La parole était libre jeudi 6 février au soir, dans les locaux de Paris la Défense. L’organisme public gestionnaire du quartier accueillait l’association Entourage. Elle vient en aide aux personnes sans domicile fixe, et ce soir-là, proposait un atelier de sensibilisation au monde de la rue. Dans la salle, une dizaine de personnes, employées du quartier d’affaires ou habitant les environs.

Le but de cet atelier, échanger avec bienveillance et apprendre à aider les personnes dans le besoin. Car oui, et les trois médiateurs d’Entourage l’expliquent dès le début de l’atelier, aider ne peut se faire sans comprendre la vie des personnes sans domicile fixe, ni sans s’être débarrassé de préjugés parfois tenaces.

« Lesquels d’entre-vous ont déjà donné un sandwich à une personne dans la rue ? », demande ainsi Léonie, chargée de l’animation de la communauté Entourage dans les Hauts-de-Seine. Plusieurs mains se lèvent rapidement. « Et combien ont demandé à la personne ce qu’elle voulait avant de lui donner ? », poursuit-elle. Là, toutes les mains se baissent, sauf une.

« C’est très bien de donner, rassure immédiatement la bénévole. Mais, il ne faut pas leur enlever leur humanité. Peut-être a-t-il déjà mangé, ou alors il n’aime pas. Certains ont aussi des intolérances alimentaires, comme nous tous. Ou ils ne mangent pas certaines choses pour des raisons religieuses ».

La discussion s’engage ensuite sur la consommation d’alcool des personnes à la rue. Si un préjugé tenace voudrait que la majorité des sans-abri soient alcooliques, c’est faux, explique Léonie. « 21 % des personnes qui vivent dans la rue sont alcooliques. En France, 19 % de la population a un problème avec l’alcool, c’est donc assez proportionnel. »

Autre préjugé abordé, dans la rue, il y a bien plus d’hommes que de femmes. « Pour des raisons évidentes, elles se cachent, ou elles se camouflent dans des vêtements très larges, assure une des membres d’Entourage présente à l’atelier. En fait, elles représentent 40 % des SDF. » Mais plus que la violence ou le froid, c’est l’isolement qui pèse aux personnes sans domicile fixe.

C’est d’ailleurs pour cela que la grande majorité de ces personnes ont un smartphone. « Ça leur permet de rester en contact avec leurs proches, explique Léonie. Mais aussi, pour beaucoup de démarches, il faut avoir une identité numérique, c’est-à-dire une adresse mail. » Ainsi, 71 % des personnes SDF utilisent un portable selon un sondage. « Beaucoup nous disent que dans la rue, ils le cachent, parce que les gens ne comprennent pas pourquoi ils sont équipés comme ça alors qu’ils sont à la rue ».

« Ils voient des milliers de personnes passer devant eux sans jamais capter un regard », explique-t-on à l’association Entourage. « Un sourire, ça vaut 1 000 sandwichs, explique de son côté Pierrot, un ancien SDF qui témoigne dans une vidéo diffusée pendant l’atelier. Sans les bonjours, je n’aurais pas pu m’en sortir ».

« Briser la glace », avec des personnes croisées tous les jours doit se faire ensuite par étapes, explique Guillaume, modérateur chez Entourage. « N’hésitez pas à leur demander de l’aide quand vous êtes très chargés dans les couloirs du métro par exemple, renchérit Léonie. La situation sera inversée. Aussi et surtout, il faut les vouvoyer, même s’ils vont vous demander rapidement de les tutoyer ».

Une application pour aider les SDF

L’association Entourage a mis en place une application pour pouvoir venir en aide aux personnes sans domicile fixe. Disponible sur l’App store et le Play store, le logiciel est « un Facebook pour s’entraider », explique Guillaume, modérateur pour l’association. Riverains et personnes sans domicile fixe sont mis en relation sur cette plateforme.

Les uns proposent des services, laver des vêtements par exemple, ou des dons, et les autres demandent de l’aide. « Le but est de créer du lien, explique le modérateur de l’association. On organise régulièrement des apéros solidaires ou des petits-déjeuners solidaires. Les événements sont publiés sur l’application ». Dans les Hauts-de-Seine, c’est le Café de la gare à Clichy qui accueille chaque mercredi matin un petit déjeuner solidaire entre riverains et personnes sans domicile fixe du quartier.

ERRATUM: Il était précédemment écrit que 70% des SDF étaient équipés d’un smartphone. Le pourcentage est très légèrement plus élevé puisqu’il culmine en fait à 71%. La Gazette présente ses excuses aux équipes d’Entourage et à ses lecteurs.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE