La fusion de l’Epadesa (aménageur de la Défense, Ndlr), et de Defacto (gestionnaire de la Défense, Ndlr) que vous dirigiez a été officiellement actée le 1er janvier dernier. Est-elle aujourd’hui totalement achevée ? Quels en ont été les défis ?

C’était une gageure d’arriver à fusionner ces deux établissements, parce que le texte qui organise le nouvel établissement n’a été publié que le 25 déccembre 2017, pour une fusion au 1er janvier 2018.

Il s’agissait de fusionner un établissement public local (Defacto, Ndlr), dont le contrôle était assuré par les collectivités locales, avec un établissement public d’Etat, l’aménageur (Epadesa, Ndlr), en un nouvel établissement public local. Les deux établissements n’étaient pas soumis au même régime comptable, par exemple.

Aujourd’hui, neuf mois après la date de création du nouvel établissement, Paris La Défense est parfaitement opérationnel. Nous avons emménagé dans nos nouveaux locaux dans Cœur Défense, avec une organisation en flex-office qui constitue un vrai changement de culture pour nos collaborateurs.

Le conseil d’administration a élu Patrick Devedjian comme président et a validé le document d’engagement, qui est notre feuille de route stratégique fixant les grandes orientations politiques et les engagements en matière d’investissements sur les dix prochaines années.

Le démarrage de Paris La Défense s’est fait dans des conditions difficiles. Pour autant, 9 mois plus tard, nous sommes tous au travail dans un climat apaisé et constructif.

Quels bénéfices tire et tirera le quartier de ce regroupement ?

Le fait de regrouper dans un seul et même établissement les compétences de gestion et d’aménagement, permet, vis-à-vis de nos interlocuteurs et clients, d’offrir une porte d’entrée unique. C’est un grand gain de simplicité, de réactivité et de lisibilité de nos actions.

La deuxième valeur ajoutée est plus interne. Quand vous aménagez des espaces publics, et qu’ensuite vous les gardez en gestion, vous les concevez un peu différemment. Désormais, on se soucie avant tout du fonctionnement et des usages que ces espaces publics vont rencontrer, ce qui n’était pas forcément le cas dans le passé, et une source de tension entre l’aménageur et le gestionnaire.

Aujourd’hui, nos équipes de l’aménagement et de la gestion doivent apprendre à travailler ensemble et à comprendre leurs contraintes respectives. Le résultat ne sera pas perceptible tout de suite par le grand public, mais à moyen et long terme cela portera ses fruits. Les utilisateurs du quartier auront des aménagements qui correspondront mieux à leurs besoins, et qui traduiront notre stratégie de développement d’offre de services.

« Désormais, on se soucie avant tout du fonctionnement et des usages que ces espaces publics vont rencontrer, ce qui n’était pas forcément le cas dans le passé, et une source de tension entre l’aménageur et le gestionnaire », explique Marie-Célie Guillaume.

Quels sont les premiers résultats du nouveau PC sécurité du quartier, quelques mois après sa mise en service ?

Il a été installé il y a quelques mois avec un nouvel outil au nom barbare, le HSAE, pour hyperviseur des systèmes d’aide à l’exploitation. Evidemment, la sûreté à la Défense est devenue en quelques années un enjeu absolument majeur. Nous sommes le quartier d’affaires du Grand Paris de la France, nous sommes le 4e quartier d’affaires le plus attractif au monde, et développer notre attractivité suppose d’avoir une approche innovante aussi sur les questions de la sécurité.

La sécurité demeure une compétence de l’Etat et non de Paris La Défense. Néanmoins, nous sommes le gestionnaire du quartier, et les questions de sécurité, de sûreté, sont étroitement liées aux problématiques de gestion du quartier. Nous pilotons le PC sécurité, la vidéoprotection, le contrôle des accès à la dalle et le contrôle des accès aux galeries techniques sous la dalle, qui sont le nerf de la guerre du quartier puisque dans ces galeries passent tous les réseaux qui alimentent les entreprises.

L’outil que nous avons développé est assez révolutionnaire, et unique en France. Il a demandé un travail un peu douloureux, long mais essentiel. Dans notre rôle d’exploitant, nous avons des problématiques de sûreté, par exemple de contrôle d’accès.

Mais nous avons aussi des problématiques de gestion qui sont de surveiller le bon fonctionnement des bouches d’incendies, des escalators, des ascenseurs, la propreté, le ramassage des ordures, etc. Auparavant, pour chaque problématique, nous avions des outils dédiés, qui ne dialoguaient pas.

Le HSAE est une plateforme unique qui permet de mutualiser toutes les données concernant les problématiques de la gestion, y compris celles liées à la sûreté. C’est une aide d’abord pour les agents du PC qui n’ont désormais qu’un seul outil qui permet de faire dialoguer les données entre elles.

Par exemple, un escalator tombe en panne, le HSAE permet de prévenir immédiatement qu’il y a cette panne, et de donner à l’agent les premiers éléments de diagnostic et d’intervention. C’est une aide à la décision qui permet d’être plus réactif.

Nous travaillons sur une évolution qui, demain, permettra même d’anticiper, puisque l’outil fera de la prédiction, grâce à l’analyse des données et à l’intelligence artificielle. Cet outil est d’abord pour la bonne gestion du quartier, et s’inscrit dans notre stratégie de smart city.

Qu’en est-il du programme de recherche Safe city, développé par Thales et dont Paris La Défense est partenaire ?

Nous sommes en phase très amont pour l’instant, ce n’est pas un outil opérationnel. Aujourd’hui sur la Défense, vous avez le PC sécurité, mais la Défense ne se résume pas à cela. Il y a la RATP, la SNCF, un centre commercial, chacun avec un PC sécurité et ses mécanismes propres.

La communication entre tous n’est pas toujours évidente. L’idée, et c’est l’intérêt pour nous de ce projet, est donc d’arriver à mettre en place une plateforme qui permette la meilleure coordination entre les différents acteurs en cas de crise.

Un premier lieu culturel exploitant un espace disponible sous la dalle piétonne, l’Alternatif, a été inauguré l’an dernier. L’exploitation de ces « volumes sous dalle » est désormais mise à l’étude de manière très large. Quelle est l’ambition de Paris La Défense à court comme à moyen terme ?

Il y a de tout dans ces espaces : de petits locaux techniques, la cathédrale engloutie, très vaste et impressionnante (6 400 m² et 12 m de hauteur, Ndlr). La construction du quartier s’est faite sur la dalle, et pendant des années, l’aménageur s’est préoccupé principalement de la construction des tours et d’aménager la dalle dans sa partie supérieure.

Nous avons aujourd’hui un quartier qui fonctionne bien, plutôt qualitatif au-dessus de la dalle, mais en-dessous, c’est le monde des voiries et des entreponts, très peu qualitatif, et dans lesquels il nous faut amener du confort et des services urbains. Il y a aussi un certain nombre de volumes vides, jamais commercialisés ou valorisés, qui sont le résultat de l’histoire pour certains, pour d’autres des vides réservés pour un usage qui ne s’est jamais concrétisé. Aujourd’hui, nous avons 45 000 m² de volumes résiduels que nous allons valoriser.

Nous sommes à la recherche de nouvelles sources de recettes : alors que le foncier se raréfie dans le quartier d’affaires, ces volumes offrent un fort potentiel. Et nous avons un enjeu majeur qui est de faire muter le quartier d’affaires, conçu comme un lieu de travail, pour qu’il devienne un lieu de vie avec toutes ses facettes : les commerces, la culture, le sport, les loisirs, etc.

Notre conviction est que ces volumes sous dalle sont une opportunité pour opérer cette mutation. Au-dessus, l’architecture de la Défense est très prégnante, ce n’est pas facile de faire muter les usages dans l’existant. En revanche, sous la dalle, nous avons ce potentiel. La réflexion a été engagée depuis plusieurs années par Defacto, le gestionnaire précédent. Nous avons livré, il y a un an, un premier lieu qui est dans un parking dont on a transformé un niveau en un bar, auditorium et lieu d’exposition, vraiment dans l’esprit underground.

L’idée était aussi de montrer aux investisseurs qu’il est possible de faire des choses attractives sous la dalle, car c’était la première problématique que nous avions. Au-delà de ce projet-là, un autre est presque livré, Oxygen, au-dessus de la station de métro Esplanade (voir article p.4, Ndlr), qui comprend une partie sous-dalle et une partie dessus. Table Square, un autre chantier plus complexe, se situe juste en face de Coeur Défense et sera livré dans un an.

Les premiers volumes que nous avons traités étaient les plus faciles, bien situés, à fleur de dalle, et où nous avons proposé à chaque fois aux opérateurs du dessus et du dessous de dalle pour les attirer. Maintenant et pour les années à venir, le sujet va être d’amener les investisseurs sur des volumes plus compliqués mais aussi plus spacieux. En particulier la cathédrale qui sera un projet-phare et un symbole de la mutation du quartier d’affaires, de notre volonté de développer ici une nouvelle offre de service pour faire de la Défense une destination en tant que telle, pas simplement une destination business.

Marie-Célie Guillaume, la directrice générale du gestionnaire et aménageur du quartier d’affaires, évoque son présent, son avenir, ses problèmes comme ses atouts.

Le Parisien, relayant de nombreux coups de gueule des usagers de la dalle, s’est ému des délais de remise en route de certains ascenseurs et escalators permettant d’y accéder. Comment les expliquez-vous, comprenez-vous les incompréhensions à ce sujet, et qu’envisagez-vous pour y remédier ?

Je comprends bien sûr l’exaspération des utilisateurs, en permanence confrontés à des pannes, parfois très brèves mais néanmoins très récurrentes, soit des escalators, soit des ascenseurs. Ces arrêts s’expliquent de différentes façons.

D’abord, les liaisons mécaniques en extérieur ont de sérieuses difficultés de fonctionnement, ce n’est pas propre à la Défense. Les maires des communes alentours le savent, car cette partie des Hauts-de-Seine est construite sur des coteaux, et ces problèmes sont extrêmement partagés. Nous avons un patrimoine qui commence à être un peu ancien, que nous avons commencé à renouveler, notamment en ce qui concerne les escalators.
Nous espérons que quand ce matériel sera totalement renouvelé, il fonctionnera de manière satisfaisante. Mais les usagers doivent savoir qu’une grande partie des arrêts des liaisons sont dus à des actes d’incivilité, voire de vandalisme.

Les escalators, par exemple, sont régulièrement arrêtés parce que vous avez de petits imbéciles qui s’amusent à appuyer sur les boutons d’arrêt d’urgence. N’importe qui peut le faire, et on ne peut pas redémarrer l’escalator sans qu’une personne ne se déplace et vérifie qu’il n’y a pas de problème. Beaucoup d’arrêts ne durent pas longtemps, mais il suffit qu’il soit arrêté quand vous passez pour que vous considériez qu’il est en panne.

Dans un ascenseur, il suffit qu’un petit crétin s’amuse à casser le miroir, ce qui arrive régulièrement. Nous avons, réglementairement, l’obligation d’arrêter l’ascenseur, car nous sommes obligés d’avoir un miroir en raison de la loi destinée aux personnes à mobilité réduite. Même s’il n’est que fendu, il faut le remplacer pour pouvoir redémarrer l’ascenseur.

Ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air, et si les utilisateurs étaient un peu plus vigilants et faisaient preuve d’un peu plus d’esprit civique, nous aurions moins de problèmes. Ceci étant dit, je suis parfaitement consciente que la situation n’est pas satisfaisante, particulièrement, en ce moment, sur Courbevoie. Nous avons une succession de pannes sur une série d’ascenseurs. Elles réclament malheureusement des audits précis, qui prennent du temps, car maintenant, les ascenseurs sont constitués de nombreuses pièces électroniques. Pour les remplacer, les délais d’approvisionnement sont très longs.

Nous sommes nous-mêmes très insatisfaits du service rendu : nous venons d’ailleurs de changer de prestataire afin de garantir un niveau de fonctionnement plus satisfaisant pour les utilisateurs. Nous avons durci les conditions : le taux de fonctionnement, les délais des interventions, la présence de personnel sur site… avec un système de bonus-malus. Nous allons aussi nous améliorer sur l’information aux utilisateurs. Nous souhaitons une communication en temps réel pour donner des délais en cas de panne, ainsi que les cheminements alternatifs, ce qui n’était pas fait jusqu’à présent.

La rénovation de la place de la Défense est un enjeu majeur, qu’en attendez-vous ?

Cela fait partie de notre programme de mise à niveau des espaces publics du quartier d’affaires. Soixante ans après sa création, il est fragilisé, avec des infrastructures vieillissantes qui ont besoin d’être renouvelées. Nous venons d’inaugurer les terrasses Boieldieu, le premier chantier conséquent de rénovation de tout un quartier d’habitation, ce qui n’est pas anodin. La place de la Défense est le prochain chantier, qui va démarrer en septembre 2019.

C’est le coeur névralgique du quartier, un emplacement majeur d’animations. Les enjeux, pour nous, sont d’abord structurels, avec des travaux importants même s’ils ne se voient pas : il y a de gros problèmes d’étanchéité, le parking Centre est très impacté. Ensuite, il est prévu une remise à niveau qualitative de la place, très datée en termes de construction urbaine. Il s’agit d’avoir du mobilier urbain, de l’éclairage, des dallages qui soient non seulement performants mais évidemment beaux.

Et il s’agit de faire des aménagements qui permettent d’optimiser les usages commerciaux, car toutes les manifestations que nous recevons à cet endroit-là sont une source de recettes importantes pour l’établissement, nous souhaitons pouvoir les développer grâce à des installations électriques qui permettent des branchements pour des concerts, par exemple, et du mobilier urbain qui s’y prête.

Comment envisagez-vous les usages et les tarifs des 22 000 places de parkings du quartier ?

Nous sommes un quartier d’affaires, avec des parkings très pleins pendant la journée, et qui sont vides le soir et le week-end. Notre problématique est celle de parkings remplis de manière très variable en fonction des heures. Nous avons des secteurs saturés, comme Corolles – Reflets – Iris, où nous devons d’ailleurs déporter des utilisateurs vers Michelet, qui a encore de la disponibilité mais pour lequel nous anticipons l’arrivée de The link dans quelques années.

Il faut que l’on préserve des capacités d’accueil pour les entreprises, car c’est un facteur déterminant pour elles, et de la marge pour pouvoir orienter les secteurs saturés vers un autre. Le centre commercial est particulier, avec des stationnements horaires, et pas la même population que la plupart des autres parkings qui sont des abonnements d’entreprises : le tarif, pour l’essentiel des utilisateurs, est payé par l’entreprise, on ne peut donc pas raisonner comme pour la plupart des parkings.

Nous avons une réflexion avec Indigo, notre délégataire, sur les services et les usages des parkings. Nous souhaitons y amener d’autres types de mobilités, ils ont commencé à le faire mais cela a du mal à prendre. Nous souhaitons aussi augmenter l’offre de bornes de recharge électriques, et diminuer le tarif payé par les entreprises pour celles-ci.

Plus fondamentalement, on peut imaginer qu’à long terme, la voiture aura moins de place et que l’on pourra utiliser certains parkings pour faire autre chose, mais ce n’est pas pour demain. Les parkings sont une source de recettes importante pour l’établissement, et constituent un atout majeur pour l’attractivité du quartier d’affaires. En revanche, nous devons continuer d’améliorer la qualité de service de ces parkings.