Une salle de restaurant déserte, des couloirs vides… Lundi 31 mai, au détour d’une visite au Nest Paris La Défense, on ne peut que constater l’activité poussive de l’hôtel de luxe. Après un bon mois de mai, aux dires de la direction, celui de juin s’annonce s’avère en deçà des espérances. La clientèle d’affaires continue de bouder les hôtels du secteur, malgré l’émergence d’offres de réservations flexibles, annulables sans frais peu avant l’arrivée du client. En attendant une reprise de l’activité, les hôtels proposent de nouveaux services aux usagers du quartier d’affaires.

« Ces derniers mois, nous avons enregistré de beaux succès les week-ends, avec des réservations de Parisiens et de locaux à la recherche d’un 5 étoiles à un prix intéressant, se réjouit Marion Jourdan, chargée de communication au sein de l’hôtel, entièrement rénové avant le confinement (voir notre édition du mercredi 28 octobre 2020). Maintenant, je crois que les gens ont envie de bouger un peu plus loin, à la mer, à la montagne ou à la campagne… ». L’hôtellerie table sur un retour progressif à la normale à partir de septembre prochain.

2018 et 2019 furent de bonnes années pour le secteur, qui n’espère pas retrouver son niveau d’avant crise avant 2023-2024. « Les différentes études menées sur le sujet partent du principe que les JO 2024 propulseront à nouveau une belle dynamique », indique Marion Jourdan. Seules des épreuves de natation se dérouleront dans le quartier d’affaires, à la Paris La Défense Arena (voir notre édition du 7 octobre 2020, Ndrl). Mais les hôteliers comptent sur un report des spectateurs de Paris sur
la Défense.

« Cela a toujours fonctionné comme cela : si Paris est plein, il y a forcément un débord qui se fait sur la Défense », nous confirme Marion Jourdan. À l’hôtel Pullman, on espère ­davantage de la Coupe du monde de rugby, qui doit avoir lieu en France en 2023. En attendant un nouveau souffle, les directions d’hôtels ont misé sur une diversification et une adaptation de leur offre à la clientèle qui se présentait.

Ainsi est apparu le concept de bureau privé, soit une chambre d’hôtel convertie en espace de travail, avec un bureau en lieu et place du lit. « Cela a commencé doucement, car ce n’est pas encore dans la culture en France, mais cela devrait changer, parie Marion Jourdan. Au mois de septembre, quand les entreprises se réorganiseront, elles auront besoin de nos bureaux privés ».

La direction du Pullman, plus prudente, a attendu avant de se lancer dans la transformation de quelques unes de ses 390 chambres. « Nous avons une offre de bureaux ponctuels, pour une journée ou une demi-journée, nous détaille Juliette Peron, directrice de l’hôtel. Pour les sociétés en recherche de bureaux pour le plus long terme, nous allons transformer 3 à 4 chambres d’ici la rentrée ». Une offre de niche donc, pour télétravailleur en mal d’espace, mais qui semble s’inscrire dans un mouvement d’ensemble de mutation de l’hôtellerie traditionnelle en appart’hôtel. « On est en train de transformer des espaces en salles de réunion hybrides et adaptables, signale Juliette Peron. On va aussi installer des kitchenettes dans certaines suites, pour être capable de répondre à cette clientèle de plus longue durée, qui aura besoin d’un espace remplissant toutes ses attentes ».

Une tendance qui n’étonne pas Cédric Abes, directeur des exploitations chez Adagio. « Le modèle de l’appart’hôtel est beaucoup plus résilient que l’hôtellerie traditionnelle. On s’est aperçu, avec nos indicateurs de performances, qu’il constitue un vrai levier de confiance pour les clients, avec la possibilité de faire sa cuisine en toute sécurité sanitaire. Et puis, c’est une offre ­intéressante pour les entreprises, puisqu’à priori, il n’y a pas de frais de bouche pour le salarié ».

Le budget des Villes affecté par la chute des clients

Outre des revenus fonciers, les municipalités engrangent grâce aux hôtels des sommes non négligeables, en encaissant les recettes de la taxe de séjour. Une rentrée fiscale, sévèrement amputée pour les Villes du secteur Défense, avec la chute du nombre de clients. « Il y a 850 chambres d’hôtel à Nanterre, indique le maire Patrick Jarry. Forcément, il va y avoir de la taxe de séjour en moins. Une ressource, qui sert d’ordinaire à financer des activités culturelles et de loisirs ».

Une baisse de recettes impossible à compenser pour Nanterre. Pour sa voisine, Courbevoie, la facture est tout aussi salée. « La taxe de séjour génère en moyenne, après reversements faits à la Région et au Département, 2 millions d’euros environ, précise Patrick Gimonet, adjoint au maire en charge des Finances. En 2020, on a ramené la recette à 600 000 euros ».

Priorité est donc donnée à la redynamisation du quartier. « La Ville a mis en place une délégation tourisme, qui va porter de nombreux projets, notamment sur les bords de Seine. J’espère qu’en 2022, les hôteliers pourront par exemple proposer à leurs clients des accès à Paris en bateaux, depuis le port de Courbevoie ».

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE