Coups de pied, coups de poing, agression avec un pied de table, étranglements, menace avec arme, viols… Dans un procès-verbal long de huit pages, une femme dit avoir subi de multiples atrocités de la part de son conjoint, avec qui elle s’est civilement mariée à l’étranger en 2017. Après des coups de trop, elle aurait choisi de le quitter et de porter plainte contre lui quelques semaines plus tard, au commissariat de Clichy en août 2020.

C’est libre que l’homme comparaissait le 20 mai dernier, au Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre, pour répondre de ces faits de ­violences volontaires sur conjoint, ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours et en l’espèce, plusieurs mois, en comptant le traumatisme psychologique reconnu par l’expert mandaté par le tribunal.

Bien qu’ayant reconnu des disputes conjugales, l’homme, épicier de profession et marié à une autre femme au Bangladesh, a assuré ne jamais avoir violenté sa seconde épouse. En dépit d’une plaidoirie musclée de son avocat, le tribunal aura tout de même choisi de rentrer en voie de condamnation. « Reconnaissez-vous les faits ? », interroge la présidente du tribunal, après avoir fait état des pièces du dossier.

« Pas en totalité », lui rétorque le prévenu, inaugurant ainsi sa stratégie de défense. Calme, l’homme d’une quarantaine d’années, assisté d’un interprète, est en effet resté sur une ligne de crête tout au long du procès, niant en bloc les accusations de son ex-compagne.

Face aux récits des témoins, lus par la présidente du tribunal de longues minutes durant, le prévenu est demeuré impassible. Dépeint en mari jaloux, l’homme aurait même asséné un coup de pied dans le ventre de la victime enceinte, précipitant une fausse couche. « En septembre 2019, la plaignante dit qu’il vous est arrivé de prendre un couteau et de la menacer avec en lui disant que vous alliez l’égorger et que de toute façon, cela ne valait que sept ans d’emprisonnement », notifiera même la présidente.

Le déclencheur de ses accès de violences ? Les questionnements répétés de sa seconde épouse sur ses escapades extra-conjugales. « Car, vous menez une double vie, puisque vous vivez avec une autre femme avec qui vous avez trois enfants, lui rappelle la présidente du tribunal. Et d’autre part, vous avez consommé une relation avec cette dame ». Présente à l’audience, la victime assez émotive explique s’être mariée par téléphone avec le prévenu, avant d’enregistrer officiellement son mariage au cours d’un voyage au Bangladesh. L’homme lui aurait alors assuré avoir divorcé de sa première femme.

« Je ne l’ai jamais frappée, argue le prévenu. C’est toujours elle qui crie sur moi ». Mais, la présidente du tribunal poursuit la liste des reproches qui lui sont faits : « Après chaque épisode de violence la victime raconte que vous vous excusez, puis vous la forcez à avoir un rapport sexuel ». Face aux photographies attestant des marques de coups sur le corps de la victime, le prévenu choisit de contester leur authenticité.

« Vous aviez des relations sexuelles avec elle, vous la voyiez nue. Vous n’avez jamais vu ces marques ?», lui lance alors la présidente du tribunal, dubitative. « Il faut lui demander », marmonne alors l’homme en complet bleu. « Donc ma cliente est une affabulatrice ? interroge l’avocat de la victime, sans véritablement attendre de réponse. Quand on entend le prévenu, tout va bien madame la marquise. C’est même elle qui l’aurait forcé à se marier ».

Insistant sur les témoignages ­corroborant l’esprit des accusations de sa cliente, son conseil réclamera au ­tribunal le versement de 10 000 euros de dommages et intérêts, assorti pour le prévenu d’une interdiction de contact avec la victime. Dans son réquisitoire, la procureure a, elle, tenu a recentré les préoccupations du tribunal, qui s’est largement étendu sur la polygamie du prévenu et les pratiques matrimoniales bangladaises, sur les seuls faits de violences ainsi reprochés.

« Je peux m’interroger sur la véracité de la plainte de madame », s’est esclaffé l’avocat du prévenu, dénonçant une plainte fourre-tout. Plaidant la relaxe, il a dénoncé des accusations gratuites et jugé irrecevable le témoignage du fils de la plaignante, seulement âgé de sept ans lors de son audition par la police.

« J’ai même un témoignage sous serment qui atteste que madame était prête à retirer sa plainte pour 10 000 euros », affirmera-t-il, cherchant à décrédibiliser la victime. Mais le tribunal optera pour la condamnation. Il suivra ainsi les ­réquisitions de la procureure, soit une peine de huit mois de prison avec sursis, assortie d’une interdiction de rentrer en contact avec la victime.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE