Il pensait avoir pris ses précautions. Un trentenaire, déjà connu des services de police pour son attirance pour les mineurs, estimait avoir fait le nécessaire en dissimulant de multiples photos de jeunes filles, et au moins deux à caractères sans conteste pédopornographiques, dans un dossier sécurisé sur son téléphone portable. C’était sans compter sur un concours de circonstance difficile à anticiper. Condamné en 2013 à six ans de réclusion criminelle, pour administration d’une substance nuisible à un mineur, détention de photos pédophiles et corruption de mineur, celui-ci avait interdiction d’entrer en contact avec son ex-compagne et ex-complice dans cette sordide affaire.

Des policiers cherchant à s’en assurer interrogent courant 2021 la jeune femme, qui leur apprend alors subir le harcèlement d’inconnus sur Facebook, des hommes lui demandant ses tarifs pour l’envoi de photos de nus. Ces cyber-pervers semblent connaître des détails de son anatomie, comme sa cicatrice sur le ventre.

La faute à une photo qu’elle suspecte d’avoir été publiée sur les réseaux par son ex-copain, qui est rapidement interpellé à Gennevilliers, au domicile malpropre de sa mère, où il vit en compagnie de neuf chats faisant leurs besoins à même le sol. L’homme, à la crinière de lion et à la barbe fournie sera présenté au tribunal de Nanterre le 24 novembre dernier. « J’étais sur un site de discussion où vous êtes obligés de télécharger des musiques ou des photos (pour continuer à naviguer) », se justifiera d’une voix étonnamment fluette le prévenu au physique de Cro-Magnon.

Un site internet aux utilisateurs louches, qui ne s’y rendent pas « pour consulter des photos de fleurs ou de gâteaux », aux dires mêmes de la présidente du tribunal. « Supposant que vous les ayez téléchargés par hasard, vous auriez pu les supprimer ?!, lui lancera la magistrate, qui préfèrera vite se plonger dans la procédure pour obtenir une réponse de l’accusé. Or vous avez déclaré en garde-à-vue “je ne les ai pas supprimées, parce que je suis un gros flemmard”… ».

Également connu pour du trafic de stupéfiant, le prévenu était suivi à Saint-Anne, mais respectait peu son suivi socio-judiciaire et ses obligations de soins. « Si vous avez de nouveau une addiction sexuelle pour les mineurs, allez tout de suite chez le psychiatre plutôt que d’attendre de vous faire cueillir chez vous par les gendarmes », lui conseillera la juge, avant de déplorer ses choix de vie. « Ah, et vous ne travaillez pas ! Vous préférez zoner sur internet et regarder des photos pédophiles… »

La procureure optera dans sa plaidoirie pour la transparence la plus crue quant aux pièces collectées durant l’enquête, afin de mieux souligner l’abjection du prévenu. Notamment pour ce qui est de l’acte sexuel infligé à une petite fille par un homme âgé sur un des clichés. « Ce n’est pas qu’un délinquant de papier, qui se masturbe devant des photos. Faire cela, c’est participer à un trafic sexuel qui perpétue des violences sur des enfants,
appuiera le ministère public. Et puis, ce n’est pas vrai que l’on trouve des images pédopornographiques par hasard. Si vous tapez quelques mots clés sur google ou des sites pornos, vous ne trouverez rien ! Il faut faire la démarche, comme via Co******, un site où vous vous faites alpaguer toutes les cinq minutes par des prédateurs sexuels ».

L’avocate commise d’office assignée au prévenu reconnaitra avoir toutes les peines du monde à défendre un homme pour ces « faits détestables et écœurants ». « C’est qu’il n’est pas malin !, lancera-t-elle. S’il avait été conscient de ce qu’il faisait, il aurait pu refuser de donner le code de son téléphone aux enquêteurs. C’est certes une infraction, mais on n’aurait pas découvert ces photos… » Elle demandera d’amoindrir les lourdes réquisitions du ministère public – 3 ans dont deux ferme – et obtiendra gain de cause. Le tribunal infligera au prévenu une peine d’un an, dont six mois avec un sursis probatoire renforcé, une obligation de consulter un psychiatre tous les 15 jours et une interdiction de travailler avec des mineurs pendant 10 ans.

CREDIT PHOTO: ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE