Neuilly-sur-Seine, le 9 juin dernier. Une femme sur son balcon crie à l’aide. Des voisins, sans trop connaître le motif de cet appel au secours, contactent la police. Arrivés sur place, les fonctionnaires arrêtent l’ex-conjoint de la dame en détresse, hébergé depuis peu dans l’appartement. Celui-ci, nettement alcoolisé, l’aurait en effet malmenée jusqu’à lui arracher une mèche de cheveux.

Pour se défendre, la victime l’aurait de son côté griffé au cou. Des marques, encore visibles le lendemain sur le prévenu, déféré en comparution immédiate au Tribunal de Grande instance (TGI) de Nanterre. L’accusé, déjà jugé pour des faits similaires, y risquait une révocation de son sursis probatoire, en plus de sa condamnation. L’homme, gérant d’un café parisien, aurait un fort penchant pour la bouteille, mais dans un cadre festif uniquement, selon ses dires. « Je peux boire au maximum deux bouteilles de vin par jour », déclarera le prévenu, qui avait déjà tenté un traitement contre l’addictologie, sans succès.

Un plafond qui laisse le président du tribunal perplexe : « On s’interroge tout de même sur votre taux de 0,77 grammes lors de votre arrestation, tacle le président du tribunal. 0,77 g à 11 heures du matin, même si vous l’aviez réactivé avec un verre au réveil, cela fait quand même beaucoup… »

Rentré après une soirée arrosée chez son ex-compagne, qui le faisait dormir à son domicile pour des raisons pratiques, le prévenu aurait fait une crise de jalousie à la mère de ses trois enfants. Une dispute, qui aurait dégénéré le lendemain au réveil et pour laquelle le tribunal le condamnera à une peine lourde, mais aménageable.

« Je suis sonné, confesse l’accusé. Je croyais qu’elle ne voulait pas porter plainte ».
Poursuivi par le procureur de la République, l’homme reconnaîtra pendant l’audience l’avoir poussée. Mais ses motivations d’alors n’auraient eu aucun lien avec la vie privée de son
ex-épouse.

Il avouera avoir « un peu forcé la veille sur le vin », mais sans s’en rendre compte, plaidant le manque de repos depuis la réouverture des cafés et restaurants. « Je me suis réveillé, j’ai vu qu’il me manquait 350 euros et mon portable. C’est là que cela a commencé à vriller, explique ensuite le prévenu, tapotant frénétiquement ses mains l’une sur l’autre. Je n’aurais jamais dû le faire. Cela porte préjudice à ma fille, à mes enfants… à madame un peu ».

Peu rancunière vis-à-vis du manque de compassion de son ex-conjoint, la victime convoquée à la barre, plaidera en faveur de son agresseur. « Je veux juste qu’il ait cette prise de conscience par rapport à son addiction. Je ne veux pas qu’il soit incarcéré, insistera-t-elle, posément, avant de s’étendre sur les conditions de travail difficiles du prévenu. Cela n’excuse en rien les violences, tant verbales que physiques, à mon égard. En revanche, il est très stable dans son travail et responsable d’un établissement renommé ». Un témoignage se voulant équilibré et qui laissera le tribunal désabusé.

« Vous n’avez plus besoin de plaider », ironisera le président de séance, s’adressant au conseil de l’accusé. Malgré cela, le prévenu s’attirera quand même les foudres du ministère public, qui n’aura pas apprécié ses critiques proférées contre la lenteur de la mise en place de son précédent suivi socio-judiciaire, censé le faire décrocher de l’alcool.

« C’est bien beau de s’en prendre à la justice. Nos JAP (juges d’application des peines) sont débordés. Madame cherche des excuses à monsieur, mais la responsabilité personnelle, c’est important, cinglera la procureure. Ou alors, changer de métier s’il y a trop de pression ! ». Le ministère public requerra une peine de 8 mois d’emprisonnement, aménageable par un JAP en échange d’un travail du prévenu sur sa ­dépendance à l’alcool.

« J’ai entendu des excuses vis-à-vis de madame et monsieur reconnaît son problème d’alcool, relèvera son avocat durant sa plaidoirie, préférant à la peine aménageable requise par le parquet une peine avec sursis. Cette procédure sera une bonne piqûre de rappel » Mais en ce moment, toutes les piqûres ne sont pas salvatrices. Le tribunal suivra les
réquisitions du parquet et le condamnera à 8 mois de­ prison aménageables, sans mandat
de dépôt.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE