L’alcool aidant, le gardien d’un immeuble de l’avenue Charles de Gaulle, à Neuilly-sur-Seine, a été pris d’un excès de zèle, qui aurait pu virer au drame. Le 12 juin dernier, ce concierge un peu bonhomme est préoccupé par la porte d’entrée du bâtiment dont il a la charge. Repeinte dans la journée, celle-ci va devoir rester entrouverte toute la nuit, rendant l’ensemble des habitants de l’immeuble vulnérables aux cambriolages.

Alors, après une soirée arrosée, son inquiétude exacerbée par les trop nombreuses bouteilles débouchées, l’homme enfile un gilet tactique, avant de monter la garde dans le hall. Bien que des logements aient été visités trois fois récemment, celui-ci n’hésite pas à engager des moyens de dissuasion disproportionnés par rapport à la menace. Pris d’une crise de paranoïa, son esprit confus, alerté par une petite voiture rouge arrêtée dans la rue, va le faire sortir de ses gonds.

L’homme n’hésitera pas à se faire passer pour un policier, des moins crédibles, auprès du conducteur à qui il prête de mauvaises intentions, avant d’aller chercher une carabine et le mettre en joue. Une patrouille de police, avertie par des passants ayant pris leurs jambes à leur cou, se rend sur place et est à son tour la cible du concierge, qui finira par être arrêté sans difficultés. Traduit devant le Tribunal de grande instance de Nanterre le 15 juin dernier, l’homme écopera d’une peine avec sursis, assortie d’un long rappel au bon sens de la part de la présidente de l’audience.

C’est peu avant 1 h du matin, le 12 juin dernier, qu’une petite voiture rouge se gare au niveau du 20 avenue Charles de Gaulle, à Neuilly-sur-Seine. Le conducteur ne se doute pas qu’il vient de pénétrer le pré-carré du concierge de l’immeuble, qui tout de suite s’affole. Celui-ci sort alors dans la rue et s’approche du conducteur, qui a quitté son véhicule pour effectuer une livraison de vodka et de cigarettes à un fêtard du quartier.

« Un homme s’est approché de moi en demandant mes papiers. Il se disait policier, confiera à la barre le livreur lors du procès. Je refuse, alors il est revenu avec un fusil de chasse ». Apeuré, le conducteur remonte à bord de sa Fiat rouge et se débine. « Sale arabe, fils de pute, j’ai ta plaque », lui aurait alors crié le gardien éméché. Un témoignage conforté par celui de son client, lui aussi questionné par ce prétendu policier.

« “Est-ce que vous avez un problème, je suis de la police”, qu’il m’a dit, assure le témoin à la barre. On l’a pas calculé. Depuis la fenêtre déjà, on le regardait en rigolant, parce qu’il était bourré dans la rue. Il a pas l’air de quelqu’un de méchant, mais parfois avec l’alcool, on devient fou ».

Après avoir braqué le livreur avec son calibre 24, le concierge s’en est aussi pris à l’équipage d’une patrouille de police, arrivée sur place grâce au signalement de l’individu transmis par des collègues habitants du quartier. « Ces policiers se sont vus mettre en joue par une arme létale, déplorera l’avocat des fonctionnaires à l’audience. Ils ont eu une peur intense, au vu de l’actualité récente et de ces personnes prêtes à passer à l’acte avec des armes ».

Un déroulé des faits nié de bout en bout par l’accusé, qui fut interpellé avec 1mg d’alcool par litre d’air expiré (soit quatre fois le taux autorisé pour conduite à titre indicatif, Ndlr).
« Je n’ai pas posé un pied avec mon fusil dans l’espace public, jurera à deux reprises le prévenu, avant de reconnaître en partie ses torts. J’ai fait une bêtise, mais on a été cambriolés trois fois… ».

Une déclaration qui fera bondir la procureure de sa chaise : « Mais, vous n’êtes pas censé vous faire justice vous-même ! D’autant que vous avez un problème d’alcool ». L’homme fut en effet condamné dix ans plus tôt pour conduite en état d’ivresse. « Cela n’a rien à voir avec cela, martèlera l’accusé, avant de se victimiser. Je suis en prison avec des gens pas bien. J’ai passé le pire jour de ma vie ».

Au-delà des dénégations du prévenu, en mauvaise santé, c’est surtout le manque de prise de conscience de la gravité de ses actes qui préoccupera la présidente du tribunal. « Il me semble que l’alcoolisation massive, alors que vous êtes en attente d’une greffe cardiaque, ne me paraît pas avisée…, lui notifiera-t-elle. Et quand un des policiers arrive, il a pris son arme de service… Ce n’est pas à refaire, pour votre propre vie ! ».

Tenant compte de son casier et de ses problèmes de santé, le tribunal ne le condamnera qu’à 10 mois avec sursis, une interdiction de détenir une arme pendant cinq ans et une obligation d’indemniser les parties civiles.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE