux à quatre mois dès la première année. Pour le deuxième cycle, cinq masters sur les dix proposés sont à faire en alternance. Globalement, les étudiants de master doivent réaliser au moins dix mois de stage dans leurs deux dernières années.

Toutes ces écoles privées ont un coût de scolarisation bien plus élevé qu’à l’université. Une année d’étude à l’Iéseg coûte ainsi plus de 11 400 euros, une année à l’Essec coûte 11 000 euros la première année et 15 000 euros pour une année de master. À l’école de management du Pôle Léonard de Vinci, le prix d’une année d’étude s’élève à 9 400 euros pour le programme Grande école.

En face, à l’université de Nanterre, les étudiants doivent débourser 170 euros pour une année de licence et 243 euros pour une année de master. Mais l’enseignement y est bien différent. Les écoles privées mettent en place des partenariats avec des grandes entreprises du secteur. Des professionnels viennent aussi donner des cours aux étudiants. « C’est bien d’avoir des cours académiques, explique Sylvain Makaya, l’un des parrains du Club finance. Mais il faut des cours donnés par des professionnels. »

Du côté des entreprises du secteur de la finance, les jeunes diplômés d’écoles de commerce sont bien plus nombreux que ceux issus d’universités. « Dans nos nouvelles recrues, on a 40 à 45 % d’anciens étudiants d’école de commerce, 30 % issus d’écoles d’ingénieurs et le reste venant d’études universitaires », illustre Charlotte Gouiard, responsable des relations écoles et du recrutement dans le cabinet d’audit Mazars.

Difficile cependant de dire si les entreprises accordent moins d’importance aux CV d’étudiants venus de facultés lors des premières candidatures. « On va avoir majoritairement des candidatures isssues d’écoles de commerce, assure Charlotte Gouiard. Je dirais que les candidatures de profils universitaires arrivent en deuxième position avant les écoles d’ingénieurs, pour lesquels ce ne sont pas des débouchés naturels. »

Chez Mazars d’ailleurs, les profils universitaires sont vus comme « des candidats très bons techniquement, parce qu’elles ont fait des masters très spécialisés en gestion ou en finance ». Les jeunes diplômés d’école de commerce ne sont cependant pas en reste. S’ils viennent parfois de cursus moins pointus, « ils ont souvent plus orientés client focus (relations clients, Ndlr)»

Mais si les jeunes diplômés d’université sont officiellement accueillis comme les autres au sein des entreprises, l’ascension de leur carrière s’avère souvent plus lente. Mazars, ou même son concurrent Deloitte depuis peu, proposent ainsi un « Graduate program » réservé aux anciens étudiants des écoles les plus prestigieuses à l’issue d’une sélection. Ce genre de programme interne permet aux participants de découvrir d’autres métiers proposés par l’entreprise, et ce durant plusieurs mois.

« Malheureusement, ce que l’on constate, c’est que les étudiants qui ne sont pas sortis de fac comme Dauphine ou d’école de commerce ou d’ingénieurs, vont se trouver globalement aux mêmes postes que les autres, et encore, assure Sylvain Makaya, qui travaille aujourd’hui dans un fond d’investissement. Mais il faut savoir qu’il y a un différentiel en termes de progression, au sein de l’entreprise ou du secteur. Non seulement ils vont se retrouver à des postes qui ne sont pas au même niveau, mais surtout, ils vont progresser moins vite que les autres. »

Et cette différence se constate directement au niveau des salaires des diplômés. Les alumnis de l’EDC gagnent ainsi en moyenne 40 200 euros brut par an après leur diplomation. Les anciens élèves de l’Essec gagnent eux entre 75 000 et 80 000 euros en audit, entre 50 000 et 60 000 euros en conseil et entre 65 000 et 70 000 euros en finance.

Selon des chiffres publiés par Le Monde en décembre 2017, les étudiants de Paris X Nanterre issus des formations en droit, économie et gestion touchent en moyenne 34 300 euros brut sur un an, 30 mois après leur diplomation. Le taux d’insertion à 18 mois de ces étudiants est cependant particulièrement élevé, puisqu’il culmine à 95 %.

Sylvain Makaya prendrait-il un étudiant de Nanterre en stage dans son entreprise ? « Bien sûr, si l’étudiant passe le process de sélection », assure-t-il. Pourtant, il constate que les étudiants issus d’université s’auto-censurent. « Ce qui fait qu’ils n’osent même pas postuler, se désole celui qui tente de les pousser à croire en eux. C’est très curieux parce qu’il y a une méconnaissance des codes qui amène une auto-censure. Et l’un nourrit l’autre. »

Employé au sein d’un fond d’investissement après un parcours d’école de commerce à Strasbourg et une tentative infructueuse de création de start-up, Sylvain Makaya espère, à son niveau, changer les méthodes d’enseignement à la fac. Ainsi, à côté de son activité salariale et de son rôle de parrain de l’association, il donne des cours en finance, pour les niveaux master à Paris X.

« Les trois leviers à mettre en place ce sont les stages. Il faut que les universités mettent en place des stages obligatoires, aujourd’hui ça n’est pas encore généralisé contrairement aux écoles de commerce, explique-t-il. La connexion avec le monde de l’entreprise doit aussi être améliorée. Il faut faire appel à des intervenants du monde de l’entreprise, à l’université, il n’y en a pas encore assez. »

« Il faut aussi mettre en place des juniors entreprises : c’est une espèce d’association qui permet de faire des missions pour des entreprises et d’y être plus connectés, poursuit le parrain du Club finance. Et le troisième levier, c’est de se tourner vers l’international. Aujourd’hui, c’est incontournable, les écoles de commerce l’ont très vite compris. »

L’association nanterrienne est en soi assez inédite pour une université. « Je trouve que c’est une excellente initiative, c’est pour ça que j’ai accepté d’y passer un peu de temps, confie le parrain de l’association. Ça va dans le sens de tous les points que j’ai soulevés. Pour l’instant, c’est un très bon début, mais ils doivent encore pousser le concept plus loin. »

« Plusieurs fois par an, on organise des conférences avec des professionnels mais aussi des groupes de travail, illustre de son côté Vijay Annassamy, le président de l’association. On propose de l’aide pour les CV, les candidatures à des stages. Plus on sera en lien avec des entreprises, mieux ce sera. » Ils sont une vingtaine à s’être réunis mardi 29 octobre dans un bar parisien à l’occasion d’un afterwork.

Si l’événement est ce soir-là seulement entre membres de l’association, il n’est pas rare que le Club finance organise de tels événements où sont invités des professionnels du secteur. « Ça permet d’élargir notre réseau », explique le président de l’association. Deux jeunes membres de l’équipe sont en outre chargés d’inviter des intervenants lors des conférences. « C’est tout bénef pour eux, assure Vijay Annassamy. S’ils travaillent bien, ils ont les contacts de gens très intéressants qui travaillent dans le secteur. »

Et le travail de tous les membres de l’association paye en termes de recrutements. Aussi, en octobre. En octobre dernier, Vijay Annassamy et Saïkou Barry, le premier président de l’association, recevaient la bourse de 2 000 euros décernée par BNP Paribas et Paris X pour la création de leur projet pour l’insertion professionnelle.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE