C’est ce qu’on appelle dans le jargon juridique une jonction. Deux affaires similaires sont comme fondues l’une et l’autre. Une seule peine est alors prononcée à l’encontre du coupable pour l’ensemble des méfaits accomplis. Bénéficiant de ce qui est généralement considéré comme une mesure favorable à l’accusé, une femme d’une cinquantaine d’années comparaissait le 24 juin dernier à la barre du Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre pour des faits de violences répétées sur deux hommes.

Se déclarant en état de précarité sociale, cette native du Portugal souffre d’importants problèmes avec l’alcool depuis 2009 et le divorce prononcé avec le père de ses deux enfants. « L’expert ne vous a pas décelé de troubles mentaux, ni d’état dépressif ou maniaque, résumait de la prévenue le président du tribunal en début d’audience.
Mais il a noté une personnalité névrotique, faisant preuve d’immaturité et de déficiences affectives ». La prévenue minimiserait également son ­penchant pour la bouteille.

« Est-ce que cela résume bien votre vie ? », lance sans prendre de gants le président de la séance. L’accusé acquiesce, un brin honteuse. « J’ai parfaitement conscience de mon problème d’alcool, tiendra-elle à infirmer. Je viens d’avoir 54 ans, je sais les conséquences que cela peut avoir sur ma santé et mes relations amoureuses ». Opérant ainsi une prise de conscience pendant l’audience, la prévenue change de positionnement par rapport à ses auditions en garde à vue et plaide coupable.

Coupable d’avoir à trois reprises, sur une période s’étendant du 1er mars au 31 octobre 2020, commis des violences sur son ex-colocataire, avec diverses armes dont un taser et une barre de fer. Souvent les versions divergent entre celle de la victime, un homme lui aussi alcoolique et la prévenue, qui logeait alors chez lui par nécessité financière. « Elle m’a mis la tête en sang. Cela fait trois ans qu’elle squatte, c’est plus possible », confessera la victime, en appelant les policiers à l’aide le 1er mars 2020 au soir.

Cette nuit-là, l’accusée aurait tenté de rentrer dans l’appartement de la victime, mais complètement saoule. Son colocataire refusant de lui ouvrir, elle aurait défoncé la porte avant de se battre avec lui et de lui asséner, entre autres, un coup avec la barre de seuil de la porte. La prévenue explique qu’elle aurait forcé l’accès du logement après avoir entendu des bruits ­suspects. Imaginant son colocataire victime d’un malaise, elle aurait abattu la porte et aurait retrouvé l’homme en train de cuver sur le sol.

Une bagarre aurait ensuite ­éclaté au sujet de l’état de la porte ­d’entrée. Cherchant à se défendre, la femme lui donnera un coup de taser, en vain. L’appareil, cadeau de son ex-mari, est défectueux. L’usage de cette arme apparaîtra à la lecture des P.V. à l’audience, comme au cœur de son motus operandi à chaque fait de violences ; « un presque fil conducteur dans les affaires », comme le notera la procureure dans sa plaidoirie.

En tout, deux autres différends sur fond d’alcool se produiront les 10-11 mai et le 31 octobre 2020, dans des circonstances qui impliqueront des violences mutuelles entre ces deux gros buveurs. « Cela montrait bien la toxicité du duo que vous formiez… », réagira le président du tribunal. « J’aurais dû partir bien avant », reconnaîtra l’accusée, qui compte désormais repartir vivre au Portugal. C’est ce qu’avait décidé de faire son ex-mari, après son divorce. Séparée de lui, elle rencontrera un autre homme, un habitant plutôt bourgeois du 17ème arrondissement de Paris, avec qui les choses vont mal finir. Car à de multiples reprises, la ­prévenue lui proférera des injures et lui donnera des coups, jusqu’à une certaine soirée du 11 août 2016. Des faits de violences anciens, qui ont fait l’objet d’une jonction avec les trois affaires précédentes.

« Je t’encule. Je vais te massacrer la gueule, ta fille ne va pas te reconnaître ! ». Ce soir-là, éméchée, l’accusée rentre chez son conjoint et l’accueille par ces mots doux. L’homme, qui aurait lui aussi l’habitude de faire la fermeture des bars, feint d’ignorer les insultes avant de prendre des coups et d’être menacé du fameux taser. Il finira chassé de chez lui, contraint d’appeler la police en peignoir dans la rue.

L’homme sera la seule partie civile présente à l’audience et sollicitera 5 000 euros de dommages et intérêts. Le tribunal ira dans son sens et assortira l’indemnisation de la victime à une peine de 8 mois avec sursis, la faisant bénéficier du doute dans l’une des affaires de violences contre son ex-colocataire et la relaxant pour celle-ci.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENE