Depuis de nombreuses années, les skateurs ont investi le quartier d’affaires pour y pratiquer leur passion. Chaque soir quand la météo le permet, ces collégiens, étudiants ou jeunes actifs se réunissent pour s’entraîner dans des endroits précis de la Défense, le plus visible étant sur le Parvis devant le Castorama du centre commercial Westfield Les 4 Temps.

Ils enchaînent les figures, approfondissant certaines, essayant d’autres sous le regard bienveillant de leurs collègues skateurs qui n’hésitent pas à encourager en cas de chute ou bien à donner des conseils. Âgés de 14 à 30 ans , ils ont au fil des mois créé une véritable communauté consacrée aux sports de glisse en milieu urbain.

Les skateurs échangent essentiellement sur la plateforme digitale Discord permettant ainsi de trouver de nouveaux lieux de glisse. À plus forte raison lorsque les skateurs se font chasser par les vigiles des tours et les riverains ou bien que des éléments anti-skate sont apposés sur le mobilier urbain par Paris La Défense, l’établissement public aménageur du quartier, afin de le préserver des dégradations inhérentes à la pratique du skate.

La Défense est un lieu privilégié pour la pratique du skate de rue. Bancs, marches, escaliers, rampes et autres éléments du mobilier urbain constituant le quartier d’affaires sont très prisés par les amateurs de glisse afin de s’entraîner à faire des figures et d’améliorer ainsi son art. Nombreux skateurs viennent pratiquer à la Défense, véritable terrain de jeu à ciel ouvert.

Parmi eux, figurent des collégiens, des étudiants ou encore de jeunes actifs, lesquels se réunissent dans les différents « spots » (endroits en anglais, Ndlr) propices à la pratique de la planche, souvent le soir après les cours et le travail, ou bien le week-end.

« Je viens quand mon emploi du temps me le permet », explique Mathias, 24 ans. Ce jeune Nanterrien pratique le skate de manière régulière depuis plus d’un an. « J’habite à Puteaux, dans un quartier à cinq minutes d’ici », explique Hédi, 19 ans, qui vient dans le quartier « en moyenne quatre fois par semaine ».

« On vient skater ici tous les soirs après l’école, jusqu’à 19 h 30 environ », explique Pierre, 14 ans, membre d’une bande de quatre collégiens originaires de Puteaux,
le 16 janvier en début de soirée.

« Cela fait seulement deux mois que j’ai commencé à skater, explique l’étudiant. Le quartier me permet de faire du plat en me déplaçant ou de tenter des figures simples pour prendre confiance en moi. » David*, Luc*, Henri* et Pierre* (les prénoms des mineurs ont été modifiés, Ndlr) ont tous 14 ans. Ces jeunes Putéoliens sont dans le même collège et « la même classe aussi ».

« On vient skater ici tous les soirs après l’école, jusqu’à 19 h 30 environ, explique Pierre, le plus aguerri d’entre eux, jeudi 16 janvier en début de soirée. On s’est tous un peu motivé les uns les autres pour skater, et progresser ensemble ». Si Henri et Luc arrivent à passer quelques « Ollie », une figure de base qui consiste à sauter un obstacle avec la planche, Pierre essaye déjà des figures plus compliquées comme le « Flip » qui consiste à faire tourner sa planche sur elle-même pendant un saut et retomber dessus.

David lui, a rejoint la bande il y a quelques mois seulement, il débute. Ce soir-là, ce ne sera que des « Ollie » sur une marche « histoire de prendre confiance ». Le lieu de prédilection dans le quartier d’affaires des quatre collégiens se trouve sur le Parvis, devant la vitrine du Castorama du centre-commercial des 4 Temps. « Au moins, on n’est pas embêté ici et c’est plus sûr, il y a du passage », explique Pierre.

Mathias et Hédi, tous deux étudiants dans le digital à Nanterre, n’hésitent pas à bouger sur d’autres lieux. « Au niveau de la Jetée, juste avant l’Arena, il y a un mur penché à côté du restaurant asiatique, décrit Mathias. Et de l’autre côté, il y a la même chose, mais avec une marche ». Un terrain de jeu parfait « pour rouler sur le mur, faire des exercices et avoir des sensations », explique le jeune homme.

« Pour l’instant, je me crashe dans le mur en essayant de rouler, explique Hédi avec le sourire, mais c’est à force d’essais que je vais y arriver ». Autre terrain de jeu privilégié, le quartier Boieldieu situé derrière les 4 Temps. « Là-bas, il y a deux trois trucs à faire, explique Luc, le collégien Putéolien. On y passe pas mal de temps avec les gars. »

Alors que les six skateurs du soir poursuivent les tentatives et les figures devant le Castorama, se lançant depuis la vitrine du magasin vers le parvis, certains passants s’agacent parfois de la présence de ces cascadeurs en herbe sur le Parvis. « Attention ! » s’exclame une passante qui a vu un skateur au dernier moment lui passer devant.

Un autre passant ne sait pas quoi faire en voyant une planche arriver vers lui, il fait un petit saut sur le côté pour la laisser passer. « Ça, c’est la spécialité du coin, en rigole Mathias. Dès que des passants voient une plancher rouler devant eux, ils ne l’arrêtent même pas. »

Les salariés des tours EDF, Franklin et W essayent de se frayer un chemin sans rien dire, ou en pestant. « En semaine, on sait qu’il faut être patient et attendre que les gens passent pour se lancer », admet Pierre. « En même temps c’est normal qu’il y ait du monde, renchérit Mathias, on est là à la sortie des bureaux. »

Pour ne pas être « gênés » par les passants, certains skateurs privilégient des endroits avec beaucoup moins de passage. « Déjà pour faire du flat (rouler sur du plat, Ndlr), les souterrains de la Défense sont parfaits pour ça », explique Hédi. « Il y a également un spot connu pour les skateurs situé non loin des tours Enedis et Dalkia, praticable toute l’année parce qu’il est couvert », décrit Mathias.

La pratique du skate dans le quartier d’affaires est de plus en plus compliquée selon les adeptes de la pratique que La Gazette a pu rencontrer. « Dès qu’on commence à skater près d’une tour, les vigiles sortent pour nous faire partir, regrette Henri. On a à peine le temps de claquer une figure. » D’autres secteurs du quartier sont impraticables en raison des riverains. « Quand on skate à Boeildieu, on a parfois des habitants qui nous demandent de partir à cause du bruit », confirme Pierre.

« Le bruit est dérangeant quand ils sont cinq ou six à skater, déplore une habitante du quartier croisée le lendemain, vendredi 17 janvier. Ça résonne trop avec tous les bâtiments quand ils sont là le week-end. »

Mais la véritable entrave à la pratique du skate dans le quartier d’affaires est la pose d’éléments anti-skateurs sur le mobilier urbain de La Défense. « Ils ont posé des morceaux de métal un peu partout qui bloquent la planche si on essaye de rider [faire un saut, poser la planche sur la tranche d’un banc ou d’un muret, glisser dessus, puis revenir avec sa planche sur le sol, Ndlr], regrette Mathias. « Par endroit, le revêtement des dalles a été changé, explique Hédi, il est extrêmement grippant, rendant la glisse impossible. »

Ainsi la plupart des endroits praticables devant les 4 Temps, derrière l’UGC ou encore sur le reste de l’Esplanade ne le sont plus. « C’est vraiment dommage parce que le quartier est de moins en moins intéressant… », dénonce Mathias. Paris La Défense, l’établissement public gestionnaire et aménageur du quartier d’affaires, estime qu’il « n’y a pas vraiment de problématique » concernant la pratique du skate dans le quartier d’affaires.

« Ils ont posé des morceaux de métal un peu partout qui bloquent la planche si on essaye de rider» regrette Mathias.

« Si l’on pense qu’à un endroit particulier, […] les skateurs vont abîmer le mobilier, dans ce cas-là, on va réfléchir à ce que l’on peut faire […] pour préserver le mobilier », détaille Paris La Défense qui précise que « cela se fait au cas par cas ». Pour préserver le mobilier en question, l’établissement gestionnaire du quartier « travaille avec le prestataire Biema qui se charge de poser des éléments métalliques en forme de L […] sur les bancs ou la dalle ».

« Des skateurs ont fait sauter les morceaux de métaux avec leur planche pour que ce soit de nouveau praticable », explique Mathias. « C’est la technique du décapsuleur », décrit Hédi en mimant le geste : un grand coup de planche à l’aide d’un des trains de roues.

Face à la pénurie de lieux et l’envie de partager les bons plans, une communauté de skateurs s’est progressivement créée sur Discord : le All Ride Nanterre, (Rouler sur tout, en anglais, Ndlr). Mathias est l’un des administrateurs de la communauté. « L’objectif est de se donner rendez-vous, de pratiquer ensemble, détaille-t-il. Mais aussi de trouver de nouveaux lieux de jeu. »

La trentaine de membres qui constituent la communauté relativement active n’hésite pas à alimenter un compte Instagram éponyme pour montrer les figures réalisées et partager des événements. En attendant, « on se balade et on explore », conclut Mathias.