« Quelle n’a pas été ma surprise, en voyant votre nom accroché au tableau, ce matin », lance un brin dépitée la présidente du tribunal au prévenu, à peine introduit dans le box des ­accusés. L’homme, d’une ­cinquantaine d’années, blouson de cuir marron et cheveux tirés en arrière, baisse les yeux, de honte. Le 16 avril dernier, il comparaissait dans le même box face à la même juge pour des faits d’exhibition sexuelle.

Lui accordant la clémence et ne pensant pas le revoir de si tôt, la ­présidente du tribunal l’avait seulement condamné à un suivi socio-judiciaire, comprenant une obligation de soins psychiatriques. Une sentence, qui ne l’a pas empêché de récidiver, dans un parc d’Issy-les-Moulineaux, le 18 mai dernier.

« Mais qu’est-ce qu’on va faire de vous ? », s’agace la présidente. « J’ai rendez-vous demain avec mon juge d’application des peines, parce que mon suivi n’a pas encore commencé », se défend le prévenu, qui malgré ses multiples condamnations, n’a jamais consulté de psychiatre.

L’homme affirme ne pouvoir se retenir lorsque l’envie lui vient de se donner du plaisir en public. « Si vous avez envie de vous masturber, vous le faites chez vous », lui assène la ­présidente, irritée de devoir lui rappeler pareille évidence. « J’ai résisté longtemps », lui répondra-t-il, d’une voix timide.

Le 18 mai dernier, après être sorti du travail, cet agent d’entretien de l’hôpital Percy se rend dans un parc et commence à se toucher les ­parties intimes. Repéré par un habitant de la ville, qui peine à croire ce qu’il voit par sa fenêtre, le prévenu est également filmé par des caméras de ­surveillance.

À la police arrivée sur place peu après, il invoquera une hernie située à l’entrejambe pour justifier de ses mouvements de va-et-vient sous la ceinture. Pris d’impulsions sexuelles régulières, l’homme a été diagnostiqué comme souffrant de paraphilie. Sa femme affirmera dans sa déposition que son mari a une sexualité tout à fait normale.

« Vous étiez en érection ? », lui demandera sans passer par quatre chemins la présidente, afin d’éclaircir la ­réalité des faits. « Non, non », assurera le prévenu. Une nuance sans réelle incidence juridique, car comme le rappellera la procureure dans sa plaidoirie, une nouvelle loi promulguée en début d’année atteste que le simple fait de mimer un acte sexuel est répréhensible.

En plus de la récidive, le casier judiciaire du prévenu ne plaide pas en sa faveur. Incarcéré en 1997 pour corruption de mineur, il écopera de 3 ans de prison ferme en 2005 pour agression sexuelle sur mineur de 15 ans.

« Monsieur souffre en effet d’une pathologie, mais il est toujours accessible à la responsabilité pénale », jugera la procureure, qui notera que le ­prévenu sait parfaitement se retenir durant ses heures de travail. Une vision contestée par son avocat : « S’il souffre d’une pathologie, c’est que son ­libre-arbitre est partiellement altéré, vis-à-vis de son comportement déviant ». Son conseil plaidera donc pour un simple suivi psychologique de son client.

Son client sera lui, curieusement, sur la position du ministère public, qui a requis six mois de prison sans mandat de dépôt en guise d’épée de Damoclès au-dessus de sa tête. « Je vais vraiment faire pour le mieux, mais parfois, je n’arrive pas à ­m’arrêter», plaide le prévenu, invoquant ses maltraitances enfant pour expliquer son comportement inapproprié. Implacable et ayant retenu la leçon, le tribunal le condamnera, dans un certain émoi de la salle, à douze mois de prison avec mandat de dépôt.

CRÉDIT PHOTO : LA GAZETTE DE LA DÉFENSE