Comment le télétravail est-il régi par le droit ?

J’avais participé à la rédaction, pour le compte du Premier ministre, d’une définition du télétravail en 1993, mais il n’y a pas vraiment eu de textes juridiques avant l’Accord National Interprofessionnel de 2005, repris en grande partie dans le Code du Travail en 2012 et modifié en dernier lieu en 2018 (art. L1222-9 et suivants). Mais, le droit du travail est complexe et les réglementations proviennent aussi d’autres sources que le Code du Travail : accords de branches, accords d’entreprises ou encore chartes internes et contrats de travail. 

Le contexte sanitaire a-t-il fait évoluer le droit sur le télétravail ?

Les ordonnances Macron avaient déjà permis une grande évolution du télétravail. Elles ont ainsi développé le concept de « flexi-sécurité » dans l’organisation du travail en général et pour le télétravail en particulier. On a ainsi remis la négociation au niveau de l’entreprise au cœur du processus de fixation des normes. La Covid-19 a changé la donne sur la pratique. Le télétravail, qui est basé sur le volontariat du salarié en temps normal, peut, en cas d’épidémie, être imposé. Cette faculté a largement été utilisée depuis le mois de mars dernier.

Quelle disposition doit prendre l’employeur s’il veut l’imposer ?

En période de crise sanitaire, il n’y a pas de formalisme spécifique. L’avenant au contrat de travail  n’est pas une obligation. Mais, de façon générale, et notamment à l’heure actuelle où la pratique du télétravail s’accentue, je conseille la mise en place d’un accord collectif ou d’une charte qui va permettre de préciser les contours de l’organisation en télétravail. En revanche, si l’employeur est opposé à la pratique et a mis en place toutes les règles sanitaires pour protéger les salariés, le salarié ne peut pas exiger de télétravailler, sauf cas particuliers.

De quels droits bénéficie le télétravailleur par rapport à un salarié en présentiel ?

L’employé en télétravail a les mêmes droits et avantages que les salariés en présentiel. Côté indemnisation, des textes d’ordre général prévoient que l’employeur a l’obligation notamment de prendre en charge les frais professionnels qu’un salarié expose pour les besoins de son activité et dans l’intérêt de l’employeur (factures énergétiques, abonnements …). Le versement d’une indemnisation est un sujet qui peut être traité dans l’accord ou la charte. Selon leur nature et leur montant, les sommes versées seront, ou non, exonérées de cotisations sociales.

Le télétravailleur peut exercer où il souhaite ?

On demande en général au salarié de travailler depuis chez lui et on s’assure que son domicile est conforme en termes de réseaux et d’électricité. Toutefois, s’il décide de télétravailler depuis un autre endroit, plus commode pour lui, la loi ne l’interdit pas. Tout va dépendre des modalités d’organisation (nombre de jours télétravaillés, etc.) et de ce qui sera prévu dans la charte ou l’accord s’ils existent (obligation pour certains emplois de rester à proximité du bureau, en cas de rendez-vous professionnels impromptus par exemple).

L’employeur peut-il contrôler librement le travail de son employé à distance ?

Le contrôle du temps de travail est une obligation pour l’employeur, pour les salariés travaillant sur site comme en télétravail. Les moyens de contrôle doivent être proportionnés et adaptés. La forme du contrôle dépend des modalités d’organisation du temps de travail appliquée au sein de l’entreprise. 

Le contrôle de l’employeur concerne également la charge de travail et consiste à s’assurer que  la santé du salarié n’est pas en danger, du fait d’un surmenage. Là encore, l’accord collectif ou la charte va pouvoir prévoir les modalités de contrôle adaptées au télétravail. Les cadres en forfait  jour peuvent par exemple établir des déclarations de journées ou demi-journées travaillées.

Où un employé ou un employeur peuvent-ils en savoir plus sur leurs droits et obligations ?

Pour se renseigner sur ses droits et consulter les lois et textes réglementaires, il n’y a qu’un site officiel et systématiquement mis à jour, c’est legifrance.gouv.fr, où sont aussi publiés les accords de branche et la plupart des accords collectifs d’entreprise. Après, le droit est parfois indigeste lorsqu’on n’est pas un professionnel. Le gouvernement a mis en place un Code du Travail en langage simplifié mais il n’est pas toujours à jour. L’employeur a aussi l’obligation de mettre à disposition de ses salariés les accords d’entreprise et leur indiquer la personne ou le service capables de les leur fournir. On peut aussi passer par les syndicats lorsqu’il y en a. 

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE