Le Pôle universitaire Léonard de Vinci (PULV), situé au Nord-Ouest de la Défense, à sa jonction avec Courbevoie, devait libérer à moyen terme son bâtiment, propriété du conseil départemental des Hauts-de-Seine. La mairie de Nanterre continuait de chercher comment réhabiliter l’ex-école d’architecture réalisée par Jacques Kalisz et Roger Salem au début des années 1970. Bordant le parc départemental André Malraux, propriété de l’Etat, elle est fermée depuis 2004, transformée depuis en une friche mal fréquentée.

La seconde édition de l’appel à projets Inventons la Métropole du Grand Paris a, heureusement pour la collectivité et le pôle universitaire privé, retenu l’ancienne école d’architecture. Son jury a désigné au soir du mercredi 19 juin, parmi quatre équipes en compétition, le projet associant le PULV et le constructeur Eiffage. Un choix satisfaisant pour les élus de Nanterre qui avaient indiqué, lors d’une réunion publique de présentation donnée en avril, leur réticence à tout projet de logements comme de bureaux.

« Aujourd’hui, le site est totalement abandonné et génère de la délinquance, ce qui effraie les habitants », rappelle Pascal Brouaye, directeur général de l’association chapeautant le PULV.

Pour le PULV, voir son projet de transfert être lauréat lui assure un avenir toujours à quelques pas des grandes entreprises de la Défense avec lesquelles il a établi de nombreux partenariats. Les locaux, 18 000 m² dans l’ancienne école d’architecture réhabilitée et ajoutée d’une extension, mais aussi un bâtiment de 6 000 m² qui sera construit à quelques dizaines de mètres face à l’entrée du cimetière de Puteaux et de la Paris La Défense Arena, lui permettront également d’y mener confortablement les activités de ses trois écoles et de son institut de formation.

Les responsables du PULV, comme le cabinet d’architecture It’s, avancent cependant quelques garanties, conscients du caractère sensible du bâtiment emblématique de la décennie 1970 comme du travail de l’architecte Jacques Kalisz. Tous assurent vouloir respecter l’architecture initiale du bâtiment, réhabilité de fond en comble et très largement conservé, ainsi que de son ouverture sur le quartier comme sur le parc.

Suggéré par Eiffage, le cabinet italien It’s, mené en France par Francesco Marinelli, aborde le projet en marchant sur des oeufs, le fils de Jacques Kalisz surveillant de près le patrimoine de son père.

« On est dans un concours de circonstances assez exceptionnel. » Le directeur général de l’association Léonard de Vinci (qui chapeaute le pôle universitaire, Nldr), Pascal Brouaye, ce vendredi 21 juin, ne cache pas sa joie. Il assure qu’elle est partagée au sein des étudiants et personnels de l’établissement, mis au courant en amont.

Le projet de déménagement représente un investissement d’environ 140 millions d’euros largement financés par des prêts bancaires pour le pôle, qui rassemble l’Ecole de management Léonard de Vinci (EMLV), l’Ecole supérieure d’ingénieurs Léonard de Vinci (Esilv), l’Institut de l’internet et du multimédia (IIM) et l’Institut Léonard de Vinci (ILV), chargé des formations continues.

Si le PULV a connu des années de difficultés financières il y a une décennie, l’arrivée d’une nouvelle direction il y a six à sept ans a radicalement changé la donne. « Les écoles montent dans les classements d’année en année, innovent en matière de pédagogie, travaillent avec les acteurs économiques, pointe ainsi Driss Aït Youssef, président de l’ILV. Depuis deux à trois ans, on est sur une excellente dynamique sur toutes les écoles, fruit d’actions que nous avons menées depuis quatre à cinq ans, et qui commencent à payer. »

« Le conseil départemental, qui est propriétaire du bâtiment du pôle, qui l’a bâti il y a 25 ans, nous avait fait savoir » son souhait de le récupérer, raconte Pascal Brouaye, directeur général de l’association chapeautant le PULV.

Mais une nouvelle est venue chambouler les plans de sa direction. « Le conseil départemental, qui est propriétaire du bâtiment du pôle, qui l’a bâti il y a 25 ans, nous avait fait savoir il y a quelque temps qu’à terme, […], il souhaitait récupérer ce bâtiment, raconte Pascal Brouaye. On est entré dans un processus de réflexion en vue de notre relocalisation. » Un processus manifestement compliqué pour des écoles idéalement situées, qui occupent « une petite moitié » des 50 000 m² du bâtiment actuel, situé à quelques mètres du « hub » de transports en commun que constitue le quartier d’affaires.

« Dans notre activité, quand on s’intéresse à des locaux existants, on se heurte systématiquement au fait qu’ils n’ont pas été conçus pour l’enseignement, les promoteurs ont tendance à construire des bureaux, expose le directeur général. Il est très difficile d’intégrer des espaces de bureaux, même quand ils sont bien conçus, car ils ne l’ont pas été pour la sécurité de l’accueil d’un grand ensemble public et privé. Il s’agit d’être très en amont dans les projets pour espérer aboutir, et si vous ajoutez à ça de grands espaces… »

S’ils sont rarement plus de 3 000 étudiants en permanence sur place, stages et alternances obligent, le PULV accueille aujourd’hui 6 500 inscrits chaque année, sans compter ceux qui suivent des formations continues. L’appel à projets de la Métropole du Grand Paris (MGP) pour l’ex-école d’architecture, située à proximité du quartier d’affaires, a donc attiré leur attention.

Le projet de déménagement représente un investissement d’environ 140 millions d’euros largement financés par des prêts bancaires pour le Pôle universitaire Léonard de Vinci (PULV).

« Il est très bien desservi avec Nanterre – préfecture et la future gare du réseau Eole (la gare du RER E Nanterre – la folie, Ndlr), et c’est une zone qui est en train de se développer avec les Groues, un grand nombre de sièges sociaux sont en train de s’installer, détaille Pascal Brouaye. Et en même temps, puisque c’est l’entrée du parc André Malraux, une situation paisible à deux pas de la verdure et de la Défense. » Rester quasiment dans le quartier d’affaires représente ainsi beaucoup pour un pôle universitaire qui mise depuis longtemps sur sa proximité avec les grandes entreprises de la Défense.

« Le pôle a été construit, il n’y avait pas grand-chose autour, il est aujourd’hui intégré dans un écosystème d’entreprises qui participent à la vie de nos établissements », expose Driss Aït Youssef. « C’est très important pour nous, confirme le directeur général de l’association. En particulier pour notre école d’ingénieurs : dans les domaines de l’énergie, de la finance de marché, du big data ou de l’IA, des domaines hyper demandeurs, notre position est une force exceptionnelle et donne des opportunités à nos élèves. »

« On est une agence internationale, mais avec une origine italienne, explique l’architecte Francesco Marinelli. Ca fait partie de notre sensibilité au contexte d’un intérêt patrimonial important. »

Le géant du BTP Eiffage est choisi assez rapidement par le PULV afin d’ériger le nouveau bâtiment annexe de 6 000 m², prévu pour une autre école supérieure avant qu’elle ne se retire de son projet. Le PULV veut s’appuyer sur un constructeur qui « réalise actuellement un établissement de 7 000 m² pour une autre école d’enseignement supérieur » en Île-de-France, se rappelle Pascal Brouaye. Une de ses filiales, spécialiste des bâtiments métalliques, sera chargée de l’ancienne école d’architecture dont l’appel à projets exigeait la conservation de la partie la plus grande possible du bâtiment originel.

Suggéré par le constructeur, le cabinet italien It’s, mené en France par Francesco Marinelli, aborde le projet en marchant sur des oeufs, le fils de Jacques Kalisz surveillant de près le patrimoine de son père. « On est une agence internationale, mais avec une origine italienne, explique-t-il vendredi dernier. Ça fait partie de notre sensibilité au contexte d’un intérêt patrimonial important.  » Son associé, Alessandro Cambi, connaît bien le sujet pour y avoir lui-même étudié.

« Notre projet se base sur l’idée de poursuivre ces principes des architectes, tout en les mettant à jour par rapport aux exigences d’aujourd’hui », explique l’agence d’architecture It’s.

« On a cherché à mieux comprendre les caractéristiques de ce bâtiment qui était un bâtiment d’avant-garde, courageux, basé sur des principes d’utilité, de flexibilité et de modularité, un bâtiment cellulaire imaginé comme un bâtiment vivant dont les exigences changent dans le temps, détaille Francesco Marinelli. Notre projet se base sur l’idée de poursuivre ces principes des architectes, tout en les mettant à jour par rapport aux exigences d’aujourd’hui. »

« On n’arrive malheureusement pas à conserver toute la structure initiale dont une partie sera démontée, mais tout ce que l’on garde, on cherche à le garder dans son intégralité et dans son image », détaille-t-il de l’école originelle en grande majorité intégrée au projet. La réhabilitation comprend donc « une conservation de la structure métallique qui est l’élément primaire de la forme et toute l’intelligence de la modularité du bâtiment », celle-ci sera « traitée et plaquée pour la protéger thermiquement et au feu tout en respectant son écriture » architecturale originelle.

Le futur pôle Léonard de Vinci gagne aussi trois bâtiments côté parc, placés de manière à créer un atrium entre l’ancienne école et ses extensions, mais aussi à conserver des vues.


Le futur pôle Léonard de Vinci gagne aussi trois bâtiments côté parc, placés de manière à créer un atrium entre l’ancienne école et ses extensions, mais aussi à conserver des vues. « Les trois volumes neufs qui se projettent vers le parc sont une actualisation des principes de Kalisz, des bâtiments hybrides de bois et de béton, complètement réversibles et évolutifs », détaille Francesco Marinelli de ces volumes protégés par une façade en lames de bois. Pourquoi pas de métal ?

« C’est une question de responsabilité, le bois a un impact carbone très inférieur à d’autres matériaux comme l’acier, défend l’architecte. Un élément important, dont il faut tenir compte dans le projet, est l’environnement. On a fait un projet avec les mêmes principes [que ceux établis par Jacques Kalisz], mais mis à jour par rapport aux exigences d’aujourd’hui. » Les toitures seront ainsi toutes végétalisées, tandis que les concepteurs du projet comptent bien décrocher l’ensemble des certifications labellisant la qualité environnementale des bâtiments, d’ailleurs exigée dans le cadre de l’appel à projets.

« Parmi nos élèves, on sélectionne des jeunes de plus en plus sensibles à ces questions-là, à la fois dans leur contenu d’études avec la RSE (Responsabilité sociale et environnementale des entreprises, Ndlr), mais aussi à travers la notion de campus vert », indique le directeur général du pôle universitaire. « On a beaucoup poussé dans cette direction, actuellement, au pôle universitaire, ce sont des locaux très énergivores : on a voulu aller complètement de l’autre côté », complète le président de l’ILV.

Un bâtiment de 6 000 m² sera aussi construit à quelques dizaines de mètres face à l’entrée du cimetière de Puteaux et de la Paris La Défense Arena.

À la mairie de Nanterre, dont les administrés présents à une réunion de présentation des projets en compétition avaient clairement manifesté leur opposition à tout projet comportant des logements, les élus expriment une satisfaction certaine face à ce choix du jury de la MGP. « On est ravi que ce soit un pôle universitaire plutôt qu’un énième projet classique de bureaux et de logements », résume ce vendredi Rachid Tayeb (PS), l’adjoint au développement économique.

« Certes, ce n’est pas une école d’architecture comme on l’aurait souhaité, mais ça reste une école, […] et que le maximum de surface soit préservé, réhabilité, poursuit l’adjoint. Avoir le Pôle Léonard de Vinci chez nous est une très bonne opportunité. […] Ils ne sont pas là pour réaliser une opération immobilière classique, vendre et partir. »

L’élu se félicite également des promesses d’insertion au sein du tissu local formulé par les dirigeants du PULV. « J’espère qu’ils vont s’inscrire dans la durée dans la ville, avec les acteurs locaux, on espère créer un écosystème avec eux et les entreprises d’un territoire qui va jusqu’à la Défense, où ils ne nous ont pas attendu !, reconnaît Rachid Tayeb. On espère qu’ils vont permettre à des jeunes Nanterriens d’accéder à des formations. »

Des espoirs que comptent bien réaliser les responsables du PULV. « On s’est engagé à faire en sorte d’accompagner des jeunes lycéens, collégiens dans leur orientation dans le supérieur, sur le choix de spécialités au bac ou avec Parcoursup, sur des révisions. On veut aussi réduire la fracture numérique avec des gens plus âgés qui peuvent avoir des difficultés, assure ainsi Driss Aït Youssef. Il y a cette capillarité qui va être générée, et nos jeunes étudiants sont déjà présents à Nanterre avec des initiatives multiples, sur le développement durable et sur le sport. »

Le géant du BTP Eiffage est choisi assez rapidement par le PULV afin d’ériger le nouveau bâtiment annexe de 6 000 m², prévu pour une autre école supérieure avant qu’elle ne se retire de son projet.

Cette inclusion souhaitée dans le quartier ne passe cependant pas que par des activités, mais aussi par l’architecture du projet. « Aujourd’hui, le site est totalement abandonné et génère de la délinquance, ce qui effraie les habitants, rappelle Pascal Brouaye. Les attentes du maire et des habitants sont l’absence de circulation, de logements, et de redonner vie à cette école. »

L’entrée principale du futur PULV se situera côté parc, afin de déranger le moins possible les riverains. « Le projet est imaginé pour avoir quasiment zéro voiture, à part des parkings dédiés aux personnes à mobilité réduite, aux livraisons et à la sécurité incendie », rassure l’architecte Francesco Marinelli de la conception du projet faite aux côtés des agences Base et Zebrandco. Les cheminements piétons qui ceinturent l’ancienne école d’architecture, eux, doivent être élargis.

« L’autre élément auquel on a fait beaucoup attention est d’éloigner le plus possible la nouvelle volumétrie par rapport aux logements et au collège, pour ne pas changer la perception qu’ils en ont aujourd’hui, adresse-t-il aussi aux riverains. Nous avons fait trois volumes pour permettre une porosité visuelle vers le parc, […] avec d’abord le bâtiment Kalisz et derrière, moins visibles, les bâtiments neufs. » Dernier hommage à ses architectes initiaux, dont l’école d’architecture était conçue comme ouverte sur le parc, « la végétation entre dans le projet avec une continuité d’espèces ».

CREDITS VISUELS : AGENCE IT’S – BASE – ZEBRANDCO / NACARAT