« On est en demies, on est en demies ». « Mais ils sont où, mais ils sont où les Parisiens ?» Nous pourrions relater indéfiniment la joie incommensurable des supporters du Racing 92, chantant de plus en plus fort, dans et aux abords de la Paris La Défense Arena, avant, pendant, et après la rencontre face au Stade Français, qui a pris des tournures de démonstration, au moins durant les 50 premières minutes.

Le Racing 92 s’est brillamment imposé, 38 à 21, et ses supporters se sont bien pressés de le rappeler à grand fracas à tous les habitants du quartier de Nanterre qui auraient oublié par on ne sait quelle excuse non valable, qu’un derby entre les ciel et blanc et les rose et bleu, se jouait vendredi soir pour une place en demi-finale du Top 14.

Car oui, ce match de barrage de championnat, était surtout synonyme du retour du public à la Paris la Défense Arena. 5 000 chanceux tenant fièrement leur sésame – le passe sanitaire – ont pu assister à la démonstration de force des hommes de Laurent Travers. 5 000 et pas un de plus, loin de la folie de l’autre derby du week-end sur la côte basque. Mais, 5 000 privilégiés provenant à grande majorité des groupes de supporters, qui ont, le temps d’un avant match festif, de 80 minutes marquées par les cinq essais du Racing et les presque 40 points infligés au Stade Français, et les quelques instants d’après-match, pu goûter à nouveau à la fête magnifique que provoque le sport.

« Nous sommes tellement heureux d’être ici, glissait une famille supportrice du Racing 92 dans un bar proche du stade, une heure et demie avant le choc. On ne pouvait pas rêver mieux. La fête est belle, mais on n’oublie pas non plus l’enjeu du match ».

L’enjeu justement, impossible de s’en détacher à l’approche d’un tel rendez-vous. Le Stade ­Français, outsider aux dents longues et ­aiguisées, se présentait face à son ennemi de toujours avec la volonté de ­gâcher la fête d’une famille, enfin réunie. L’ébauche n’aura duré que cinq minutes, avant que le très attendu Gaël Fickou ne gagne son duel face à son ancien coéquipier Jonathan Danty, et ne s’écroule sous les poteaux, pour le premier essai du Racing 92 (7-0).

Le speaker de la Paris La Défense Arena n’avait pas encore terminé de chauffer sa voix, que l’ailier Teddy Thomas aplatissait, déjà, le ­deuxième essai sur un mouvement offensif encore une fois merveilleux, et une dernière passe parfaite de Gaël Fickou, encore lui. 14 à 0 en seulement 11 minutes de jeu. Le match prenait une tournure qu’aucun supporter, spécialiste, journaliste, n’aurait pu prévoir.

Il permettait surtout de rappeler qu’un match disputé devant du public change forcément la donne. Il suffisait de voir l’impact des contacts, des montées défensives du Racing, du ballon qui semblait s’échapper des mains parisiennes à chaque offensive, pour comprendre l’avantage psychologique qu’entraîne un match à domicile pour l’équipe qui reçoit.

« On avait surtout à cœur de faire une bonne entame, expliquait l’entraîneur Laurent Travers en conférence de presse. Il fallait enchaîner les temps de jeu, et avoir de l’efficacité sur les libérations et les zones de ruck ».

En inscrivant un troisième puis un 4ème essai avant la mi-temps (28-0), les joueurs franciliens mettaient fin à un suspense jamais entraperçu, au grand désarroi des supporters tout de rose vêtus, qui malgré une déficience de nombre, n’ont pas à rougir de leur prestation dans les tribunes.

Sonné, humilié, le Stade Français passait alors les 15 minutes de la mi-temps à se dire quelques vérités, loin de l’agitation des tribunes. Le manager général du club Thomas Lombard, descendait des travées de l’Arena pour pousser un « coup de gueule » et tenter d’éveiller un soupçon de fierté dans les rangs d’une équipe mortifiée. Son discours, similaire à celui de l’entraîneur Gonzalo Quesada, était logiquement entendu. Difficile de faire pire, diront les mauvaises langues. Il n’empêche, les Stadistes sauvaient l’honneur par trois fois en seconde période, pour atténuer un score qui a flirté avec le 40-0
(35-0 à la 48ème).

L’essentiel était ailleurs, et rien n’aurait pu venir gâcher les ­retrouvailles entre le Racing et son public. Les sourires, les rires, et les accolades au coup de sifflet final, le tour d’honneur devant les supporters conquis, ont fait oublier d’un coup de baguette magique le quotidien de chacun d’entre nous depuis plus d’un an. Il fallait être sacrément pisse-froid pour ne pas esquisser un léger sourire devant la communion de joie de Teddy Thomas et consorts, qualifiés pour la demi-finale à Lille, vendredi soir.

Cette demie justement, elle aura fière allure. Car La Rochelle, qui a terminé deuxième de la saison régulière, possède l’un des paquets d’avants les plus rudes de l’hexagone. « Il reste un match avant de jouer la finale au Stade de France, face à une équipe qui est l’une des plus performantes avec ses avants » se projetait le Racingman Boris Palu.

Certains détails laissent à penser que les Franciliens seront prêts pour cette rencontre étoilée. La ligne de trois-quarts est capable de marquer sur chaque ballon joué, les « gros » se montrent enfin à leur réel niveau, faisant dire à Laurent Travers : « Ils (les avants) décident du vainqueur du match, les trois-quarts du score ». Surtout, la baisse de régime en seconde période face au Stade Français est une piqûre de rappel bien utile à l’aube d’affronter un Stade Rochelais conquérant.

Mais avant de se projeter, avant d’imaginer une potentielle finale face au Stade Toulousain ou l’Union Bordeaux-Bègles, avant de songer à un nouveau Bouclier de Brennus, le premier titre depuis la victoire à Barcelone en 2016, les mots de Maxime Machenaud, fidèle parmi les fidèles de cette équipe, résonnent encore dans la salle de conférence de presse de l’Arena. Ils apparaissent surtout très vrais, à un détail près : ça fait du bien à quiconque aimant ce sport, Maxime.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE