Réaliser un château à l’architecture classique ? Cette opération aurait pris des dizaines d’années pour des tailleurs de pierre classiques. Mais Hérès, l’entreprise de Louis-Joseph Lamborot, installée à Nanterre depuis 1987, n’a eu besoin que de seulement un an et demi. La raison de cette efficacité ? Des machines à commandes numériques. Hérès, un atelier de tailleurs de pierres spécialisé dans la conception et la réalisation de façades de style néo-classique, semble avoir révolutionné le monde de l’artisanat de la taille de pierre.

Grâce à la technique de modélisation 3D et au savoir-faire artisanal, l’entreprise propose à ses clients un processus global allant du dessin à la construction. Son chef d’entreprise, Louis-Joseph Lamborot, rencontré le 19 mars dernier, a senti le vent tourner au début des années 2000, et s’est équipé de machines à commandes numériques de pointe. Elles permettent à son équipe de 15 salariés d’être plus performante et compétitive, même si le travail artisanal intervient à la fin, pour finaliser les commandes à la main.

« Au début, les gens pensaient, dans mon univers, que la machine allait remplacer l’homme et tuer le métier, se rappelle Louis-Joseph Lamborot, le fondateur d’Hérès. Mais c’est faux, la machine est un outil pour aider l’homme, ça n’a pas perdu le métier, ça l’a sauvé. » Selon le chef d’entreprise, il est, de nos jours, impossible de faire ce métier seul, sans machine : « On ne pouvait plus réaliser de château comme autrefois, mais aujourd’hui, on le peut, avec les outils numériques. »

Grâce à la technique de modélisation 3D et au savoir-faire artisanal, l’entreprise propose à ses clients un processus global allant du dessin à la construction.

Louis-Joseph Lamborot évoque la construction du château Louis XIV de Louveciennes, dans les Yvelines, vendu 275 millions d’euros à Mohammed ben Salmane al Saoud, le prince héritier d’Arabie Saoudite, en 2015, qui n’a pris qu’un an et demi. « Ces outils permettent de faire des choses qu’on n’aurait pas pu faire il y a 20 ans, puisque les coûts et les délais étaient fous », commente-t-il, avant d’ajouter : « Aujourd’hui, on peut refaire des grosses maisons, ou des châteaux, des palais tout en pierre, comme au XVIIIe siècle, à un coût de construction du marché. »

Pour cet héritier d’une famille de tailleurs de pierre depuis quatre générations, l’assistance des machines devenait indispensable pour pouvoir continuer l’activité familale. « Moi, j’ai toujours pratiqué mon métier, mais je voyais bien que si l’on restait comme ça, ça allait être compliqué pour nous à l’avenir, commente Louis-Joseph ­Lamborot. Cela m’a paru naturel de passer aux machines, mais surtout, ça m’a permis de garder mon atelier. »

Il aurait été le premier à faire réaliser sur-mesure une fraise à commande numérique en 2002. « Maintenant, c’est le cas de tous les ateliers depuis cinq à six ans », indique-t-il. L’entreprise, qui a notamment participé à la restauration de la tour Saint-Jacques à Paris, ou du dôme des Invalides, possède trois fraiseuses, des machines qui travaillent par enlèvement de matière, et une machine à fil pour découper la pierre. Un petit bureau d’études composé de deux dessinateurs s’occupe de la conception en 3D du matériau à l’aide d’un logiciel spécialisé.

Le rendu artistique c’est la main de l’homme, l’expression que l’on donne à la pierre en travaillant les noirs, qui donnent le contraste, indique-t-il : « La machine ne pratique qu’une ébauche. »

« Souvent, on rattache le fait que le métier soit traditionnel pour être fermé aux outils d’aujourd’hui », regrette-t-il. L’atelier de cet arrière-petit fils de tailleur de pierre, auparavant spécialisé dans les monuments historiques, reste traditionnel, puisque tout est fini à la main. Mais l’utilisation des machines représente un gage d’efficacité, de viabilité économique et de compétitivité. « On peut construire un projet en l’espace de quatre mois à un an, alors que sans machines, cela prendrait 3 à 5 ans », affirme-t-il.

Où est donc la patte de l’artiste dans le processus de création ? Dans le détail, selon Louis-Joseph Lamborot. « Le rendu artistique, c’est la main de l’homme, l’expression que l’on donne à la pierre en travaillant les noirs, qui donnent le contraste, indique-t-il. La machine ne pratique qu’une ébauche. » Selon lui, si la main du tailleur de pierre ne réalise que 20 % du travail, il représente en fait 80 % du temps passé sur un projet. Hérès exporte ses projets à 80 % vers des pays comme l’Angleterre, ou les États-Unis, mais travaille avec 95 % de pierres françaises.

Entre 20 et 50 m3 de pierre transitent par l’atelier Hérès chaque mois, soit jusqu’à un camion bien rempli par semaine. Concernant le prix d’un mur en pierre, il faut compter 250 euros le mètre carré pour un mur en pierre plaqué « avec une épaisseur moindre puisque la pierre est agrafée au mur », soulève Louis-Joseph Lamborot. Ce tarif monte ensuite jusqu’à 1 500 euros du mètre carré pour un mur de pierre pure, pouvant mesurer entre 8 cm et 1,50 m d’épaisseur. « Tant que le client reçoit ce qu’il veut, il se moque du mode de fabrication », conclut le chef d’entreprise.