Après quelques minutes à héler les passants, Moussa parvient à dénicher un bon samaritain acceptant de le prendre en photo, lui et les trois membres de sa famille, devant les lettres géantes du CNIT. Un cliché, qui pourrait constituer une preuve de délit, puisqu’aucun d’entre eux ne porte de masque. Or, depuis lundi 10 août, 8 h, un arrêté de la préfecture des Hauts-de-Seine le rend obligatoire pour les plus de 11 ans sur le Parvis et l’Esplanade de la Défense. L’amende en cas d’infraction est fixée à 135 euros. Les autorités justifient cette décision par la recrudescence du virus dans le département. De ce fait, certaines rues passantes de Nanterre et de Puteaux se sont aussi vues soumises à cette exigence.

Mais entre mépris, oubli ou ignorance de la législation, un certain nombre de salariés des tours, de clients des centres commerciaux et de touristes circulent sans se plier aux gestes barrières. Malgré la possibilité dans des zones parfois désertées d’observer une bonne distanciation sociale, les écrans d’informations disséminés sur l’Esplanade rappellent bien la nouvelle réglementation.

« On sait que c’est obligatoire, mais le masque me fait mal aux oreilles, se défend Moussa, qui visite la Défense avec sa famille, arrivée d’Afghanistan il y a un an. J’en ai un dans la poche et je le mettrai que si je vois des policiers ». Plus sage, sa sœur finit par enfiler le sien, en tissu rouge, après la séance photo.

D’autres se montrent plus responsables, même lorsqu’ils se pensent libres de ne pas s’afficher avec. « Je viens seulement de voir l’avertissement sur les panneaux, nous confirme Salma, qui pointait du doigt l’affichage à sa mère quelques instants plus tôt. Mais, je le portais déjà pour me protéger et protéger les autres, parce que s’ils disent de le mettre, il doit y avoir une raison ».

Sur l’ensemble de la dalle, les panneaux publicitaires JC Decaux sont effectivement utilisés depuis plusieurs jours par Paris La Défense, l’établissement public gestionnaire et aménageur du quartier d’affaires, pour rappeler cette nouvelle règle. Le message est simple, diffusé en français et en anglais : « le port du masque est obligatoire sur l’Esplanade et sur le Parvis ». De plus, Paris la Défense en profite pour rappeler l’importance de jeter ces masques à la poubelle et non sur la dalle en indiquant, « Ne soyez pas super vilains, jetez vos masques de super héros à la poubelle ».

Une bonne raison de ne pas porter de masques malgré cette obligation, Pascal estime en avoir une. « J’ai une maladie au niveau des sinus qui fait que je suis en quelques sortes allergique au CO2. Dès que je le mets, je me sens mal », argue-t-il. Lui se dit favorable à une discrimination des mesures selon la sensibilité des individus au virus. « Je ne suis pas un spécialiste, mais on est plus ou moins à risque selon notre sang, le fait d’être fumeur ou non… Pour moi, penser que tout le monde est égal par rapport à cela, ce n’est pas vrai ».

Ce salarié de la Tour CBX compte prochainement se rendre chez le médecin afin d’obtenir un certificat dérogatoire à présenter aux forces de l’ordre en cas de besoin. Un sésame qu’il a peu de chances d’obtenir, car s’il existe bien une dispense, elle ne concerne que des cas de figures très rares (greffe du visage, trachéotomie) comme le précise le décret du 20 juillet 2020 ayant rendu obligatoire le port du masque dans les lieux clos. En attendant, s’il ne respecte pas l’obligation sur la dalle, il en est autrement quand il s’agit des transports en commun. En dépit de son problème médical, Pascal fait l’effort de mettre son masque dès l’entrée du métro.

De son côté, la préfecture assure dans un communiqué que des contrôles sont effectués « dans tout le département […] par la police nationale, en coopération avec les polices municipales, afin de s’assurer du respect des mesures prises ».
Des restaurants sur les terrasses des jardins de l’Arche ont d’ailleurs fait l’objet d’inspections, comme l’atteste un tweet de la préfecture en date du 20 août dernier.

« La circulation du Covid-19 en Île-de-France avait fortement ralenti après la sortie de confinement mais, depuis la mi-juillet, tous les indicateurs montrent que le virus circule à nouveau plus activement dans la région », soulignent les autorités pour justifier de la nécessité du port du masque. Le bulletin de Santé Publique France du 20 août dernier faisait état d’une augmentation du taux de positivité de 4,4 % en Île-de-France, avec « un nombre important de clusters rapportés en milieu professionnel ». L’incidence du coronavirus est même plus forte dans les départements de la petite couronne, dont celui des Hauts-de-Seine, qu’ailleurs dans la région.

C’est pourquoi les villes de Puteaux et Nanterre ont pris des dispositions pour élargir la contrainte du port du masque au-delà du Parvis et de l’Esplanade. Sont concernés la rue Jean Jaurès (du n°99 et le n°123) et le boulevard Richard Wallace à Puteaux ainsi que la rue Henri Barbusse (du n°1 au n°36) et la rue Maurice Thorez (du n°1 au n°82) à Nanterre.

Ces dispositions s’ajoutent à sa systématisation décidée par le gouvernement dans toutes les entreprises à partir du 1er septembre. Avec le risque de faire fuir les salariés de la Défense ? En tout cas pas Kevin, employé de la tour Enedis : « Je ne le porte pas à mon bureau car je suis actuellement seul dans mon open space. Mais, ça ne me dérangerait pas de l’avoir en permanence ». Bien que Kevin ait la possibilité de télétravailler à 100 %, il assure qu’il continuera de se déplacer régulièrement jusqu’à son travail, afin d’assister à des réunions en petit comité.