Que vont devenir les 11 000 m² laissés libres par la construction de la nouvelle halle alimentaire Charras ? C’est la question, pour l’heure restée sans réponse, que se posent les élus d’opposition à Courbevoie. Alors qu’un bâtiment flambant neuf est sorti de terre et devrait être livré à la fin du mois de mai prochain (voir l’encadré), un appel à projets a été lancé par la Mairie pour l’ancienne halle du marché, juste en face.

Les élus d’opposition dénoncent ainsi une manœuvre floue de la mairie, qui lance un appel à projets d’un mois qui a pris fin le 10 janvier dernier et alors que des dizaines de millions d’euros ont déjà été investis pour la toute nouvelle halle. Le jury, destiné à sélectionner les projets en lice, ne devrait se réunir qu’après les élections municipales, autre point noir selon l’opposition courbevoisienne.

« La Mairie a décidé de valoriser pour trois ans les 11 000 m² de surface bâtie qui constituait la halle Charras et le parking dans le cadre de projets innovants et créatifs tels que l’animation culturelle et artistique, restauration, culture urbaine, cette initiative est tout à fait louable dans l’absolu, faisait savoir une élue du groupe Tous pour Courbevoie (PS), lors du conseil municipal du 9 décembre dernier. Mais nous sommes surpris par la mise en place de cet appel à projets ».

« La mairie a décidé de valoriser pour trois ans les 11 000 m² de surface bâti qui constituait la halle Charras et le parking dans le cadre de projet innovants et créatifs », indique le texte de l’appel à projets.

Même son de cloche pour Alban Thomas (PS, tête de liste pour Tous pour Courbevoie aux futures élections municipales), le même jour. « Ce n’est pas sérieux, et c’est irresponsable au regard des dépenses que les Courbevoisiens ont consenti pour une nouvelle halle. 30 millions d’euros, ça fait quand même 350 euros par habitant. » Cet appel à projets, qui a finalement été approuvé par le conseil municipal, ne décrit en effet rien de précis.

« Suite au lancement d’un projet de renouveau de son centre-ville avec notamment la construction d’une nouvelle halle de marché et d’un nouveau parking, une surface de près de 11 000 m² dans l’ensemble immobilier Charras, à proximité de l’actuel centre commercial va être libérée, indique le document disponible sur internet. Dans cette optique, la Ville souhaite valoriser temporairement ces volumes et précisément le parking public P2 et la halle alimentaire Charras ».

Rien de concret, puisque même le texte souligne que la valorisation sera temporaire. Pourtant, cet appel à projets impactera la future mandature, alors que les élections municipales se dérouleront les 15 et 22 mars prochains. En effet, le 9 décembre dernier, le conseil municipal a énoncé trois listes de candidats qui auront la charge de retenir les projets pour occuper les 11 000 m² libres.

« L’objectif, c’est de ne pas laisser ces surfaces qui seront vacantes en centre-ville pendant un certain nombre d’années pour y installer des activités, et pour les tester à cette occasion », a expliqué la première adjointe au maire, Marie-Pierre Limoge. « La réunion de ce jury ne se déroulera pas avant la mise en place d’un nouveau conseil municipal » soulignait juste avant une élue d’opposition. « Vous lierez les mains de la future municipalité dans ces projets sur Charras et ce pour trois ans », s’inquiétait ainsi Alban Thomas.

Ces incertitudes autour de ces 11 000 m² vides sont une chance, d’après la majorité. « C’est un outil qui permet de laisser le temps de la conception du projet plus perenne, plus durable, et qui permet dans le même temps de pouvoir assurer la maintenance, la sécurité, l’occupation avec des activités », a ainsi expliqué Marie-Pierre Limoge, en réponse à ses opposants, lors du dernier conseil municipal.

La première adjointe, qui exhortait l’opposition à « travailler ensemble », expliquait ainsi que la Mairie pourrait à cette occasion « travailler avec les acteurs du territoire, que ce soit les acteurs associatifs, culturels, économiques, les startups. C’est également un dispositif qui, quelque soit le lauréat, a un certain nombre d’acteurs de l’urbanisme transitoire qui sont identifiés en France ».

Pour le maire, cet appel à projets est semble-t-il un passage obligé, dans le cadre d’un vaste plan de réaménagement de la ville. « On a tout intérêt à faire l’opération cœur de ville, estimait-il. Et l’opération cœur de ville elle est commencée, il y a eu une première phase qui est le réaménagement des espaces publics du centre ville, on est parti de La Défense jusqu’à l’église Saint-Pierre Saint-Paul, on a réaménagé la voirie, (…) on a réaménagé des espaces publics ».

« Pour le réaménagement des espaces publics autour de Charras, il faut bien commencer par quelque chose. […] Cet appel à projets d’une durée de trois ans c’est temporaire, illustrait-il. C’est regarder ce qu’il est possible de faire, […] donc on s’est dit pourquoi pas. On s’est renseigné, et il y a des personnes qui sont intéressées assez rapidement pour pouvoir travailler sur la halle ».

Mais aucun nom, d’administration, de startup, de commerce ou encore d’association n’a été dévoilé par la municipalité. Même chose lors d’un café chantier organisé dans la nouvelle halle et à destination des habitants, le 2 février dernier. Aucun des représentants de la mairie n’avait plus d’information à ce sujet. « Il y a un appel à projets, mais rien d’officiel pour l’instant », assurait ainsi Magali Pasquet, responsable du service travaux neufs de la mairie de Courbevoie.

Et pourtant, cet appel à projets aurait pu trouver grâce aux yeux de certains membres de l’opposition. Le groupe Tous pour Courbevoie revendique des propositions similaires lors d’un conseil municipal en janvier 2017 alors que le projet de construction de la nouvelle halle était abordé. Le maire avait alors balayé d’un revers de main une telle possibilité.

L’appel à projet est temporaire, a assuré le maire Jacques Kossowski (LR) lors du dernier conseil municipal de la mandature, qui s’est déroulé le 9 décembre dernier.

Pour Aurélie Taquillain, (Lrem), ancienne conseillère municipale de la majorité désormais dans l’opposition et candidate à l’élection municipale, le projet manque surtout de concertation avec les riverains et les occupants actuels de la halle. « Que faîtes-vous pour les copropriétaires qui se plaignent des fuites d’eau, qui craignent pour le respect des normes de sécurité ? Que faites-vous pour l’aménagement de la dalle, pour la piscine, la patinoire, le bowling, n’est-il pas temps d’avoir une vision à long terme pour Charras ? » a-t-elle demandé.

« Votre appel à projets malheureusement […] est fait de manière bâclée, indique une conseillère d’opposition de Tous pour Courbevoie, regrettant l’appel à projets d’un mois. Ce sont de toute façon des espaces qui ont ensuite vocation à être aménagés, donc ils vont devoir inventer des activités, ce qui est possible. Mais encore faut-il un tout petit peu de temps pour travailler à un véritable projet ».

En outre, et alors que la nouvelle halle Charras respectait quelques mesures en faveur de l’écologie, l’appel à projets pour les anciens bâtiments n’en fait aucune mention. L’élue d’opposition de Tous pour Courbevoie le souligne longuement. Le flou perdure toujours autour de ces 11 000 m² libres et il faudra attendre la tenue des élections municipales pour en apprendre plus sur les projets temporaires sélectionnés.

Où en est le chantier de la nouvelle halle ?

La nouvelle halle Charras est sortie de terre il y a plusieurs mois déjà, et sa livraison ne saurait tarder, comme l’expliquait Magali Pasquet, du service chantiers neufs de la mairie de Courbevoie. Comme beaucoup de ses collègues des services techniques de la municipalité, elle était présente pour répondre aux questions des habitants lors d’un café chantier, organisé le 2 février dernier dans la nouvelle halle.
« Mi-avril, la halle sera livrée, assurait-elle alors. Ensuite, le temps que les commerçants reviennent, déménagent et installent leurs stands, nous prévoyons une ouverture au public pour fin mai. » Les travaux sont en effet bien avancés dans la nouvelle halle et les finitions, nombreuses cependant, manquaient seulement pour un accueil des futurs clients et commerçants.

« Il y a une grande partie des commerçants du marché actuel qui viennent s’installer ici, poursuivait-elle. Et là, pour les demandes des nouveaux commerçants qui veulent s’installer, il y a pour le moment une liste d’attente. » En plus de ces nouveaux commerces, un « bistrot chic », Au coin !, devrait aussi prendre ses quartiers dans la halle dès le mois de septembre. Il proposera « une carte saisonnière », une large cave à vin et pourra être privatisé pour des événements, indiquait un panneau d’information installé dans le nouveau bâtiment.