« Dans le domaine militaire, on envoie des hélicoptères et des chars. Là, c’est pour un escalator en panne, et on envoie soit un réparateur, soit des secours. » En deux phrases, le fondateur de la start-up Geoide résume le travail de sa jeune entreprise à la Défense aux invités de l’inauguration de l’incubateur de Paris La Défense, l’établissement gestionnaire et aménageur du quartier d’affaires, un soir de fin novembre.

En 2017, Geoide emporte le marché public de gestion de l’Hyperviseur des systèmes d’aide à l’exploitation (HSAE) pour un montant de 1,3 million d’euros sur quatre ans. Depuis, la société aux origines militaires met à profit son expérience des champs de bataille pour l’appliquer à cet outil censé révolutionner la surveillance comme la maintenance du quartier, ainsi que le travail des opérateurs du nouveau PC sécurité.

Geoide devrait mettre en place cette année de nouveaux outils de fusion des données, et compte bien passer ensuite à l’anticipation. Si les 320 caméras y sont évidemment reliées, le HSAE reçoit aussi les données de 13 000 capteurs, des lampadaires aux parkings en passant par les ascenseurs et escalators, dont le bon fonctionnement est essentiel aux salariés comme aux habitants du quartier d’affaires.

Depuis 2017, la société aux origines militaires met à profit son expérience des champs de bataille pour l’appliquer à un outil censé révolutionner la surveillance comme la maintenance du quartier.

Initialement lancée en 2012, la création du HSAE aboutit en 2016 avec un système informatique conçu par Actemium, une filiale de Vinci énergies dédiée aux processus industriels. « L’outil que nous avons développé est assez révolutionnaire, et unique en France. Il a demandé un travail un peu douloureux, long mais essentiel », déclarait en septembre dans une interview à La Gazette Marie-Célie Guillaume, la directrice générale de Paris La Défense.

« Il permet de concentrer les différentes informations qui remontent des différents capteurs de la Défense, des bornes d’appels aux systèmes de surveillance ou aux escalators, explique Jean-Philippe Morisseau, le directeur des opérations de Geoide. La problématique est que Paris La Défense est devenu un organisme d’intérêt vital, avec un besoin de cybersécurité drastique, et a dû mettre aux normes ses infrastructures pour correspondre à ce niveau de sécurité. »

L’établissement a donc choisi une entreprise à la technologie jeune mais déjà adoptée par ses clients militaires, en particulier les forces spéciales françaises dont le fondateur de Geoide a été membre. Avec à la clé l’adoption de certaines « briques » de son propre hyperviseur, dont la première a été mise en place en septembre dernier : « Une gestion du temps différée, où on peut remonter dans le temps, pour explorer à la fois sur un horizon très visuel et temporel l’ensemble des informations susceptibles d’aider à la compréhension. »

« Il permet de concentrer les différentes informations qui remontent des différents capteurs de la Défense, des bornes d’appels aux systèmes de surveillance ou aux escalators », explique Jean-Philippe Morisseau, le directeur des opérations de Geoide.

Depuis qu’elle est chargée du HSAE, Geoide a également créé « la plateforme de test qui permet de tester en situation réelle de nouveaux équipements avant de les déployer en production sur l’hyperviseur ». Son prochain objectif ? « Une autre brique est actuellement en test, susceptible d’enrichir l’hyperviseur actuel de la situation du quartier en temps réel, information qu’on afficherait sur un mur d’écrans », indique Jean-Philippe Morisseau.

Dans la pièce occupée par la start-up au sein du S’lab, l’incubateur lancé en novembre dans les locaux de Paris La Défense au sein de Coeur Défense, les écrans pullulent, sur lesquels s’affiche une version de démonstration de l’hyperviseur version Geoide. D’un côté, une carte du quartier et de certains capteurs. De l’autre, une liste chronologique d’événements issus des capteurs. Et, dans la main de Jean-Philippe Morisseau, un téléphone sur lequel s’affiche la future « main courante » de cet hyperviseur, rapportant tout ce qui y est enregistré par les opérateurs.

« Quand une ampoule est cassée, un lampadaire s’éteint, soit c’est une panne, soit c’est un problème de sûreté parce que quelqu’un tape dessus, on prévient donc sécurité et maintenance », détaille de manière concrète le fondateur de Geoide, Grégory Gille, aux invités de l’inauguration du S’lab ce soir de novembre. « D’une donnée, un lampadaire hors service, on en déduit un événement qui est une dégradation sur la voie publique », poursuit-il de son exemple.

« On a développé des outils pour répondre aux mêmes types de problématiques, mais chez les militaires […], pour centraliser l’information et amener la bonne information au bon endroit, car trop souvent, on a été confronté à quelqu’un qui avait l’information mais on l’a eu trop tard », confie l’ancien des forces spéciales françaises : « C’est le même genre d’outils qu’on retrouve dans le centre de commandement [de la Défense]. »

Née en 2015, la jeune pousse technologique emploie aujourd’hui 14 personnes. « L’aide à la décision, ce n’est pas uniquement fusionner les données », analyse le patron de Geoide. Alors, si « le but est d’avoir une vision synthétique et fusionnée de l’environnement urbain dans une interface très visuelle » dans un premier temps, les possibilités seraient beaucoup plus vastes : « La seule limite sera politique : qu’est-ce qu’on veut que le système fasse, jusqu’où on va et est-ce qu’on peut faire ? » Lui se félicite déjà de la première des « briques » mise en oeuvre à la Défense.

Si les 320 caméras y sont évidemment reliées, le HSAE reçoit aussi les données de 13 000 capteurs, des lampadaires aux parkings en passant par les ascenseurs et escalators.

« Il leur manquait de pouvoir analyser le passé pour anticiper le futur, décrit-il de cette mémoire chronologique. Là, en un clic, on peut rechercher des infos, montrer des patterns, des tendances, avec des représentations en carte de chaleur. » Exemple à l’appui : « En se disant qu’il y a beaucoup plus de défectuosités dans certains quartiers, on va organiser des rondes. »

Côté matériel, l’objectif est clair, explique son collègue directeur des opérations : « Améliorer les taux de disponibilité des équipements et mieux gérer la maintenance. » Pour y parvenir, l’un des prochains grands chantiers de Geoide à la Défense, vivement souhaité par les responsables de Paris La Défense, concerne la prédiction d’événements.

« Le prédictif, aujourd’hui, seul le monde militaire l’utilise vraiment », note en connaisseur Grégory Gille. « Sur le taux de panne, par exemple, on s’aperçoit qu’on a beaucoup d’indisponibilités d’équipements, l’anticipation va commencer avec nos nouveaux outils, détaille-t-il. Il n’y a qu’avec un peu de recul et la collecte d’informations en temps réel qu’on pourra prédire. Quand un lampadaire puis un escalator tombent en panne, si c’est général, le problème est électrique, et peut être dû à une infiltration d’eau. »

L’autre ambition de Geoide à la Défense concerne la transmission de l’information, notamment avec des applications mobiles « qui vont notamment permettre de partager des informations entre différents acteurs, avec une capacité d’enrichissement mutuel entre services de Paris La Défense ». Ainsi, par exemple, « un technicien sera intéressé à savoir s’il y a une manifestation violente sur le chemin de la réparation d’un escalator ».

Ces informations pourront également être partagées le cas échéant. « Cette transversalité va aussi s’exprimer du côté des élus et des décideurs, qui ont besoin d’outils pour ne pas interférer : ils pourront accéder à la main courante », explique Jean-Philippe Morisseau. Il précise par ailleurs souhaiter « ouvrir cette gestion » également auprès des usagers du quartier d’affaires, pour « remonter les informations qui les gênent » afin de « permettre à la Ville ou à Paris La Défense de déclencher leurs services ».

Le PC général de sécurité ne ferme jamais

Dans le PC de sécurité général, installé dans de nouveaux locaux au coeur de la Défense depuis décembre 2017, trois opérateurs et un superviseur exercent en permanence. Il est relié aux 320 caméras et 13 000 capteurs, de la partie visible du quartier d’affaires comme de ses 14 km de galeries techniques, afin de veiller sur les 450 000 personnes qui y passent chaque jour pour un total annuel de 43 millions de visiteurs.

Celui-ci utilise deux architectures informatiques, détaillées dans un récent article publié dans Allo 18 le mag, journal de l’Association pour le développement des oeuvres sociales des sapeurs-pompiers de Paris. L’Hyperviseur d’aide aux systèmes d’exploitation (HSAE) constitue l’architecture de son système d’information. Il est accompagné du Viappel de l’entreprise Cedralis, qui « permet de diffuser des messages d’informations aux personnes circulant sur le parvis, aux usagers des tunnels et aux différents PC de sécurité du quartier. »

Mais la Défense compte bien d’autres PC de sécurité, 130 au total, résultat « des obligations réglementaires et des contraintes d’exploitation qui ont structuré au fil des temps les choix d’organisation », explique Allo 18 le mag. « La communication entre tous n’est pas toujours évidente, notait en septembre Marie-Célie Guillaume, directrice générale de Paris La Défense, dans une interview à La Gazette. L’idée, et c’est l’intérêt pour nous de ce projet, est donc d’arriver à mettre en place une plateforme qui permette la meilleure coordination entre les différents acteurs en cas de crise. »