Imaginé il y a près de deux ans par le commissaire central de Nanterre, Michel Chaballier, le dispositif d’accueil et d’accompagnement simplifié des femmes victimes de violences conjugales est sur les rails depuis le mois de février dernier. Retardé pour des causes budgétaire et technique, il se matérialise avant tout par l’installation d’un second hygiaphone à l’entrée du commissariat. Il permet de faire entrer les victimes plus simplement, sans qu’elles aient à exposer le motif de leur déplacement devant tout le monde.

Car d’ordinaire, pour des raisons de sécurité évidentes au vu du contexte actuel, le commissariat entouré de grilles filtre les entrées. Une personne souhaitant déposer une main courante ou établir une procuration, doit sonner à droite de la porte et détailler les raisons de sa venue, devant les autres éventuels requérants. Un manque de confidentialité qui peut rebuter les femmes victimes de violences conjugales, pour qui la démarche de se présenter à la police afin de signaler leurs sévices suppose déjà un important effort sur soi.

Avec le même objectif d’apporter une réponse au mouvement de libération de la parole, qui a poussé de plus en plus de femmes à faire valoir leurs droits, le commissariat apporte, en même temps que la réponse judiciaire, un accompagnement psychologique, social et juridique aux plaignantes. Deux assistantes sociales, une psychologue et une juriste réalisent des permanences la semaine pour les informer, leur apporter une oreille attentive et les encourager à ­porter plainte.

« Depuis le 4 février, 52 femmes ont utilisé notre nouveau dispositif d’accueil, révèle Michel ­Chaballier, à l’initiative du projet. Cela devait faire deux ans que je souhaitais faciliter les démarches pour les femmes victimes de violences ». Une idée, partie d’un constat assez simple : le système d’entrée des plaignants au commissariat, du fait des mesures anti-terroristes, est drastique et peut décourager certaines femmes doutant déjà du bien fondé de leur démarche.

Un second hygiaphone, qui leur est spécialement dédié, a été fixé à gauche de la porte d’accès et les confortent dans la confidentialité de la prise en charge. Sitôt entrées, elles sont conduites de manière prioritaire devant un agent de police ; s’ils sont disponibles, devant un des cinq membres de la brigade de protection de la famille pour déposer une main courante ou une plainte.

« En termes de violences faites aux femmes, les mains courantes sont à proscrire, prévient le commissaire, qui insiste sur l’inefficacité du procédé. Mais, pour celles qui ne veulent pas aller jusqu’à la plainte, on fera quand même un signalement au parquet ». La plainte, synonyme d’enquête et souvent de garde à vue pour le conjoint est une étape difficile à franchir pour les victimes.

« Le dépôt de plainte est important dans le parcours de ces femmes mais n’est pas obligatoire au début, souligne Salia David, intervenante sociale au commissariat. C’est l’intérêt du pôle social, on peut les recevoir plusieurs fois pour établir un lien. Je suis tenue au secret professionnel, elles peuvent donc se livrer en toute confidentialité ».
Les requérantes peuvent aussi obtenir plus d’informations quant à leurs droits ou au parcours judiciaire qu’implique une plainte auprès de la juriste du pôle.

Menaces de leur couper les vivres, de leur retirer leurs enfants, chantage administratif… Souvent les victimes, interdites de travailler par leur mari ou en situation irrégulière, sont sous l’emprise de leur conjoint agresseur. L’environnement familial n’aidant pas, les victimes viennent seules faire état de leur situation à la police, après beaucoup d’hésitations. D’où l’importance d’un système judiciaire efficace et qui leur donne confiance.

« Presque 100 % des plaintes aboutissent, assure Michel Chaballier. Aussitôt, l’individu est mis en cause. En 2020, on a placé 170 personnes en garde à vue pour violences sur conjointe. Je ne pense pas qu’on en aura moins en 2021, on est sur un volume constant à Nanterre ». Le confinement, qui a fait monter la tension dans les foyers aux dires du commissaire, n’a pas eu ­d’incidence sur le nombre de ­dépôts de plainte.

« Une chose a changé : depuis 3-4 ans, depuis que la parole s’est libérée, il y a moins de retrait de plaintes. A présent, les femmes vont jusqu’au bout de la procédure ». Une démarche facilitée par l’association d’hébergement Escale, dont le commissariat est partenaire et qui sera épaulée par une nouvelle structure, la Maison des femmes à la fin de l’année 2021 (voir notre édition du 26 mai 2021).

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE