Les clients des enseignes du Cnit, qui continuent de pouvoir faire leurs courses en toute quiétude si ce n’est la disparition d’un niveau de stationnement souterrain, ne se doutent probablement pas de l’ampleur du chantier qui se déroule sous leurs pieds. Les travaux de la future gare destinée à accueillir les voyageurs du RER E, dont la prolongation de Paris à Mantes-la-Jolie (Yvelines) doit entrer en service en 2024 et dès 2022 vers Nanterre, mobilisent pourtant plusieurs centaines de salariés des entreprises bâtisseuses sous contrat avec le groupement Eole, du nom du projet d’extension du RER.

Il a pourtant fallu à Vinci et à SPIE Batignolles, dans le cadre de ce chantier estimé à un demi-milliard d’euros, créer une véritable balafre verticale à l’intérieur des cinq niveaux de parking. Ils ont ensuite séparé du sol 118 des poteaux du parking, sur lesquels reposent la quasi-totalité de la charge du bâtiment à l’exception de sa célèbre coupole en béton armé. Maintenant qu’est bien entamée l’excavation de trois mètres de terre plus tard remplacée par du béton, ils creusent des puits qui deviendront ensuite d’énormes piliers soutenant la dalle réalisée et le Cnit au-dessus.

En 2022, les premiers usagers du RER E découvriront ainsi une « gare cathédrale », sous terre mais néanmoins gigantesque, avec un plafond s’élevant à 23 m au-dessus de leurs têtes, soutenu par 60 piliers de plusieurs mètres de large, le tout à quarante mètres en-dessous du parvis du quartier d’affaires. Ce parallélépipède souterrain mesurera 100 m de long pour 26 m de large, ayant nécessité l’excavation de plus de 160 000 m3 de terre. Les deux géants de la construction chargés du chantier auront, eux, terminé leur mission de gros oeuvre un an plus tôt, à la mi-2021.

En 2022, les premiers usagers du RER E découvriront une « gare cathédrale », au plafond s’élevant à 23 m au-dessus de leurs têtes, soutenu par 60 piliers de plusieurs mètres de large.

« Chaque phase a ses difficultés, mais s’il y en a une à retenir, c’est qu’on intervient dans un site en exploitation, analyse Maxime Guignard, chargée de la communication du groupement Edef (qui rassemble Vinci et SPIE Batignolles, Ndlr), lors d’une visite de cet impressionnant chantier. Le Cnit est ouvert, en activité, une gare fonctionne, et nous, on vient faire nos travaux dans un site en exploitation. »

Les travaux destinés à permettre l’extension à l’Ouest du RER E, débutés en 2016 et prévus jusqu’en 2022 vers Nanterre, puis 2024 vers Mantes-la-Jolie (Yvelines), sont aujourd’hui partout autour de la Défense. Un tunnel est percé vers la future gare de Nanterre, un autre de Courbevoie au Cnit, tandis que le tunnelier au départ de Courbevoie vers Paris est en cours d’assemblage, et que le port de réception des boues de creusement est désormais paré au chantier, en bord de Seine.

Les poussières restent en quantité finalement modérées grâce aux énormes tuyaux d’aération qui s’enfoncent dans les niveaux inférieurs du parking.

Si, autour du Cnit, il est difficile de ne pas constater l’existence du chantier de la gare, au sein du centre commercial d’Unibail-Rodamco-Westfield, seule une banale porte blanche, dominée par un logo du projet Eole, révèle sa présence. Pourtant, le chantier lui-même n’est accessible que par la gare RER existante, cette porte menant seulement à un espace d’exposition de la SNCF, où elle mène journalistes, élus et partenaires du projet, ainsi que parfois du public, pour leur en montrer les détails.

A l’intérieur, l’aménagement est réalisé avec le mobilier et une approximation des matériaux qui seront utilisés pour l’intérieur des futures gares du RER  E, des luminaires aux miroirs en passant par le sol souhaité en bambou. Dans un couloir, sur la traditionnelle plaque bleue des gares SNCF est inscrit « CNIT La Défense »… même si le nom de la future station n’est pas encore arrêté.

« La Gare ne s’appellera pas forcément Cnit la Défense, précise ainsi Armelle Lagrange, directrice des relations institutionnelles et de la communication du projet Eole. Ce sera peut-être La Défense, ou La Défense Grande arche. » On l’appelle la « gare cathédrale », explique-t-elle quelques minutes plus tard devant une minutieuse maquette de la future gare actuellement creusée sous le Cnit, et qui à terme se trouvera à une quarantaine de mètres de profondeur.

Dans des espaces rénovés il y a moins d’une décennie par son propriétaire au sein du Cnit, où l’on accède en montrant patte blanche et par la gare RER actuelle, des amphithéâtres et salles de conférence accueillent aujourd’hui les nombreuses équipes chargées du chantier par le groupement d’entreprises. Actuellement, ils sont près de 500 à travailler à la future gare, mais, au pic de l’activité prévu début 2019, plus de 700 personnes participeront aux travaux souterrains débutés en 2016.

Aujourd’hui, le Cnit ne s’appuie plus sur ses 253 poteaux de fondation, visibles dans les parkings, mais pour 96,2 % des 75 000 t du bâtiment (hors voûte, Ndlr) sur 118 d’entre eux reposant à leur tour sur plus de 1 800 micropieux de béton. Il a fallu couler des corsets en béton et une massive charpente métallique, dont chacun des ensembles, un par poteau, s’appuie sur 16 micropieux. De puissants vérins ont ensuite permis d’enserrer chacun des 118 poteaux, qui portent une charge comprise entre 400 et 1 600 t. Chaque poteau est alors coupé de sa partie inférieure, ensuite retirée.

Maintenant qu’est bien entamée l’excavation de trois mètres de terre plus tard remplacée par du béton, ils creusent des puits qui deviendront d’énormes piliers soutenant la dalle réalisée et le Cnit au-dessus.

Aujourd’hui, alors que la quasi-totalité des poteaux du Cnit dont la charge va être reprise par la gare sont soutenus par cet appareillage d’acier et de béton, les ouvriers et encadrants du groupement d’entreprises s’attachent au « pré-terrassement » de ce qui deviendra ensuite une solide dalle de transfert en béton armé de 3 m d’épaisseur. « Nous coulerons 15 000 m3 de béton sur 7 200 à 7 500 m², qui permettront de poser la charge du bâtiment [du Cnit] », indique la chargée de la communication du groupement Edef.

Le chantier est mené à près de 20 m de profondeur, dans des conditions fort exigües comparativement à la plupart des travaux ferroviaires et de construction de gares. Si le bruit des engins résonne entre les piliers corsetés, les poussières restent en quantité finalement modérées grâce aux énormes tuyaux d’aération qui s’enfoncent dans les niveaux inférieurs du parking.

« On est dans une phase importante, poursuit Maxime Guignard en ce début du mois d’octobre. On a commencé à creuser nos puits, destinés à couler les piliers. » Ces 60 piliers, visibles des futurs usagers de la gare SNCF, mesurent 23 m de hauteur, leur partie supérieure étant à terme coulée au sein des 3 m de béton de la dalle de transfert sur laquelle, de l’autre côté, seront à leur tour enserrés les 118 poteaux coupés du Cnit. Côté fondations, pas de soucis pour les constructeurs : « Le terrain est très favorable, au fond des puits, c’est de la roche calcaire. »

Il a fallu à Vinci et à SPIE Batignolles, dans le cadre de ce chantier estimé à un demi-milliard d’euros, créer une véritable balafre verticale à l’intérieur des cinq niveaux de parking.

Près d’un an de travaux seront encore nécessaires pour pouvoir commencer le creusement de la gare elle-même, une fois coulés les piliers et la dalle de béton. Les gravats sont évacués par un convoyeur qui mène à l’un des quais de chargement situés sous la Défense, dont ils sont extraits par camion. Au-delà du parallélépipède « cathédrale » de la gare, mesurant 100 m de long, il faudra également creuser et excaver sur une hauteur plus faible en amont et en aval, pour accueillir les quais comme les trains de 225 m de long.

Compte tenu de l’ampleur des chantiers liés au projet d’extension du RER E, pour un budget total de près d’un milliard d’euros sous et autour de la Défense, une surveillance rapprochée est en place, aussi bien sous le Cnit qu’autour du bâtiment. Chacun des 118 poteaux coupés a ainsi été équipé d’un capteur spécifique : « Il permet de s’assurer qu’une fois la charge prise [par l’appareillage et les verrins], on puisse couper le poteau. »

L’ensemble du quartier est placé sous contrôle, une surveillance destinée à permettre aux ingénieurs de Vinci et de SPIE Batignolles d’arrêter le chantier en cas de dépassement des valeurs-limite.

Mais c’est bien l’ensemble du quartier qui est sous contrôle, une surveillance destinée à permettre aux ingénieurs de Vinci et de SPIE Batignolles d’arrêter le chantier en cas de dépassement des valeurs-limite. « Tout autour de la Défense, on a des capteurs pour s’assurer de tout mouvement, et tout est relié au système, explique ainsi Maxime Guignard. On a différents seuils d’alerte, même si on ne faisait que s’en rapprocher, on arrêterait le chantier, nos géotechniciens viendraient et donneraient les informations pour reprendre ou non. » A ce jour, cela ne s’est encore jamais produit depuis le lancement des travaux.