En parcourant les villes du territoire de Paris Ouest La Défense, sur la carte du baromètre des villes cyclables, seules des nuances d’orange sont visibles. Pas la moindre commune ne semble s’approcher de quelconque mention « favorable » par la Fédération des usagers de la bicyclette. De Saint-Cloud à Courbevoie en passant par Puteaux, les catégories « E », pour « plutôt défavorable », sont légions. Levallois-Perret et Neuilly-sur-Seine décrochent même la mention « défavorable » en étant classées « F ».

Pour parvenir à ces résultats, 275 000 personnes ont donné leur ressenti sur leur expérience en tant que cyclistes dans les 1 625 communes classées. Aménagements, sécurité, efforts de la Ville, confort… Tant de catégories à noter avec une note allant de « A+ » pour « excellent » à « G » pour « très défavorable ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les villes des Hauts-de-Seine ne s’en sortent pas avec les honneurs.

« Ces notes sont représentatives de la réalité ». Animateur pour le « Collectif vélo POLD » et coprésident de Rueil à vélo, Didier Bouchard dresse un constat amer, et souligne qu’« aucune ville du territoire POLD ne dépasse la catégorie “E” ». Comment expliquer de telles notes, alors que des villes voisines parviennent à se placer dans le vert ?

« Nous sommes dans un département qui, historiquement, fût un bastion de l’automobile avec Renault et Peugeot, tente d’expliquer Didier Bouchard. Alors forcément, quand on parle vélo ici, c’est plus difficile d’être entendu ». Le cycliste de toujours prend également du recul par rapport aux chiffres, rappelant le nombre peu élevé de votants. « Le baromètre est un outil fiable, même si son petit défaut, c’est qu’on a peu de votants dans les Hauts-de-Seine. Les gens répondent en toute honnêteté, même s’ils ont tendance à être un peu sévères. Mais nous, ce qu’on veut, c’est pouvoir rouler à vélo au même titre que les autres transports. Cependant voilà, on a constaté peu d’améliorations sur les axes gérés par les mairies. On n’a pas beaucoup de répondant ».

Justement. Au sein des mairies du territoire, on a accueilli les résultats de diverses manières. Frédéric Sgard, conseiller municipal délégué aux mobilités à la mairie de Rueil-Malmaison, fait le choix de ne pas tomber dans l’alarmisme. « La première chose qu’on remarque, c’est qu’on est équivalent à la plupart des villes de la petite couronne, constate-t-il. Ce sont des villes denses, qui ont peu de voies larges. Ainsi, le terrain disponible pour construire et développer des pistes cyclables est faible. Ces notes ne sont donc pas étonnantes ».

En observant de plus près la carte du baromètre vélo, on s’aperçoit que les points à améliorer en priorité, selon les votants, se concentrent sur l’avenue Paul-Doumer, le boulevard de l’Hôpital Stell, le boulevard de Solferino et le boulevard de Richelieu, soit « des grands axes départementaux qui ne dépendent pas de la Ville ». L’élu se targue alors d’obtenir une « satisfaction en matière de circulation dans les quartiers résidentiels », notamment grâce au passage en zone 30 et au double sens cyclable. « On n’a pas attendu l’enquête pour se mettre à travailler. On travaille avec les associations de cyclistes pour améliorer notre politique de sécurisation des axes, et pour la maximisation du vélo. Car chaque vélo gagné, c’est un véhicule de perdu. Tout le monde y gagne ». Si les usagers semblent reprocher à la mairie d’être « peu à l’écoute », Frédéric Sgard parle d’un « problème de communication », assurant que les « efforts de la ville » sont « méconnus ».

Le même constat est partagé à quelques kilomètres de là. Dans son bureau de la mairie de Neuilly-sur-Seine, l’adjoint en charge des mobilités Eric Schindler s’interroge sur la légitimité d’un tel baromètre. « Je comprends l’intention des cyclistes, assure-t-il. Mais le problème, c’est qu’ils ne jugent que par rapport à ce qu’ils voient, et ne tiennent pas compte de ce qui est à venir ». Justement, la double piste cyclable du RER Vélo arrive bientôt, tout comme le projet de réaménagement du quartier des Sablons, qui fera la part belle au double sens cyclable.

Les choses semblent avancer dans le bon sens. Mais avec une note « défavorable », parmi les pires du département, la ville de Neuilly-sur-Seine s’attire tout de même les foudres des cyclistes. « Quelque part, cette note est logique, surtout quand on voit les notes de nos voisins, admet Eric Schindler. Mais les gens qui ont voté sont les cyclistes les plus mobilisés, qui jugent plus dur. Je respecte leur perception, mais leur perception est-elle vraiment la réalité ? »

L’un des principaux reproches faits par les usagers concerne la sécurité sur les grands axes, ainsi que le comportement des véhicules motorisés. Une cohabitation difficile qui est au centre des préoccupations en ce qui concerne le partage des voies de circulation. « Quand il y a du stationnement gênant, on verbalise. Malheureusement, on n’arrive pas à traquer 100 % des infractions. Nous, en tant qu’élus, on doit écouter tout le monde. Les associations de cyclistes, notamment, mais aussi les taxis, les résidents, les personnes âgées… On est obligé de tenir compte de l’ensemble, ce qui nous amène à trouver des compromis, des solutions d’équilibre ». Une solution qui enchante rarement toutes les parties.

Confronté à la même difficulté, Hervé de Compiègne, adjoint délégué à la voirie, a du mal à avaler la mention « plutôt défavorable » attribuée à sa commune, Courbevoie. Si, lui aussi, cherche le « juste milieu entre les automobilistes acharnés et les cyclistes acharnés », il défend avant tout le bilan de sa commune.

« Après avoir créé des coronapistes, on les a pérennisées, à l’inverse d’autres villes. On a également installé de nombreux panneaux destinés aux vélos, ainsi que des stationnements sous forme d’arceaux. On a même lancé des emplacements pour les vélos cargo sur les marchés ! Sans parler de la continuation des portions de pistes cyclables, les gens trouvaient que ça manquait de cohésion ».

L’aménagement du pont de Levallois est également au centre des préoccupations des cyclistes, inquiets de la dangerosité du secteur quand on l’emprunte à deux roues.
Un sujet plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. « On s’est beaucoup battu, avoue Hervé de Compiègne. Le Département ne veut pas supprimer l’une des voies réservées aux auto, vu le trafic. On ne peut pas non plus faire un trottoir pour les piétons, et un pour les vélos, pour des questions de sécurité. La seule solution serait de bâtir une passerelle dédiée aux mobilités douces à côté du pont, mais il faut trouver les financements ».

Alors que beaucoup attendaient des réponses du Département quant aux aménagements vélo, celui-ci a approuvé, le vendredi 18 février dernier, un plan vélo ambitieux à plus de 150 millions d’euros. Quelques jours seulement après la publication du baromètre vélo. Au programme : la pérennisation des coronapistes et, plus largement, le développement de l’utilisation du vélo sur le territoire. Cela passe notamment par 120 kilomètres de pistes cyclables en plus, qui permettront de mettre fin aux trop nombreuses discontinuités et coupures dans les aménagements destinés aux vélos. Stationnements, points de réparation et stations de gonflage devraient également se multiplier. Si les usagers ne semblent pas satisfaits des aménagements actuels, force est de constater que les choses semblent avancer dans le bon sens pour permettre, d’ici quelques années, de se déplacer confortablement à deux roues dans les Hauts-de-Seine.

CREDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DEFENSE