« Je reconnais rien du tout ! Cela arrive de s’engueuler dans un couple, non ?! ». Debout, droit dans ses bottes, le prévenu n’hésite pas à jouer de son physique impressionnant pour muscler ses dénégations. Déféré le 1er octobre dernier devant le tribunal de Nanterre pour menaces de mort, harcèlement et violences habituelles sur son ex-conjointe, ce colosse tente mordicus de contrecarrer les accusations qui pèsent sur lui, en frappant régulièrement ses mains puissantes.

Ce trentenaire ne semble pas saisir que sa nervosité et son impulsivité ne font qu’accréditer la thèse d’un homme incapable de maîtriser ses ardeurs. C’est d’ailleurs un énième accès de rage qui aurait poussé la victime, son ex-compagne, à se rendre un jour d’avril 2021 au commissariat de Suresnes, pour mettre un terme au harcèlement qu’elle subirait.

L’occasion pour elle de décrire dans sa plainte – un document de dix pages ! – les menaces de mort et les violences qu’elle aurait subies au cours de sa relation, entamée en 2016 avec l’accusé alors en semi-liberté. Fin 2019, celle avec qui il s’est marié religieusement lui prépare une surprise pour fêter sa sortie de prison : un séjour à Marseille avec hôtel et jacuzzi. Mais, sa réaction ne fut pas tout à fait celle escomptée…

Au lieu des remerciements, ce sont les insultes qui fusent. Le début d’un enfer, selon la version de la plaignante. « Vous aurez alors régulièrement des crises de colère, lui direz souvent de fermer sa gueule et commettrez des dégradations en donnant des coups de pied dans tout ce qui vous tombe sous la main », décrira la présidente du tribunal, durant sa lecture du dossier. Un comportement de rejet agrémenté d’un florilège de « nique ta mère la pute », « va te faire baiser », accompagné « d’humiliations qui touchent à l’intimité du couple ».

« Lui avez-vous déjà mordu le doigt ? », demandera la présidente du tribunal. « Si je lui avais mordu, elle n’aurait plus de doigt », lui rétorquera le prévenu, à la virilité exacerbée. « Est-ce qu’il y a eu des menaces de mort ? », poursuivra-t-elle. « Bien sûr, il y a eu des menaces. Mais, je l’ai jamais frappée. Moi, je suis un bonhomme, je la tape, je la tue ! Je voulais juste lui parler pour voir mon fils ! ». Séparé depuis plus d’an, le couple se déchire autour de la garde de leur enfant.

Depuis le début d’année, c’est sa mère qui a obtenu du juge aux affaires familiales l’autorité parentale exclusive. Le père n’a le droit qu’à deux visites par mois. Une décision prise par la justice sans même l’en informer. C’est en garde-à-vue, dans le cadre d’une autre affaire qui le conduira en prison, que le père apprendra la nouvelle.

À plusieurs reprises déjà, il s’était rendu à l’auto-école de sa femme pour faire valoir son point de vue sur la question, au grand dam du personnel et de la dentition du frère de la victime. Interrogé sur ces irruptions au travail de son ex-conjointe, le prévenu va alors se lancer dans une logorrhée en forme de cri du cœur. Une prise de parole souvent confuse, au rythme frénétique, durant laquelle cet homme attaché aux valeurs traditionnelles va chercher à jeter en pâture la victime.

« C’est elle qui a un problème ! Elle est venue comme une fleur au parloir, elle voulait qu’on se marie, qu’on parte à Dubaï, à Marrakech. Elle ne pense qu’à voyager. Tous les trois mois, elle se marie puis, elle divorce. Aujourd’hui, elle me retire mon fils. Cela ne va pas se passer comme cela. Je suis une pute ou bien un homme ?! ». L’accusé, qui se décrit d’ordinaire comme taiseux, va là se montrer inarrêtable ; à tel point que la présidente sera contrainte de suspendre l’audience, afin de reprendre le contrôle des débats.

À la reprise, c’est son avocat qui tâchera de décrypter pour le tribunal le discours spontané de l’accusé : « Monsieur avait des choses sur le cœur à vous dire. En substance, il vous explique que tant qu’il donnait de l’argent sale (issu du trafic de drogue) pour payer la formation du frère ou l’auto-école de madame, il était le roi. Mais quand il veut son fils, rien ! ». L’avocat relève ensuite une autre dimension du dossier.

« C’est sans compter aussi sur ces gens qui se mêlent de ce qui ne les regardent pas !, lance-t-il à l’auditoire, avec derrière lui le prévenu qui opine du chef. L’imam est intervenu (concernant la garde de l’enfant). Mais, de quoi se mêle l’imam ! Ce n’est pas dans les mosquées qu’on rend la justice. La seule autorité, c’est le juge aux affaires familiales ».

Le prévenu sera, comme son avocat l’avait réclamé, relaxé des faits insuffisamment étayés le harcèlement. Il sera en revanche condamné pour les autres chefs d’inculpation, à 18 mois de réclusion, dont neuf avec sursis et une interdiction de rentrer en contact avec la victime.

CREDI PHOTO: LA GAZETTE DE LA DEFENSE