Un mois s’est écoulé depuis la première audience, renvoyée au 2 juin dernier, mais le prévenu est resté le même. Niant la gravité de ses actes, répondant épisodiquement aux questions des juges quand il ne plonge pas dans un profond mutisme, cet homme d’une quarantaine d’années comparaissait devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre pour s’être emparé d’un jeune garçon, dans un parc du Plessis-Robinson, le 1er mai dernier.

Il est environ 15 h 30 au niveau de l’aire de jeu du parc. En ce jour ­férié, une mère y a emmené ses trois enfants s’y amuser. Alors qu’elle s’éloigne de sa progéniture pour aller acheter un goûter, elle perd de vue son plus jeune fils, âgé de deux ans. Ni une, ni deux, elle se lance à sa recherche, ­accompagnée de son plus grand garçon. Celui-ci repère son petit frère à une centaine de mètres, dans les bras d’un inconnu en doudoune beige.

Les hurlements du cadet alertent le ravisseur, qui repose l’enfant et s’enfuit. Il sera arrêté peu après et déféré en comparution immédiate dans la foulée. Une audience qui sera finalement repoussée, afin de mener une enquête psychiatrique plus complète du suspect. Car, ses motivations restaient à éclaircir, bien que la piste d’un enlèvement à caractère pédophile résonnait dans toutes les têtes à l’audience. La seconde expertise, entre temps réalisée, corroborera cette hypothèse et permettra au tribunal d’entrer en voie de condamnation.

Si l’homme a reconnu avoir enlevé le jeune bambin, il a en revanche nié avoir agi en prédateur. « En garde-à-vue, vous allez timidement reconnaître que aviez bien cet enfant dans les bras, détaillera la présidente du tribunal au début de l’audience, avant d’ajouter, soucieuse : Et qu’il n’était pas le seul ! Vous auriez soustrait un autre enfant cet après-midi là… ».

Un autre méfait pour lequel le prévenu, également père d’un garçon de 12 ans, n’était pas poursuivi. « Pourquoi ce petit garçon, un enfant si petit… ? », interrogera la présidente. « Je ne sais pas répondre à cette question », lui rétorquera le prévenu, avec une voix d’adolescent un brin honteux. « Comme à beaucoup d’autres questions qu’on a pu vous poser », se désolera la magistrate.

Ancien agent des espaces verts, l’homme serait innocemment aller faire un tour de trottinette dans le parc. Il ne s’écartera pas de cette version, bien qu’un témoin l’aurait aperçu caché dans des buissons, en train d’observer les enfants de l’aire de jeu. L’un d’entre eux, le plus jeune des trois, a par malchance une faiblesse pour la nourriture et serait capable de suivre n’importe qui pour une gourmandise, aux dires de sa mère, présente à l’audience.

L’homme niera avoir amadoué le petit garçon avec des sucreries. D’après lui, un simple « Petit, viens petit », lui aurait suffi pour aborder l’enfant. « Je l’ai pris calmement. Je voulais me balader avec ce petit garçon et lui faire faire un tour en trottinette », tentera de se justifier l’homme, qui parcourra une centaine de mètres avec lui. Le prévenu sera stoppé en haut d’un escalier, menant vers une sortie temporairement fermée, mais aussi vers une zone boisée.

« Cet enfant, vous l’avez caressé, touché ? », questionnera la présidente, sans tourner autour du pot. « Non, et je ne suis pas allé dans la forêt avec le petit garçon », se dédouanera l’homme, jetant une fois de plus un malaise dans la salle. « Il y a des choses qui ne vont sûrement pas dans ma tête », finira-t-il par reconnaître, sans surprendre personne. Car sous ses allures timorées, ce quarantenaire aurait une personnalité bien inquiétante.

Dans un procès-verbal lu en ­première audience, sa femme, une cuisinière sous curatelle renforcée, détaillait ses traits de caractère peu enviables. L’homme aurait fortement changé à la naissance de son garçon, non-souhaité. Il ferait de multiples cachoteries, passerait des heures sur des jeux de guerre, se coucherait tard et ne travaillerait pas.

« J’ai parfois l’impression qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il dit et fait », ajoutera-t-elle dans sa déposition. Un portrait peu flatteur, aggravé par les expertises psychiatriques pratiquées sur le prévenu. Il y est décrit comme un être dénué d’affect, orgueilleux, impulsif, dominant et niant la nocivité de ses actes. Né en Roumanie et adopté par un couple de Français, son enfance aurait eu un impact important sur sa personnalité.

Mû par un désir de perversion, toujours aux dires des experts, manipulateur et narcissique, il présenterait un risque avéré de récidive. Le sujet, qui aurait avoué une préférence sexuelle pour les jeunes garçons non-pubères, serait partiellement curable et accessible à une sanction pénale.

Le tribunal optera d’ailleurs pour cette solution, en le condamnant à deux ans de prison dont un avec sursis, une obligation de soin et une interdiction de travailler avec des mineurs.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE