« Créateur de compost haute couture à partir de déchets alimentaires. » Forte de son slogan, l’entreprise Moulinot exerce au quartier d’affaires depuis 2018, récoltant en moyenne 25 tonnes de déchets organiques par mois, tous secteurs confondus. La pourvoyeuse d’économie circulaire y recueille les déchets biodégradables des tours Cœur défense, de deux hôtels, quatre restaurants, et de la tour Franklin depuis le mois de janvier. Dans un second temps, elle les traite pour produire compost et gaz.

L’entreprise opère dans toute l’Île-de-France, et est d’ores et déjà positionnée sur les futurs appels d’offres destinés au ramassage des déchets organiques dans le quartier d’affaires. Car la Défense, c’est 500 entreprises qui embauchent plus de 180 000 employés, ainsi que 20 établissements supérieurs comprenant 45 000 étudiants, et tous doivent se sustenter. Plus de 225 000 personnes y produisent donc, tous les jours de la semaine, des déchets organiques.

A cela, il est possible d’ajouter le flot de touristes ou de visiteurs qui, chaque jour, se rendent notamment au centre commercial des 4 Temps. « Il y a un potentiel immense à la Défense, souligne Stephan Martinez, fondateur de l’entreprise. Il y a énormément de matière organique jetée constamment. » Moulinot mise donc fortement sur le quartier, dont les responsables cherchent d’ailleurs aussi à réduire la quantité de nourriture qui termine à la poubelle, qu’elle soit ou non de tri (voir encadré).

Le compost est produit sur le site essonnois de Vert-le-Grand. A partir des déchets alimentaires sont ainsi fabriqués du compost, du lombricompost, du méthane, ainsi que des engrais.

« Sur la Défense, on avance, commente le créateur de Moulinot. Vingt-cinq tonnes de déchets par mois sont récoltés, et le but est que ça grandisse. On a une démarche commerciale pour se positionner sur les différents appels d’offre du secteur, et il faut qu’on maille le territoire, ce n’est que comme ça qu’on peut avoir un impact fort derrière. » Selon lui, si la Défense se met à trier tous ses déchets organiques, « on n’aura plus besoin de collecter les poubelles d’ordures ménagères tous les jours, et il y aurait des retombées économiques. »

L’entreprise embauche 52 salariés et possède 25 camions utilisés pour la récolte. La dalle piétonne de la Défense a représenté, pour le personnel, un défi tout particulier. « Le site possède une configuration particulière avec des parkings, une dalle, des locaux poubelles à gauche et à droite, remarque Stephan Martinez. La première collecte a été un peu compliquée pour les gars, mais une fois qu’ils ont trouvé le point de collecte, ça roule. C’est un beau challenge, c’est de l’urbain. » « On s’y fait vite », commente Mohamed Atmane, chauffeur-collecteur croisé un soir de la semaine dernière.

Moulinot facture 300 euros pour la récolte d’une tonne de déchets biodégradables. « Ce n’est pas simple encore, il faut inciter fiscalement les producteurs alimentaires à aller dans ce sens-là, estime le chef d’entreprise. Il faut sensibiliser sur ce que la matière peut faire, il y a toujours un frein économique, ça coûte trois à quatre fois plus cher pour faire une gestion durable des déchets, mais c’est important. »

Depuis le 1er janvier 2012, les organismes et sociétés qui produisent ou détiennent une quantité importante de biodéchets ont l’obligation de les trier et de les faire valoriser dans des filières adaptées, telles que le compostage ou la méthanisation. Sont concernées entre autres les entreprises de la grande distribution, des industries agroalimentaires, des cantines et des restaurants..

Les seuils ont progressivement été abaissés. Depuis le 1er janvier 2016, ce sont les professionnels produisant plus de 10 tonnes par an de biodéchets, et 60 litres par an pour les huiles, qui sont concernés. Cela correspond, par exemple, à certains restaurateurs ou aux petites surfaces de distribution alimentaire. « Si vous n’avez pas mis en place le tri à la source dans ce cas, si vous vous faîtes contrôler, c’est une amende de 75 000 euros et deux ans de prison », indique Stephan Martinez.

Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels produisant plus de 10 tonnes par an de biodéchets, et 60 litres par an pour les huiles, sont concernés par la loi du tri des déchets biodégradables.

« Il faut donner l’envie aux gens d’aller dans cette direction-là », déclare-t-il. Moulinot a récolté, depuis sa création en 2014, plus de 15 000 tonnes de déchets biodégradables permettant de produire compost et gaz. Après un audit des locaux destiné à faire une proposition de tri adaptée, l’entreprise met à disposition du matériel de collecte et de la signalétique, et forme le personnel. Ensuite, la collecte est réalisée par des camions roulant au gaz naturel, silencieux, et la pesée est embarquée.

« Il faut à peu près 15 min pour réaliser les trois collectes de la tour Cœur Défense, détaille Mohamed Atmane, chauffeur-collecteur pour Moulinot, rencontré jeudi dernier dans les sous-sols de la tour de bureaux. Parfois, les poubelles sont pleines à craquer, et pourtant, on explique qu’il ne faut pas les remplir comme ça. » Mohamed travaille pour Moulinot depuis le mois d’octobre, et embauche à 12 h 30 pour finir vers 19 h.

« Parfois c’est difficile de trouver les bacs, ils ne sont pas mis à la même place chaque fois, alors, on fait la remarque aux gens qui doivent les disposer, mais ici, ça va », commente-t-il de la bonne tenue des déchets de Coeur Défense, où il récolte entre 800 kilos et 1,2 tonne à chaque passage. Des nuées de carottes jaunes et oranges se déversent dans le camion. « Regardez, interpelle-t-il. Ça fait mal au cœur. Quand on voit le nombre de baguettes jetées, franchement… »

A ses côtés, ce soir-là, Jean travaille pour l’entreprise de restauration collective Sodexo, il lave toutes les poubelles Moulinot après le passage de Mohamed. L’hygiène serait en effet indispensable pour que les biodéchets puissent être correctement traités par la suite. « C’est quand même plus agréable une poubelle toute propre ! Les autres nous envient presque », commente-il le sourire aux lèvres en passant l’un des bacs au jet d’eau.

A la suite de cette récolte, Moulinot adopte une démarche locale de traitement des déchets organiques, avec des points de collecte situés « à moins de 50 bornes à la ronde », indique Stephan Martinez. Le compost est ainsi produit sur l’écosite de Vert-le-Grand (Essonne). A partir des déchets alimentaires sont alors fabriqués du compost, du lombricompost, du gaz méthane, ainsi que des engrais distribués par la suite aux agriculteurs. « On peut faire de l’énergie avec des restes », conclut le chef d’entreprise.

Cinq entreprises s’engagent à moins gaspiller la nourriture

Cinq grandes entreprises du quartier d’affaires ont signé, le 7 décembre dernier, une charte pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective. Regroupées au sein de l’association la Défense des aliments, les sociétés Allianz France, Arpège, Eurest, Mazars et Suez, visent le déploiement de solutions mutualisées afin de réduire le gaspillage en restauration collective.

L’association, née l’été dernier à l’issue d’un groupe de travail initié par Suez et l’établissement public de gestion et d’aménagement du quartier, Paris La Défense, a comme première mission de réaliser un diagnostic sur le gaspillage alimentaire en restauration collective à la Défense. « La lutte contre le gaspillage alimentaire est un enjeu de société qui prend tout son sens à l’échelle d’un territoire tel que le nôtre », expliquait le 7 décembre Marie-Célie Guillaume, directrice générale de Paris La Défense.

« En tant qu’établissement public, Paris La Défense doit jouer un rôle moteur et fédérateur dans le développement de ce genre d’initiatives et ainsi prendre sa part de responsabilité sur les sujets environnementaux et sociétaux », ajoute-t-elle. Lancé au début de l’été 2018, l’audit étudie les pratiques, et plus particulièrement les quantités gaspillées des restaurants d’entreprises de cinq tours de la Défense : Allianz one, Égée, Exaltis, CB21 et Grande arche.

« Les études ne sont pas finies mais quatre tours ont déjà fait l’objet d’une étude, et on s’est rendu compte que sur une des tours, on dépassait la tonne d’alimentation gaspillée par jour, déclare Martine Baruch, présidente de l’association et responsable RSE (Responsabilité sociale et environnementale, Ndlr) chez Allianz France. Donc imaginez ce que ça peut faire à l’échelle de la Défense. »

Les conclusions de l’étude doivent permettre d’identifier des solutions pour limiter le gaspillage alimentaire, en amont et en aval de la chaîne de restauration, telles que des solutions logistiques et de partage des coûts, la redistribution des invendus via des projets solidaires avec des associations partenaires, ou encore la sensibilisation des différents acteurs de la Défense. Les conclusions seront dévoilées en mars 2019, et donneront lieu à la publication d’un livret de « bonnes pratiques » qui sera adressé aux entreprises du quartier d’affaires.