C’est habituellement un crime qui vous vaut de passer devant une cour d’assises, où vous risquerez jusqu’à 20 ans de réclusion. Le jeune homme à l’origine du braquage à main armée d’une boutique du centre commercial Westfield les 4 Temps, le 25 juillet dernier, a donc bénéficié d’une fleur accordée par le parquet de Nanterre, en voyant les faits qui lui étaient reprochés être requalifiés en vol avec violences.

Une subtilité juridique, qui lui a permis d’être traduit le 13 octobre dernier devant un simple tribunal correctionnel et d’encourir une moindre peine. Le tribunal justifiera ce traitement de faveur par le profil quelque peu déroutant de l’accusé. « Monsieur, on reste les bras ballants face à ce que vous avez fait », confiera d’ailleurs en introduction la présidente du tribunal, un brin dépitée, à l’audience du braqueur.

La lecture faite du dossier a en effet de quoi laisser pantois. Tout autant que le physique du jeune homme de 25 ans, avec ses tatouages enfantins répartis sur ses deux bras chétifs, en discordance totale avec le profil de la petite frappe ou celui de la grosse brute au mobile crapuleux, plus habituées à comparaître à Nanterre pour ce genre de crime.

Mais encagoulé, ganté et armé d’un pistolet factice à l’apparence réaliste, le prévenu aura laissé une toute autre impression à la caissière de la boutique braquée. « Je suis arrivée vers 14 heures pour prendre mon service, déclarera l’employée aux policiers lors de son audition. Vers 15 heures, j’ai vu entrer un homme d’1m80, avec une mèche blonde et des gants noirs. J’ai tout de suite senti qu’il n’était pas un client lambda ». Le malfaiteur déambulera quelques minutes dans le magasin, en attendant le départ de trois potentiels témoins, en train d’encaisser leurs achats, avant de frapper.

« Ouvre ta caisse ou je te tire dessus ! », ordonnera le braqueur, après avoir extrait son arme à air comprimé de son sac à dos. « Moi aussi, j’ai besoin de manger », se justifiera le jeune homme auprès de la salariée apeurée et contrainte de lui donner tout ce qu’elle a. Celle-ci se hâtera d’avertir la police, après que le malfrat ait déguerpi avec son maigre butin : une centaine d’euros tout au plus, soit le prix d’achat du pistolet à billes ayant servi au casse. « Mais, je pensais gagner beaucoup plus… 600 euros au moins », lâchera le prévenu à son audience.

L’accusé révélera par la même avoir prémédité son crime. « Je me suis préparé mentalement , j’ai pris les affaires adéquates, j’ai réfléchi à la somme que je pourrais avoir… ». Il choisira aussi soigneusement l’enseigne à frapper ; une boutique proche d’une sortie menant à une résidence où il se cachera de la police et où il se débarrassera de son arme et de sa cagoule.

« Réfugié dans la résidence, vous téléphonerez ensuite à une amie, vous lui tiendrez des propos confus, direz que vous auriez fait une connerie, résumera la président du tribunal. Une amie, que vous avez connue dans une clinique psychiatrique, n’est-ce pas ?! ». Le prévenu hochera de la tête.

Il tâchera d’ailleurs de mettre en avant, sans honte aucune, son passé psychiatrique pour expliquer son crime. Dépressif et ex-addict au sirop codéiné, au cannabis et aux anxiolytiques, celui-ci aura passé plusieurs séjours en désintoxication et en hôpital psychiatrique.

Un internement coûtera cher à sa famille – près de 2 500 euros – alors que lui-même avait perdu son emploi de caissier de supérette à cause de son état mental. « J’étais défoncé tout le temps. Après, mes parents ne me reprochaient pas méchamment, [de leur avoir coûté cher] mais m’ont dit qu’on aurait dû mal à manger ce mois-ci ».

Alors le matin du braquage, le jeune homme aurait cherché un moyen de mettre un peu d’argent au pot. « J’ai pété un câble, j’ai fumé du cannabis et j’ai eu cette idée ». Une idée sortie tout droit de son cerveau embrumé par la drogue et qui inquiétera assurément le procureur à l’audience.

« J’ai l’impression depuis tout à l’heure qu’on juge un vol de vélo !, s’agacera-t-il. On est face à une personne qui décide un matin, parce qu’il n’était pas en forme, parce qu’il avait fumé, d’aller braquer un magasin ! Heureusement que vous n’êtes pas nombreux dans ce cas-là ». Son avocate plaidera « l’acte de détresse », de la part de quelqu’un qui ne « voulait blesser personne, à part lui-même ».

« Il s’est repris en main depuis et je l’en félicite », se réjouira-t-elle même. Le tribunal optera pour une peine légèrement en-deçà des réquisitions du ministère public.
Le prévenu écopera d’un sursis simple de 15 mois.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE