Le directeur général de Suez, Bertrand Camus, s’est encore offusqué, cette fois dans les colonnes du Figaro lundi 7 septembre, de l’offre de rachat de 29,9 % de son capital, proposée par son concurrent français Veolia le 30 août dernier. La multinationale Engie, actuelle détentrice de cette part non négligeable de Suez, souhaite se recentrer sur d’autres activités et cède ses participations.

Veolia, un des leaders mondiaux de la gestion de l’eau et du traitement des déchets, lorgne depuis quinze ans sur son concurrent français et a tenté par trois fois de l’absorber sans succès. Après avoir eu vent de la volonté d’Engie de se séparer de ses actifs, elle s’est logiquement portée candidate. Son offre de rachat, valable jusqu’au 30 septembre, lui permettrait de prendre le contrôle de Suez. Elle a de bonnes chances d’aboutir, à moins que sa proie ne trouve un investisseur prêt à s’aligner sur ses prix.

« La probabilité que Veolia l’emporte est très forte, surtout si Engie lui cède ses 29,9 %, nous assure Pascal Quiry, professeur de finance à HEC et auteur de l’édition 2021 d’un manuel de référence sur la finance d’entreprise, le Vernimmen. Celui qui tire le premier a toujours l’avantage, puisqu’il force la cible à se positionner par rapport à son offre ». Une offre alléchante, car le tireur est prêt à mettre la main au portefeuille. Veolia a fixé son prix d’achat à 15,50€ l’action, soit une prime de 50 % par rapport au cours de la bourse de Suez le 30 juillet dernier, veille de l’annonce du désengagement d’Engie.

Profitant de cette opportunité, les dirigeants de Veolia ont préparé le restant de l’été leur plan d’action pour phagocyter Suez. Une stratégie jugée agressive par ses managers, qui ont été surpris par la rapidité de Veolia. « Il s’agit d’une tentative de déstabilisation majeure d’une entreprise phare de notre pays, cingle Bertrand Camus dans le Figaro. Nous nous préparions à la sortie d’Engie. Ce qui est le plus surprenant, c’est le moment choisi par Veolia ». Pour le directeur général de l’ex-Lyonnaise des Eaux, la crise sanitaire aurait dû forcer son rival à ajourner son rachat.

« Cette opportunité historique permettra de construire le grand champion mondial français de la transformation écologique », justifie de son côté Antoine Frérot, PDG de Veolia, dans un communiqué de presse du 30 août 2020.

« Cette opération ne lui est pas indispensable, mais elle lui permettrait de conquérir plus facilement des marchés à l’étranger, résume Pascal Quiry. C’est sans compter sur les économies réalisables sur les frais de structures, qui peuvent inclure la disparition de l’un des sièges des deux entreprises ». Pour rappel, Suez et une grande partie de ses salariés occupent la tour CB21 à la Défense.

Veolia a déjà reçu l’aval du Premier ministre, qui verrait dans cette fusion « un bon projet », aux dires d’Antoine Frérot. Avec l’accord de Jean Castex, le PDG de Veolia a levé une embûche potentielle, car l’État, actionnaire d’Engie, aurait pu s’opposer à la vente des 29,9 % du capital de Suez.

Prévoyante, l’entreprise a aussi négocié le rachat d’Osis, acteur clé de la division « eau » de Suez, dans le but de l’en déposséder et d’éviter ainsi tout veto de l’Autorité de la concurrence à son opération de rachat. Reste à Veolia la menace d’un autre investisseur capable de mettre autant d’argent qu’elle sur la table. Si Suez parvient à dénicher un acteur miracle, à même de bouter son poursuivant hors du jeu, Antoine Frérot a averti qu’il lancera une autre OPA sur l’entreprise.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE