À la vue de son client, conduit sous bonne garde dans le box des accusés du tribunal de Nanterre, le 23 août dernier, l’avocat marque un imperceptible temps d’arrêt, puis s’empresse de partager avec lui la constatation qu’il vient de faire à son sujet. Tout courbé, il réussit par dessous la vitre de protection du box à lui faire part de son inquiétude. Le trentenaire, de taille moyenne, aurait maigri pendant son incarcération.

La faible puissance physique que dégage alors le prévenu pourrait faire illusion. Or, elle n’est en rien significative d’un homme dénué de toute fureur ou d’accès de violences aigus. Comparaissant pour des faits d’agression à l’encontre de sa femme, l’homme à la barbe mi-longue, couvant sous son masque, était même jugé pour avoir secoué son bébé de 9 mois, en bringuebalant sa poussette en pleine rue, sous les yeux de plusieurs témoins.

Les faits, qui se sont déroulés à Villeneuve-la-Garenne, le 28 juin dernier, font suite à une série de menaces et d’attaques qu’auraient subi la mère célibataire, et ce depuis son mariage avec l’accusé en Algérie il y a trois années de cela. Au total, trois plaintes auront été déposées en France par la victime, siégeant au procès face à son agresseur.

Cette femme plutôt forte et au visage doux, les mains tremblotantes enserrant une petite bouteille d’eau, finira par être appelée à la barre pour corroborer et développer ses dires, résumés dans les PV d’audition lus à l’audience. Coups de poing, agression avec un couteau de cuisine… Elle aurait, à l’en croire, fait l’objet de violences habituelles depuis leur rencontre. Malgré ces mauvais traitements, elle ne rompra pas le lien avec l’accusé jusqu’au 28 juin dernier.

Ce jour-là, elle accepte de lui présenter pour la première fois sa petite fille ; lui qui ne l’avait vue qu’en photos, sur WhatsApp. Un enfant, avec lequel il va jouer quelques minutes, jusqu’à ce qu’un épineux sujet refasse surface. « Tu retires ta plainte et on retourne ensemble », aurait ainsi ordonné l’homme alcoolisé à sa femme, qui habite loin de Marseille, où évolue principalement ce sans-papier.

Refusant d’obéir, la victime déclenchera la colère du père de la fillette, qui accusera l’enfant d’être responsable de leur séparation. Puis, il insultera copieusement sa mère, avant de lui donner un coup de tête et de lui tirer les cheveux ; le tout sous l’œil attentif d’une caméra de vidéo-surveillance de la Ville. « Si elle ne vient pas avec sa fille aujourd’hui, je vais l’égorger », aurait même lancé l’homme agité à un automobiliste, témoin de la scène.

Tentant ensuite de s’emparer de la poussette, il n’hésitera pas à malmener le bébé confiné à l’intérieur avant de s’enfuir, poursuivi par des badauds. Il avouera au cours de ses auditions donner parfois des claques à sa femme, parce qu’elle aurait « une mauvais vie », parce qu’elle serait orpheline et qu’il « fallait la rectifier ». Il l’aurait en outre menacée par messages de « lui couper la langue et de la tuer ».

« Monsieur a un sentiment de toute puissance et pense qu’il a droit de vie et de mort sur madame », s’offusquera l’avocate de la victime, avant de lister les pathologies psychologiques qu’à développé sa cliente depuis et pour lesquelles elle réclamera 6 000 euros d’indemnités. Tout au long de l’audience, la défense du prévenu, décrit par l’expertise psychiatrique comme orgueilleux, jaloux et niant la nocivité de ces actes, brillera par son caractère erratique. Souvent, il plaidera la perte de mémoire.

« Je ne me rappelle de rien », « j’étais ivre », « je n’étais pas conscient », rétorquera ainsi l’homme à presque chaque confrontation aux faits soulevés par le procureur ou le président de séance. Le prévenu, qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire, finira tout de même par « demander pardon », se disant « prêt à payer ce qu’il faut », tout en assurant ne « pas avoir su qu’elle était enceinte » lorsqu’il l’eut frappée.

Pour son avocat, seuls les faits du 28 juin, filmés et commis devant témoins, devaient être pris en compte. Pas les violences précédentes, dont la victime a pu faire le récit à l’audience. « On ne peut pas se contenter de ses propos, même détaillés, objectera-t-il. Madame aurait été tapée tout une nuit et le lendemain : pas de certificat médical, pas de plainte ! Est-ce que cela suffit pour condamner quelqu’un dans un tribunal correctionnel ?! ». Il semble que oui. Jugé coupable de l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés, l’homme a été condamné à 12 mois de réclusion, avec maintien en détention.

CRÉDIT PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DÉFENSE