Vous avez longtemps plaidé pour obtenir une gestion unique confiée aux collectivités locales, conseil départemental en tête. Etes-vous satisfait quelques mois après la signature du pacte d’engagement ? L’êtes-vous également du niveau d’investissement fixé à 360 millions d’euros pour dix ans ?

Oui, je suis satisfait, même si c’est une responsabilité importante de devoir rattraper les lourdes lacunes dans la gestion passée du quartier de la Défense. Concernant le programme d’investissements, ils auraient dû être financés par l’Etat car ils étaient dans son champ de compétence. Je n’aime pas beaucoup les effets d’annonce, mais 360 millions d’euros est notre engagement et notre programme de travaux.

Il faut déjà le mettre en oeuvre, le réaliser, et ensuite, on pourra juger si c’est suffisant ou non. Je pense en particulier à la mise aux normes des tunnels, qui a bien été commencée mais qui est loin d’être achevée. Nous avons accepté de remplacer l’Etat dans la mise en oeuvre et le financement de ces mises aux normes.

D’autre part, la Défense a besoin de modernisation, de confortement de ses infrastructures, et de développer son attractivité. Tout cela, nous l’avons pris en charge, et je crois que de premiers effets se font déjà sentir. C’est le cas avec le démarrage d’un certain nombre de chantiers comme ceux des passerelles, ou les recherches de surface par différents opérateurs et en particulier par les opérateurs internationaux. Et, évidemment, la présence de l’Autorité bancaire européenne (ABE), qui s’installe dans la tour Europlaza et donne à la Défense une encore plus grande lisibilité internationale.

Le Brexit semblant approcher, où en est aujourd’hui la Défense, en forte concurrence avec Francfort comme avec Paris intra-muros vis-à-vis des grandes entreprises ?

Avec Paris, je préfère parler d’une complémentarité que notre raison sociale (Paris La Défense, Ndlr) exprime bien, même si les difficultés de circulation et de déplacement dans la capitale conduisent de plus en plus d’entreprises à s’installer ailleurs. D’autre part, la Défense est le seul quartier vertical de France et l’un des très rares endroits où l’on peut construire des tours avec une architecture plus caractéristique du XXIe siècle, et cela correspond à une forte demande internationale. Alors qu’intra-muros, c’est plus difficile.

Francfort est essentiellement concurrent dans le domaine financier, surtout parce que le siège de la Banque centrale européenne y a été installé en 2014. Mais en 2018, c’est Paris La Défense qui a été choisi pour le siège de l’ABE, qui exerce le contrôle et la réglementation de cette activité ; ce devient un avantage par rapport à Francfort. Pour le reste, les avantages de la Défense sont une communauté économique déjà établie et diversifiée, un hub de transport de très grande qualité et une qualité de vie sans comparaison pour les salariés et leur famille.

Quant à Londres, malheureusement, c’est la Grande-Bretagne qui, par sa politique, détourne les entreprises qui pourraient envisager de s’y installer.

Doit-on s’attendre à un afflux d’entreprises suite au Brexit ?

Je ne crois pas que le Brexit conduise dans l’immédiat beaucoup d’entreprises à déménager de Londres, même s’il y a le cas de HSBC (la banque a annoncé le transfert de 1 000 emplois de Londres vers Paris en janvier, Ndlr). Mais en revanche, des entreprises qui envisageaient de s’y installer en sont bien souvent dissuadées. La perte du passeport financier européen par exemple nous confère un avantage concurrentiel.

Le projet des tours Hermitage semble toujours enlisé. Gardez-vous espoir de sa construction pour les JO de 2024 comme elle l’annonce toujours, et la société a-t-elle bien mis trente millions d’euros sous séquestre pour régler la facture de son retard, comme promis au printemps ?

Non (aux deux questions, Ndlr). La société Hermitage ne répond pas à ses engagements, nous en tirons les conséquences juridiques et nous étudions une alternative.

« Je ne crois pas que le Brexit conduise dans l’immédiat beaucoup d’entreprises à déménager de Londres », nuance Patrick Devedjian de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne.

Les relations entre Paris La Défense et les communes limitrophes semblent parfois compliquées, notamment concernant les chantiers en lisière du quartier d’affaires. Quel message portez-vous aux maires lorsque des blocages se produisent ?

Par rapport au passé, le progrès est considérable. En effet, au sein de l’Epadesa (précédent organisme supervisant les investissements du quartier, Ndlr), les administrateurs d’Etat se réunissaient entre eux avant la tenue du conseil d’administration, et imposaient donc leurs points de vue aux élus, que d’une manière générale, ils informaient peu.

Aujourd’hui, la direction de Paris La Défense travaille en permanence avec les élus, et est totalement transparente au regard de son activité à leur égard. Il est naturel que les élus aient un point de vue qui doit être pris en considération lorsqu’il s’agit de leur territoire. Il n’existera jamais de passage en force.

Ils estiment parfois PLD fort exigeant…

C’est un compliment qui nous est fait. Je pense que c’est effectivement notre droit d’être exigeants sur la qualité urbanistique de ce qui est réalisé, et qui doit être exemplaire. Mais je sais aussi que les maires des villes considérées le comprennent, et je le vois dans les conversations constantes que nous avons.

Un certain nombre de projets de logements ont vu le jour ou sont dans les tuyaux. Cette plus grande mixité, souhaitée par l’Etat, renouvelée par la Mission régionale de l’autorité environnementale (MRAE) à propos du projet The Link, l’est-elle aussi par vous-même ?

Nous n’avons pas attendu la MRAE pour introduire la mixité des usages, que l’Etat a ignoré pendant des décennies. Pour moi, cette mixité n’est pas seulement celle du logement. Elle doit être également celle des activités qui ne peuvent être seulement celles du travail, mais doivent avoir une dimension de loisir, une dimension culturelle, une dimension commerciale, et une dimension événementielle.

Defacto (précédent organisme supervisant l’entretien du quartier, Ndlr) avait déjà largement commencé, en restaurant la soixantaine d’oeuvres d’art contemporain, qui sont majeures et avaient été laissées à l’abandon. Elles sont désormais restaurées, mises en lumière, expliquées avec des cartels, et attirent de plus en plus l’intérêt. D’autre part, la directrice générale (Marie-Célie Guillaume, Ndlr) a nourri cette mixité par l’organisation régulière de manifestations et d’évènements dans l’espace public.

Comment envisagez vous le quartier d’affaires dans une décennie, à la fin du pacte d’engagement ?

La Défense qui ferme à 18 h et qui le demeure pendant tout le week-end, ça n’a pas de sens. Nous favorisons l’émergence de commerces de qualité, en particulier de restauration. Nous travaillons à remettre en état les parties de la dalle qui ont été abandonnées, on ne peut dire autre chose, et nous travaillons au désenclavement de la dalle avec les villes voisines, afin de favoriser l’accès de personnes qui n’y travaillent pas nécessairement.

C’est ainsi que nous sommes en train d’étudier (le conseil départemental et Paris La Défense, Ndlr) la construction d’une passerelle piétonne et cyclable qui relierait la dalle de la Défense à Neuilly. Nous allons ouvrir Oxygen dans deux mois (lieu événementiel en chantier sur l’ancien Belvédère, Ndlr), qui va animer la partie proche de la station de métro Esplanade, et nous avons engagé des discussions avec l’Etat et la RATP pour rénover cette dernière.

La Défense gérée par un organisme unique depuis le 1er janvier

Elle était demandée par les élus locaux, et a été obtenue auprès de l’Etat (mais déplorée par la Cour des comptes, Ndlr). La fusion de l’Etablissement public d’aménagement de la Défense Seine arche (Epadesa), et de l’Etablissement public de gestion et d’animation de la Défense (Defacto), a abouti à la création de l’Etablissement public local Paris La Défense (PLD) au 1er janvier dernier.

Composé de 15 membres et de deux personnalités qualifiées désignées par l’Etat, son conseil d’administration, est présidé par la président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian (LR). Neuf membres proviennent du Département, chacune des autres collectivités territoriales occupant les six autres sièges : Courbevoie, Nanterre, Puteaux, Paris, le conseil régional et la Métropole du Grand Paris.

Le 28 juin, le conseil d’administration de PLD a adopté un document d’engagement formalisant la stratégie de développement du quartier, comme les aspects financiers, pour les dix prochaines années. Il prévoit un budget de 420 millions d’euros, dont 360 millions d’euros en investissement. Chacune des collectivités est censée abonder à hauteur de 28 millions d’euros par siège (soit 2,8 millions d’euros par an, Ndlr). Le conseil départemental, avec neuf sièges, prévoit donc 25,2 millions d’euros par an.