Dès 8 h 30, jeudi 9 janvier, jour de manifestation nationale contre la réforme des retraites, les avocats du barreau des Hauts-de-Seine se sont rejoints devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour manifester eux aussi. Pendant près de deux heures, ils ont bloqué l’entrée du tribunal, empêchant ainsi les procès de se tenir.

Une quarantaine d’avocats défendaient leur système de retraite autonome qui devrait disparaître avec la réforme à venir alors qu’une grève dure avait été votée en début de semaine par le conseil national des barreaux (CNB). Après des échanges avec la présidente du tribunal et la procureure de Nanterre pour expliquer leurs revendications, les avocats n’ont libéré l’entrée que pour se rendre dans l’enceinte du tribunal et procéder au désormais connu « lancer ou jeter de robes ».

« Cela entraînera la disparition de nombreux cabinets, on va mettre en péril l’accès au droit, tout un ensemble de choses qui rend, en notre sens, la réforme en l’état inacceptable, explique Maître Vincent Maurel, bâtonnier des Hauts-de-Seine, jeudi 9 janvier, de l’inquiétude des avocats autour de la réforme des retraites. D’où cette manifestation très forte, cette grève très dure et ce blocage devant le tribunal ».

À 8 h 30, une cinquantaine d’avocats se sont rassemblés devant les portes du tribunal avec des banderoles de contestation empêchant les visiteurs ou justiciables d’entrer. « Ce n’est pas de gaîté de coeur, […] on n’aime pas faire la grève, on n’aime pas embêter les justiciables. Nous, notre ADN, c’est défendre les gens, mais là il faut qu’on se défende nous-mêmes » souligne Vincent Maurel.

« Nous sommes une profession indépendante qui gère un régime autonome, […] on ne coûte rien aux contribuables […] On tient à notre autonomie » insiste le bâtonnier. Les avocats bénéficient d’un régime de retraite autonome et non spécial rappelle l’avocat : « Régimes spéciaux, régimes autonomes, il y a une confusion […] à laquelle il n’est pas évident de mettre un terme donc c’est tout un travail d’explications que l’on souhaite faire aujourd’hui ».

« Ce n’est pas anodin, c’est un geste fort de jeter sa robe au sol. […] Néammoins, aujourd’hui nous n’avons plus le choix » explique le bâtonnier à ses confrères.

Le public attend à l’extérieur du tribunal, certains discutent avec les avocats, d’autres attendent sans trop comprendre pendant que quelques-uns s’agacent de ne pouvoir honorer leur convocation. La présidente du tribunal Catherine Pautrat ainsi que la procureure de Nanterre Catherine Denis échangent avec le bâtonnier à leur arrivée et lui demandent de stopper le blocage. « La seule chose que je vous demande, c’est de ne pas entraver l’entrée pour ne pas entraver l’action de la justice, vous bloquez déjà avec les grèves, les demandes de renvois, je pense que c’est suffisant » insiste la procureure.

Avec la réforme des retraites, le régime autonome des avocats serait voué à disparaître et à être absorbé par le régime général. « Il fonctionne parfaitement bien » analyse le bâtonnier du régime existant parlant des avantages pour les avocats ayant les revenus les plus faibles soit moins de 40 000 euros par an, une mesure qui concerne « près de 450 avocats » du département.

« On garantit un minimum de retraite qui est largement supérieur à celui qu’on nous propose dans le projet de réforme. Les avocats sont assurés d’avoir un minimum sur une carrière pleine d’un peu plus de 16 000 euros par an. […] En gros, 1 400 euros par mois là ou on nous propose 1 000 euros dans le nouveau régime » explique-t-il.

Le bâtonnier craint également pour ces avocats un doublement des cotisations si la réforme est adoptée en l’état. Un régime autonome « parfaitement équilibré » avec des réserves qui lui permettent de reverser tous les ans une partie « aux régimes déficitaires, agriculteurs et artisans ».

À 10 heures, le bâtonnier invite les avocats à libérer l’entrée du tribunal et à monter dans la salle des pas perdus pour le « jeter de robes ». Après un court discours, une quarantaine d’avocats lancent les uns après les autres leurs robes avant d’applaudir cet acte symbolique repris dans plusieurs barreaux de France. « Ce n’est pas anodin, c’est un geste fort de jeter sa robe au sol. […] Néanmoins, aujourd’hui nous n’avons plus le choix » explique le bâtonnier à ses confrères.

Un appel à la manifestation à Paris avait été lancé par le Conseil national des barreaux pour le samedi 11 janvier avec prolongement de la grève voté jusqu’au jeudi 16 janvier. Les instances de la profession ont été reçues lundi 13 janvier par la garde des Sceaux. « On veut une discussion pour construire quelque chose qui soit satisfaisant » insiste le bâtonnier des Hauts-de-Seine jeudi 9 janvier.