La Mairie de Puteaux poursuivait Christophe Grébert en diffamation, mardi 6 octobre dernier, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre. L’ancien conseiller municipal d’opposition a écopé de deux amendes avec sursis, pour avoir assuré sur Twitter que la Mairie faisait preuve de « racisme » et de « ségrégation territoriale » en ne laissant pas entrer les non-putéoliens dans la piscine municipale, lors des fortes chaleurs.

C’est à l’issue d’une longue audience et de plusieurs heures de délibérations que Christophe Grébert, aussi à la tête d’un blog intitulé Mon Puteaux, a finalement appris le verdict. Face au tribunal, il s’est défendu seul, et non sans émotion, des faits qui lui étaient reprochés et est revenu sur son engagement passé au conseil municipal.

« Je suis un citoyen engagé qui s’est retrouvé assommé par les procédures. Et ça, depuis 15 ans », souffle Christophe Grébert à la barre. Aujourd’hui, citoyen comme les autres, il a cependant été conseiller municipal d’opposition à Puteaux de 2008 jusqu’aux dernières élections en mars, où il a renoncé à se présenter. C’est d’ailleurs à ce titre de conseiller municipal, qu’il témoignait au micro de BFMTV en août 2018, lors d’un reportage d’information sur la piscine municipale, située sur l’île de Puteaux.

Et, c’est un tweet, publié le même jour, qui lui valait mardi 6 octobre d’être jugé pour diffamation. « Reportage ce matin de BFMTV sur la piscine de Puteaux, interdite aux non-habitants. Un sujet moins fun qu’il n’y paraît : la ville de Puteaux pratique de la ségrégation territoriale avec un discours « Puteaux pour les Putéoliens ». Antirépublicain et raciste », écrivait-il.

Les termes employés, « très forts pour évoquer la gestion d’une piscine municipale », selon la présidente de séance, lui valent très rapidement une nouvelle plainte pour diffamation de la part de la Mairie de Puteaux. À la barre, l’ancien conseiller municipal doit donc s’en justifier et prouver qu’il n’était pas diffamant.

Il assume ses propos et s’explique en précisant qu’à Puteaux, et ce depuis 2017, un arrêté réserve l’accès à la piscine municipale aux Putéoliens lors des fortes chaleurs. Une mesure de sécurité pour la Mairie, « le palais des sports (où se trouve la piscine, Ndlr) ayant été pris d’assaut, il y a eu des dégradations », souligne l’avocate de la municipalité.

« En fait, l’accès est limité à des fins clientélistes », martèle Christophe Grébert qui assure que la chaleur est ici « un faux argument ». Toujours à la barre, il explique aussi avoir demandé à la Mairie des preuves de ces problèmes de sécurité : « Elle n’a jamais pu les produire ». L’ancien conseiller municipal tente ensuite de prouver en quoi l’arrêté pris pouvait être qualifié de « raciste ».

Mais, dans son dossier, il ne trouve qu’un commentaire Google publié sur la page de la piscine qui indique : « Il ne faut pas avoir le teint basané ». Des dizaines d’autres commentaires s’indignent par contre de l’interdiction d’accès aux non-putéoliens. S’il peine à expliquer l’accusation de racisme au tribunal, Christophe Grébert doit aussi prouver celle de « ségrégation territoriale ».

« Cela rappelle des jours très noirs de notre histoire », souligne la présidente de séance, dubitative. « Je l’ai vécu à titre personnel », répond Christophe Grébert, la voix se brisant quelque peu. « Là, on dépasse largement les limites de la liberté d’expression », lâche de son côte l’avocate de la Mairie.

« Le tweet en lui-même est extrêmement succin et on pense que l’accès est interdit à de nombreuses catégories de personnes, poursuit-elle. On ne peut pas laisser penser qu’un tel arrêté ait été pris. » Avant de laisser la parole au ministère public, elle s’attarde aussi sur les accusations d’acharnement judiciaire portées par Christophe Grébert envers la maire, Joelle Ceccaldi-Raynaud (LR).

« Ce n’est pas madame Ceccaldi-Raynaud qui instrumentalise tout le monde et la justice », ironise-t-elle en rappelant les différentes plaintes déposées contre Christophe Grébert tout au long de ces dernières années. « Tout le monde n’a pas un service juridique sur le dos », rétorque-t-il, alors que, très ému, il explique avoir passé 15 ans de sa vie à dénoncer « le clientélisme » à Puteaux. Il évoque aussi des agressions ou intimidations qu’il aurait subies. « J’ai résisté à ça pendant des années. Je ne le referai plus si c’était à refaire », assure-t-il, visiblement fatigué de se battre.

« On peut dénoncer des choses, mais de manière prudente et modérée », estime de son côté le procureur qui ajoute cependant qu’il ne pense pas que l’ancien conseiller municipal soit mu par une quelconque animosité envers le maire de la ville. Mais pourtant, le ministère public reste très circonspect face au tweet de Christophe Grébert. « En écrivant cela, il laisse entendre que la ville aurait des pratiques pénalement répréhensibles, commence-t-il. Tous les internautes sont susceptibles de tomber dessus et c’est ce qu’un utilisateur moyen de Twitter pourrait penser. »

Finalement, le ministère public requiert 1 000 euros d’amende contre le prévenu à qui il reproche son manque de prudence. « Pour cette unique raison, je vous demanderais de rentrer en voie de condamnation », réclame-t-il au tribunal. « Je sais qu’il y a du racisme, martèle de son côté Christophe Grébert toujours très ému. C’est dur à prouver. J’aimerais que des gens soient là pour témoigner. »

« C’est 15 ans de ma vie », explique celui qui précise d’ailleurs n’avoir jamais été condamné pour diffamation jusque-là. Des multiples procès contre le maire, ses proches ou bien la Mairie, il explique avoir dû débourser des milliers d’euros, « un an de salaire ». Assumant encore une fois ses propos, il lâche : « Je regretterai d’être condamné pour ça ».

Finalement, cet « ultime procès », comme il l’appelait lui même sur son blog, s’est achevé par une condamnation à 1 000 et 500 euros avec sursis pour son manque de prudence et l’utilisation du terme « ségrégation territoriale ». C’est la maire Joelle Ceccaldi-Raynaud, qui n’était pas présente à l’audience, qui s’est réjouit de cette issue. Christophe Grébert, lui, a évoqué une possibilité d’appel avant de supprimer son tweet. Peut-être que cette fois, la page est définitivement tournée.

RAPPEL
Les condamnations en première instance ne sont pas définitives puisque susceptibles d’appel. Jusqu’à leur condamnation définitive, les prévenus sont donc toujours présumés innocents.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE