La semaine des Pyrénées, Le Dauphiné Libéré, Corse Matin… Les médias Français qui ont évoqué ces derniers jours Marie Truchet, vice-présidente du tribunal correctionnel de Nanterre, étaient nombreux. Il faut dire que le décès brutal de cette magistrale de 44 ans, terrassée par une crise cardiaque en pleine audience le 18 octobre dernier, a ému toutes les « robes noires » de France.

Cette crise cardiaque, Dominique Marcilhacy, déléguée et responsable syndicale de l’Union syndicale des magistrats (USM) à Nanterre, l’incombe auprès de l’AFP au « stress permanent à son excès de travail », relate Ouest-France. Le 27 octobre, à Bastia en Corse, ils étaient une cinquantaine de greffiers, magistrats, avocats, bâtonniers et fonctionnaires, à se rassembler pour rendre hommage à Marie Truchet. Un même événement a rassemblé une centaine de personnes dans la salle des pas perdus du palais de justice de Grenoble, le 25 octobre. Même hommage à Tarbes, où une minute de silence a été respectée le 28 octobre, en ouverture de ­l’audience correctionnelle.

Une vague de soutien qui porte aussi tous les attraits d’une vague de contestation. Ce sont les syndicats de la magistrature qui ont appelé à une minute de silence, le mardi 28 octobre dans tous les tribunaux de France et d’Outre-mer. Dans plusieurs tribunaux de l’Hexagone, une lettre a été lue à cette occasion. Une lettre ouverte publiée sur l’Humanité, dans laquelle on peut lire :

« Il y a 7 jours, notre collègue Marie Truchet est morte, en robe, alors qu’elle présidait l’audience de comparution immédiate. Elle n’avait que 44 ans. […] Elle était toujours volontaire et pleine d’idées pour que le tribunal continue de fonctionner malgré toutes ses difficultés. » Après l’hommage rendu à l’écrit à cette femme « forte, humaine et courageuse », de ces « collègues qui rendent les journées plus douces », les syndicats pointent du doigt les défaillances du système de justice français. « Depuis des années, la situation de Nanterre n’a cessé de se dégrader. Les départs non remplacés se sont multipliés mais le tribunal judiciaire n’a jamais cessé de faire face, malgré des moyens toujours plus faibles. Et Marie a fait face. »

Une lettre ouverte qui n’est pas sans rappeler la tribune publiée dans Le Monde en mai 2022, signée par 3 000 magistrats (soit près des deux tiers d’entre eux) et une centaine de greffiers. À l’époque, on pouvait déjà lire : « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout». […] « Nous comprenons que les personnes n’aient plus confiance en la justice que nous rendons, car nous sommes finalement confrontés à un dilemme intenable : juger vite mais mal ou juger bien mais dans des délais inacceptables. » À l’origine de cette lettre, là aussi un décès, celui de Charlotte Guichard, 29 ans, jeune magistrate au tribunal judiciaire de Béthune, dans le Pas-de-Calais. Elle s’est donné la mort le 23 août 2022.

La mort de Marie Truchet sur son lieu de travail, même si elle est « accidentelle », « vient cruellement nous rappeler combien notre justice est à bout de souffle », s’est désolée la bâtonnière des Hauts-de-Seine, Isabelle Clanet Dit Lamanit, mardi dernier. La dernière lettre ouverte, elle, interpelle les employés de la Justice française et interroge : « Le décès de Marie doit nous interpeller. Allons-nous continuer à sacrifier certains d’entre nous sur l’autel de la productivité judiciaire ? Allons-nous continuer à accepter des conditions de travail aussi dégradées qui nuisent non seulement à la qualité de notre travail mais menacent aussi directement notre santé ? »

D’après France Inter et les calculs des présidents de tribunaux judiciaires, au début de l’année 2022, il manquait quelque 1 500 juges en France. Il faudrait un accroissement de 35 % des effectifs des juges pour pouvoir absorber la charge de travail que représente à elles seules les urgences.