Avec plus d’une centaine de bâtiments, la Défense est une zone qui affiche plusieurs centaines de milliers d’usagers. Cette forte densité humaine et urbaine entraîne une production importante de déchets due à l’activité des tours, centres commerciaux, restaurants d’entreprises et habitations. Ces derniers sont stockés dans les sous-sols de la Défense, puis collectés par de nombreux prestataires mandatés par les entreprises ou les mairies.

Ce grand nombre d’acteurs fait que les sous-sols de la Défense où se trouvent ces locaux poubelle sont délaissés et parfois les collectes ne sont pas faites faute de pouvoir y accéder. Ce qui engendrerait une saleté accrue des sous-sols et la prolifération des rats à l’instar de la voie Georges Hutin, passage de livraison et de collecte des déchets situé sous le Passage de l’Arche et le centre commercial Westfield Les 4 Temps.

Pour connaître les causes de cette situation, il faut s’attarder sur l’organisation de la collecte des déchets dans le quartier d’affaires, laquelle diffère selon leurs origines. Une fois collectés, les déchets de la zone sont envoyés dans les centres de retraitement du Syctom, le syndicat métropolitain en charge du retraitement des déchets ou bien dans les centres de revalorisation des prestataires.

« C’est absolument dégueulasse, déplore une restauratrice du Passage de l’Arche. Rien n’est trié ou rangé, et il y a des rats de partout. Je n’y vais plus, j’envoie mon collègue, car je ne supporte pas cela. » Cette commerçante et ses voisins partagent un local poubelle situé dans la voie Georges Hutin, accès permettant les livraisons d’une partie du Westfield les 4 Temps, du Passage de l’Arche et du ministère de la Transition écologique, dont les locaux sont dans la tour Séquoia.

L’emplacement des déchets de l’enseigne de restauration rapide est souillé de déchets : les sacs-poubelles sont ouverts et leurs contenus déversés sur le sol.

« Pour le ministère de la Transition écologique et encore heureux, c’est absolument nickel, constate la restauratrice. Mais du côté d’Auchan, ou encore de Five Guys, c’est immonde. » Une situation constatée à deux reprises en décembre 2019 et le 30 janvier dernier. L’emplacement des déchets de l’enseigne de restauration rapide est souillé de déchets, les sacs-poubelles sont ouverts et leurs contenus déversés sur le sol, et ce, alors que « la collecte des déchets a eu lieu hier », renchérit la restauratrice.

« Cela fait plus de 15 ans que je travaille ici, et ça a toujours été dans cet état », confirme un technicien de maintenance croisé ce jour-là. « Nous avons nos réserves de nourritures ici et juste derrière la porte, des locaux poubelle pas entretenus avec des rats », regrette lassé, un autre restaurateur du passage de l’Arche. « Le vrai souci, c’est qu’on ne sait pas à qui s’adresser pour que la situation s’améliore », lâche la cinquantenaire.

Le quartier d’affaires de la Défense, c’est 267 000 usagers par semaine répartis dans des tours, des bâtiments, des habitations, des restaurants et des centre commerciaux. Cette forte activité produit des milliers de tonnes de déchets. Ces derniers sont ensuite collectés puis retraités par de nombreux acteurs.

En termes de champs d’actions, la collecte des déchets est très morcelée au sein du quartier d’affaires. « La récolte des déchets est depuis 2016, une compétence de l’établissement public territorial (EPT) Paris Ouest La Défense (Pold), explique Fabien Delhommeaux, responsable déchets pour la mairie de Puteaux. Sur le plan opérationnel, ce sont encore les mairies qui en ont la charge ».

Sur la zone du quartier d’affaires, la Ville de Puteaux « collecte les déchets des ménages et certains commerçants et petites entreprises, décrit le responsable des déchets. Nous avons par ailleurs un contrat avec la SNCF pour la collecte des déchets de la gare. » La mairie explique mettre à disposition des petits commerces un bac de 240  L : « S’ils ont besoin de plus, il doivent payer une redevance […] pour un bac de 660 L en plus des 240 L, [de]1 020 euros par trimestre ».

Selon le responsable déchets de Puteaux, les collectes sont parfois compliquées, « il arrive que nos camions n’arrivent pas accéder aux voies de collectes en raison de la présence d’autres camions ou bien de stationnements gênants ». Ce qui expliquerait en partie pourquoi certaines collectes ne sont pas réalisées et l’amoncellement des déchets sur place.

Côté Courbevoie, le principe est le même. « Nous assurons la collecte des déchets ménagers et assimilés des habitations et petits commerces, explique Jacky Boulanger, de la mairie de Courbevoie. Il nous arrive également de prendre en charge les déchets de certains restaurants d’entreprise de quelques tours de grande hauteur. » Les restaurants inter-entreprises du Colisée et de la Tour Egée, Sodexo Canon, rue de l’industrie, celui de la tour Manhattan et de la tour CB 16 figurent dans la liste fournie par la municipalité.

Si les petits commerces voient leurs déchets collectés dans le cadre des collectes municipales, les deux grands centres commerciaux du quartier d’affaires ont recours à des prestataires privés. « Nous travaillons pour Westfield les 4 Temps et le Cnit respectivement avec Paprec et Veolia », explique la direction de la communication d’Unibail-Rodamco-Westfield, propriétaire des deux centres commerciaux du quartier d’affaires.

Au sein du Cnit et des 4 Temps, « l’organisation du tri respecte […] le décret « 5 Flux » (carton, papier, plastique…) » permettant le recyclage intégralement de près de 40 % des gisements globaux des deux sites ». Le reste des déchets, à savoir des déchets industriels banals et les déchets organiques produits par les restaurants sont traités en centrale de production d’énergie, soit par incinération, soit par méthanisation.

Mais qu’en est-il des tours de bureaux, très nombreuses à La Défense ? Elles suivent un procédé similaire à celui des centres commerciaux du quartier en ayant recours à des prestataires. Chez TechnipFMC, installée au sein de la tour Adria à Courbevoie, « la politique a évolué au fil du temps », explique Christophe Bélorgeot, en charge de la communication du groupe.

Le parapétrolier franco-américain a « souhaité développer au maximum le recyclage et la valorisation énergétique en fonction de nos prestataires, explique la direction de l’entreprise. Depuis 2016, environ 584 tonnes de déchets ont été recyclées, soit 45 % de notre production totale ».

De l’organisation de la collecte des déchets de son restaurant d’entreprise, la direction de TechnipFMC explique que les déchets industriels banals « sont collectés par la mairie de Courbevoie pour la tour Adria et de la Garenne-Colombes pour le bâtiment Newside ». Quant aux déchets alimentaires, ils « sont méthanisés depuis 2014  [soit] plus de 138 tonnes de biodéchets », explique Christophe Bélorgeot lequel précise que depuis le 2 janvier 2020, [TechnipFMC a] changé de prestataire en faveur de la société Moulinot « afin que nos biodéchets soient en partie méthanisés et compostés. »

Chez Allianz, dont l’un des sites est dans le quartier Michelet à la Défense, « un tri sélectif à la source est mis en place dans les espaces de bureau […], les déchets organiques sont triés dans les restaurants d’entreprises de la Tour Allianz One et Acacia », détaille Marlène Brisset des relations presse de l’assureur. « La gestion des déchets sur nos immeubles de la Défense est confiée à Paprec », est-il précisé.

Sur le plan financier, l’assureur estime « le coût de la collecte des déchets de l’ensemble de nos immeubles de la Défense (Franklin, Neptune, Cœur Défense, Acacia et Allianz One) en 2019 […] à un peu moins de 320 000  euros TTC dont 122 000 pour le siège ».

La question de la collecte et de la gestion des déchets du quartier d’affaires est ainsi l’affaire de prestataires dont quatre principaux : Veolia, Moulinot, Derichebourg ou encore Paprec, par l’intermédiaire de sa filiale spécialisée dans le tertiaire, la Corbeille bleue. « Il est très difficile de pouvoir donner une tendance de ce qui se fait à la Défense tant les demandes des entreprises sont diverses et variées, explique Yves Lorieux, directeur national de la Corbeille bleue. Nous adaptons une solution précise selon la demande de l’entreprise ».

« Il arrive que nos camions n’arrivent pas accéder aux voies de collectes en raison de la présence d’autres camions ou bien de stationnements gênants », explique le responsable déchets de la ville de Puteaux, Fabien Delhommeaux.

Dans les faits, « une entreprise va vouloir la mise en place d’un tri sur site, une autre va demander une incinération pour produire de l’énergie, certains ont juste besoin d’un camion léger pour leur collecte », explique Yves Lorieux, lequel rappelle que pour « les déchets, c’est du cas par cas. » D’où la présence importante d’acteurs en charge de la collecte des déchets à la Défense.

Une fois les déchets collectés au sein du quartier d’affaires, « ils sont envoyés dans un centre Paprec à la Courneuve pour être traités », détaille de l’étape suivante le patron de la Corbeille bleue. Quant aux déchets des habitations, ils sont pris en charge par les infrastructures du Syctom, le syndicat métropolitain en charge de la gestion et du traitement des déchets à Paris et en petite couronne.

« Les déchets récupérés à Nanterre et Courbevoie sont acheminés à l’incinérateur de Saint-Ouen et les déchets de Puteaux à l’installation d’Issy-les-Moulineaux, explique Sylvie Mariaud, en charge de la communication du Syndicat. Ces incinérateurs produisent de la vapeur, laquelle alimente la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain laquelle chauffe des installations publiques, ou l’équivalent de 300 000 logements de 70 m². » En 2018, le Syctom a traité 69 752 tonnes de déchets en provenance de Puteaux, de Nanterre et de Courbevoie.