Un jeune homme de 25 ans était dans le box des accusés, mercredi 9 septembre dernier, dans une salle d’audience du Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre. Il a été arrêté le 12 juillet, alors qu’il mangeait dans le hall d’entrée d’un immeuble de Colombes, en pleine nuit. Ce bâtiment, surveillé depuis plusieurs jours par la police, était un point de deal présumé de la rue Youri Gagarine.

Interpellé alors qu’il criait, supposément pour avertir de la venue des forces de l’ordre, il est ensuite placé en garde à vue avec d’autres jeunes hommes sur lesquels du cannabis ou des sommes d’argent en liquide ont été retrouvés. Si le jeune a dans un premier temps admis être guetteur, il niait toute implication en bloc face au tribunal mercredi 9 septembre, malgré de lourdes accusations contre lui.

« Il a juste voulu tout mettre sur mon dos plutôt que de mouiller un mec de sa cité », assure le jeune homme de 25 ans debout dans le box. La présidente vient de lui indiquer qu’un mineur, arrêté en même temps que lui, l’accuse de « tenir le point de vente ». En garde à vue, le prévenu assure au contraire qu’il est un simple guetteur, et seulement depuis deux jours.

À l’audience, il tente pourtant de revenir sur ses précédentes déclarations. « J’ai dû perdre mes moyens pendant ma garde à vue », indique celui qui ajoute qu’il était ivre à ce moment. Cependant, les policiers n’ont pas mesuré son taux d’alcoolémie ce jour-là. « Pourtant, vous vous levez comme un lapin quand les policiers arrivent avant de vous arrêter », ironise la présidente de séance, à la lecture du procès verbale d’interpellation.

Son casier judiciaire, chargé, ne joue pas non plus en sa faveur, constate la magistrate en énumérant les dizaines de délits inscrits. « Vous êtes quand même un habitué », souligne la présidente en constatant qu’il a déjà fait trois séjours en prison pour des affaires de drogue. « C’est une personne qui connaît la détention, justement, répond son avocat. Il a décidé au terme de sa dernière détention (en décembre 2019, Ndlr) de revenir dans le droit chemin ».

En effet, le jeune homme n’a pas refait parler de lui depuis des mois. Jusqu’au confinement, en mars dernier, il enchaînait d’ailleurs les missions d’intérim comme manutentionnaire. « S’il est condamné, il sortira dans un voire deux ans, plaide son avocat. Il pourrait sortir à 28 ou même 29 ans ».

L’avocat s’évertue d’ailleurs à innocenter son client, qui nie catégoriquement les faits tout en assurant n’être qu’un simple guetteur, en poste depuis deux jours seulement. « Cette enquête brille par son vide, par l’absence de preuves matérielles, s’agace-t-il. On ne se base que sur un élément : des déclarations ».

Les dires d’un jeune mineur, arrêté en même temps que le prévenu, prennent en effet une grande place dans la procédure. Pourtant, le prévenu est le seul sur qui les policiers n’ont rien découvert : ni argent, ni drogue. L’analyse de son téléphone s’est aussi révélée infructueuse. Les forces de l’ordre ont aussi effectué une surveillance de deux jours sur les lieux, ils ont même interrogé un acheteur.

« Il reconnaît le mineur mais pas mon client ! » s’exclame l’avocat. Il souligne en plus qu’il n’apparaît « pas une seule fois » sur les PV de surveillance de la police. Dénonçant une enquête « à charge », l’avocat demande la relaxe de son client, estimant qu’aucune preuve matérielle n’est retenue contre lui et que le seul témoignage contre son client vient d’un jeune homme « qui veut se dédouaner de ses responsabilités ».

« Il vient déjà de faire deux mois de détention provisoire, conclu l’avocat. C’est déjà relativement long. » L’homme en robe noire finit sa plaidoirie en implorant le tribunal de ne pas envoyer son client directement en prison. « D’autres solutions sont envisageables : le sursis probatoire ou une peine sans mandat de dépôt », illustre-t-il.

Mais en face de lui, le ministère public est sévère et requiert « 12 à 14 mois de détention et une révocation du sursis », qui pèse sur le prévenu récidiviste. À la suite de la suspension d’audience, le verdict tombe : le jeune homme, dont la mère et la sœur sont dans la salle, est condamné à un an de prison et trois mois de révocation de sursis. La présidente prononce aussi un mandat de dépôt et donc « une incarcération immédiate ».

RAPPEL
Les condamnations en première instance ne sont pas définitives puisque susceptibles d’appel. Jusqu’à leur condamnation définitive, les prévenus sont donc toujours présumés innocents.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE