Alors que certaines professions, à l’image des médecins avec Doctolib ou Qare, ont déjà amorcé le virage du numérique, les métiers du juridique semblent moins à la pointe dans le domaine de la digitalisation. Mais, la donne est en train de changer, notamment dans les Hauts-de-Seine. L’Ordre des avocats du département espère accélérer le développement de son propre incubateur et compte accroître la création de start-up dans la legaltech (en français, technologie au service du droit, Ndlr), afin de faciliter les relations des avocats avec leurs clients et leur travail au quotidien. 

L’Ordre a l’intention d’ouvrir sa pépinière de start-up aux avocats déjà installés, mais aussi aux étudiants en droit. Mais certains ont devancé l’initiative du bâtonnier Vincent Maurel et de son successeur élu, Michel Guichard. Une élève en droit de l’Université Paris-Nanterre s’apprête à lancer son site internet et une application mobile de mise en relation entre clients et experts juridiques.

Le 29 octobre dernier paraissait le décret listant les motifs de dérogation au confinement admis par les autorités. Parmi eux, figure la consultation d’un « professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ». Bien qu’il ne soit encore formellement inscrit sur les attestations, le fait de se déplacer jusqu’au cabinet de son expert-juridique est donc officiellement autorisé. Mais, d’autres alternatives existent, notamment la consultation par téléphone et vidéo.

Call a lawyer, Meet laW, Justifit… Plusieurs start-up se sont lancées ces dernières années dans le domaine de la legaltech. « On a en effet un peu de concurrence, mais aucune d’elles ne rassemble autant de services que nous, assure Sabrina Mennad, étudiante en droit à l’université de Nanterre et fondatrice de Leeberal. Notre plateforme met en relation les particuliers et les PME avec des experts juridiques, qu’il s’agisse d’avocats, de notaires ou d’experts-comptables ». 

Sous la forme d’un site internet et d’une application mobile officiellement lancés le mois prochain, Leeberal permet ainsi de prendre rendez-vous en ligne avec un expert juridique, selon la spécialité recherchée. Elle offre aussi un panel de services à destination des professionnels du droit inscrits sur la plateforme, comme la gestion de leur agenda, la transmission de documents confidentiels ou la téléconsultation avec leurs clients. « Ils doivent s’acquitter d’un abonnement mensuel, à partir de 70 euros, pour obtenir le référencement dans notre application et la téléconsultation notamment », explique la fondatrice, qui a eu du mal à démarcher auprès des cabinets.

« La population des avocats est très interrogative à l’égard de la legaltech, car elle la perçoit comme une source de concurrence potentielle et non comme un puits de technologies pouvant les aider au quotidien, nous éclaire le bâtonnier des Hauts-de-Seine, Maître Vincent Maurel. Mais, des jeunes confrères commencent à se montrer intéressés et fourmillent d’idées pour la digitalisation du métier ».

L’épidémie de la Covid-19 aurait aussi accéléré la transition. « Nous avions proposé notre service à un grand cabinet franco-espagnol, en février dernier, mais il était complètement contre, raconte Sabrina Mennad. Seulement en juin, il nous a recontactés pour savoir si notre solution était prête, parce qu’il était alors intéressé. » 

Pour satisfaire cette demande, qui ne devrait que croître dans les années à venir, l’Ordre des avocats des Hauts-de-Seine a décidé de s’aligner sur plusieurs autres barreaux nationaux et a créé en juillet 2019 son incubateur de legaltech, M.A.D. 92 (Matrice Avocats Droit 92, Ndrl). « Nous l’avons formalisé en bonne et due forme cet été, précise Maître Maurel. Jusqu’à maintenant, nous étions dans une étape d’information à la profession, vis-à-vis de la legaltech et de ses produits ».

Sous la forme de conférences, en présentiel puis en vidéo durant le confinement, des représentants de start-up et des développeurs venaient exposer leur travail auprès des avocats. Pour poursuivre dans cette optique, le barreau des Hauts-de-Seine va acter cette semaine, un partenariat avec Case Law Analytics, qui propose une intelligence artificielle capable de quantifier le risque juridique. 

« Mais, on veut aller plus loin, ajoute le bâtonnier. On compte favoriser maintenant la création de start-up par les avocats du département. J’ai déjà identifié une dizaine de personnes susceptibles d’intégrer l’incubateur ». Un projet, qui a pris du retard à cause du confinement du pays, puisque la création d’un concours et d’un prix, censés attirer de nouveaux talents, est tombée à l’eau. 

CREDIT PHOTO : ILLUSTRATION / ORDRE DES AVOCATS DES HAUTS-DE-SEINE