C’est un curieux balai qui ne resta pas longtemps inaperçu. Le 2 mai dernier, la police est avertie par des habitants d’un quartier d’Asnières-sur-Seine de dizaines d’allers et venues d’individus semble-t-il étrangers à leur immeuble, puisque cherchant compulsivement la combinaison du digicode dans leur téléphone portable avant d’entrer. Des « bruits caractéristiques » auraient aussi été entendus par les voisins d’un appartement de l’édifice, confortant ainsi la piste d’un réseau de prostitution interne à l’immeuble.

Le propriétaire du logement, transformé à son insu en lieu de débauche, sera mis hors de cause durant l’enquête, qui va se concentrer sur deux hommes. Ceux-ci auraient facilité la prostitution de trois jeunes femmes, exerçant leurs activités dans la clandestinité. Tous deux entretenaient des liens amicaux, ponctués de relations sexuelles, avec deux des prostituées.

L’un ayant assuré la sécurité de l’une d’elles durant une passe et l’autre ayant fourni un téléphone portable après avoir servi d’intermédiaire avec le propriétaire de l’appartement, ils seront condamnés par le Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre à de la prison ferme.

Tout commença le 30 avril dernier, lorsqu’un homme conclut la location d’un appartement d’Asnières-sur-Seine, dont le loyer sera payé chaque semaine en liquide. Le soir-même, trois jeunes femmes s’y installent et commencent à y donner leurs bons offices. Le jeune homme, qui ami de l’une des trois prostituées, a accepté de jouer les entremetteurs avec le propriétaire du logement à la place des jeunes femmes, qui auraient soulevé trop de questions. Mais cette stratégie, visant à maximiser les chances de ce réseau naissant à rester sous les radars, échouera rapidement.

Quelques jours plus tard, la police, alertée par des habitants des va-et-vient d’hommes étrangers à la résidence, surveille déjà les lieux et intercepte un client confirmant la présence de personnes faisant commerce de leur corps dans l’immeuble. Grâce aux relevés téléphoniques du propriétaire du logement, le payeur est rapidement identifié. Son numéro de portable renvoie sur internet à des annonces prostitutionnelles en ligne.

Outre ce jeune homme, un de ses amis rencontré en prison portera également assistance à une prostituée, en se dissimulant au moins une fois dans la salle de bain du logement pendant une passe. Il indiquera en garde à vue qu’il n’aurait pas hésité, en cas de violences du client, à intervenir « pour ne pas laisser se faire une injustice ». Comprenez, il assurait alors la sécurité de la jeune femme. Un pistolet d’alarme de 9mm sera d’ailleurs retrouvé dans l’appartement après perquisition. Le jeune homme, au physique baraqué, niera l’avoir utilisé et même un jour vu.

Qu’importe. Les infractions démontrées, commises par les deux compères et assimilables à du proxénétisme, suffiront à les déférer devant le tribunal de Nanterre le 30 juin dernier. « C’est vous qui louiez l’appartement pour les filles ? », demandera le président du tribunal à l’un deux. « Oui, mais pas avec mon argent », rétorquera le prévenu, assurant ainsi ne servir que de médiateur entre les filles et le bailleur.

Les deux complices, au casier assez chargé, se seraient contenter de se rendre dans l’appartement sur leur temps libre – l’un des deux se trouve sous le régime de la semi-liberté – pour fumer, jouer à la console et coucher avec deux des jeunes femmes, également leurs amies. L’un des deux prévenus avouera tout de même à la fin du procès avoir « peut-être aidé une fille » ; l’autre reconnaîtra sa présence dans le logement durant une seule passe, tout en niant avoir joué les gardes du corps.

Son avocat se lancera d’ailleurs dans une plaidoirie sociologisante, se référent au philosophe Marcel Conche, pour avancer une théorie sur les « nouvelles consommations sexuelles ».

« On est loin de la traite d’êtres humains, clamera-t-il. Aujourd’hui, cela fait bien de devenir le petit-ami d’une prostituée », avancera-t-il ensuite, sous le regard décontenancé de son client, avant de réclamer la relaxe.

L’avocat de l’autre prévenu se montrera plus factuel et insistera sur l’absence de preuves attestant que son client aurait touché des subsides. Il réclamera le placement sous bracelet électronique de son client. Le tribunal préférera couper la poire en deux, entre les réquisitions du procureur – deux ans ferme pour chacun des accusés – et les appels à la clémence des avocats de la défense. Le plus impliqué écopera d’un an de prison ferme, son acolyte de 8 mois.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE