Suez aurait-elle trouvé la parade ? L’entreprise, sous la menace depuis le 30 août dernier d’une OPA de son concurrent Veolia, tentait tout pour racheter les 29,9 % des parts de son capital détenues par Engie et désormais en vente. Le PDG de Suez, Bertrand Camus et le président du Conseil d’administration, Philippe Varin, avaient jusqu’à vendredi 25 septembre pour déposer une offre supérieure à celle de Veolia, prêt à donner 15,50 euros par action Suez.

Mais, l’entreprise a élaboré une autre stratégie. Incapable de trouver un investisseur partenaire, elle a brandi la carte de la fondation. Toutes ses activités Eau France seraient placées sous la tutelle d’une entité dotée d’une seule action et incessible durant quatre ans, sauf accord contraire de l’ensemble des actionnaires. Une manœuvre que Veolia prétend pouvoir bloquer. Indispensable, car en cas de rachat, l’entreprise se devrait de revendre le département Eau de Suez pour s’aligner sur les lois anti-trust. Les salariés de Suez, eux, voient toutes ces opérations de loin et organisent la contestation.

« L’OPA, on n’en veut pas ». À l’appel d’une large intersyndicale, environ 600 salariés de Suez, venus de partout en France, se sont rassemblés mardi 22 septembre au pied de la tour CB21, siège de Suez, pour scander leur opposition. Formant un cortège mobile, ils se sont ensuite élancés en direction de la tour d’Engie, qu’une majorité des personnes interrogées estime être coupable d’une guerre boursière dont ils redoutent les effets sur l’emploi.

« Le but est de se retrouver pour s’opposer au rachat des parts d’Engie par Veolia. Ce serait annonciateur d’un démantèlement de Suez, explique Gérald, automaticien et délégué syndical CFDT. On estime que 5 000 emplois sont en péril en France. C’est 13 000 à 14 000 en comptant les emplois à l’étranger ». Plutôt conciliant avec sa direction, il a regretté le peu de temps dont elle a disposé pour rassembler les quatre milliards d’euros nécessaires au rachat de ses parts mises aux enchères.

Pierre, ingénieur dans un bureau d’étude Suez à Rueil-Malmaison et représentant CFE-CGC, n’a lui fait preuve d’aucune mansuétude à son égard. « La direction de Suez a fait une connerie, elle n’a pas anticipé cette OPA. J’ai lu dans la presse que les dirigeants n’y croyaient pas, et qu’ils sont partis en vacances cet été. C’est quand même de la responsabilité d’un chef d’entreprise de savoir s’il va perdre des plumes et être racheté par un concurrent ».

Certains redoutent aussi les conséquences néfastes d’une disparition de la concurrence. « Je pense qu’il est nécessaire de maintenir une saine concurrence dans les services de l’eau en France et donc de maintenir des entreprises qui ont des tailles significatives, explique une salariée. Et puis, cela fait 30 ans que je suis chez Suez. Veolia est une entreprise tout à fait respectable, mais il n’y a pas la même vision dans les deux entreprises. Chez Suez, l’humain est resté au cœur de la société ».

Un stand de la CFDT pour rassurer les salariés

En marge de la manifestation, une tente a été montée au bas de la tour Moretti par le syndicat CFDT, à quelques mètres de sa permanence de la Défense. L’objectif ? Accueillir des salariés du secteur en quête de reconversion professionnelle. Alors que de nombreuses entreprises vacillent à cause du Covid-19 et que les salariés de Suez craignent pour leur poste, le syndicat pense se distinguer de ses concurrents et marquer des points en vue des élections professionnelles de janvier prochain, en se plaçant sur le créneau de la formation.