Le costume est roi à l’heure de pointe sur la dalle de la Défense ou dans les couloirs des transports en commun du plus grand quartier d’affaires d’Europe continentale. Mais s’il reste encore très prisé dans les entreprises, la tenue vestimentaire des salariés tend à devenir moins formelle. Les firmes elles-mêmes s’adaptent et n’imposent plus forcément l’éternel deux pièces.

« Les clients troquent plus facilement un pantalon de costume pour un chino ou même un jean », remarque un manager dans une boutique spécialisée dans les costumes sur-mesure, au Westfield les 4 Temps. En effet, sur la dalle lors de la pause déjeuner, ils sont nombreux à avoir opté pour ce genre d’ensemble.

« Quand je ne vais pas chez un client, je suis toujours comme ça », opine Hervé, trentenaire et commercial dans la tour Ariane. Ce jour-là, il a même choisi de mettre des baskets à ses pieds. « Ils sont de plus en plus à oser les tenues dépareillées, abonde le manager de la boutique de costumes. Mais les pièces que l’on vend le plus restent les basiques : bleu marine ou gris. »

Le vendeur de costumes n’est cependant pas inquiet quant à la baisse des ventes évoquée par l’institut Kantar dans les colonnes du Parisien, à la mi-novembre. L’étude évaluait ainsi la baisse des ventes de costumes à 60 % au long de ces dix dernières années. « J’ai l’impression que moins de gens achètent de costume, c’est vrai, acquiesce le manager. Mais les gens qui en achètent, en achètent plus. »

Sans surprise, ses clients sont pour la plupart « cadres dans les tours, on a beaucoup de clients de la Société générale par exemple ». Âgés de 35 à 45 ans, ces cadres ont pour la majorité un fort pouvoir d’achat. Les costumes proposés dans la boutique du Westfield les 4 Temps sont ainsi vendus, « entre 390 et 1 590 euros, c’est une fourchette très large ».

« Il y a une nouvelle génération qui arrive, explique-t-il encore. Elle va peut-être redonner un nouveau souffle aux ventes. » Et le vendeur a vu juste à en croire Théo, tout jeune actif de la tour Majunga. « On ne se demande pas si on va être bien ou mal habillé, on sait qu’on va être bien habillé pour l’occasion, assure le jeune homme qui ne cherche plus quelle tenue mettre le matin. Ça donne aussi une sensation de sérieux et on a plus envie de s’appliquer à son travail. »

Du côté des entreprises, les attentes sur le style vestimentaire des employés semblent plus souples, mais l’environnement du quartier d’affaires pèse sur les mentalités. « En interne, on ne donne pas de consigne particulière aux salariés. Ce n’est pas écrit sur leur contrat de travail, explique-t-on à RTE. Après, on est à la Défense, donc forcément, on est plus dans des bureaux. Donc vous allez voir, comme dans toutes les entreprises, plus d’hommes en costume et cravate. Mais de façon tacite. C’est difficile de dire qu’il n’y a pas un dress code. »

Antoine, alternant au service juridique d’une grande banque de l’esplanade, ressent cette obligation « tacite », ce qui le met d’ailleurs un peu mal à l’aise. « J’ai une façon de m’habiller plutôt classique, plutôt professionnelle, confie-t-il de son style vestimentaire. Mais je n’imagine même pas la tête de mes collègues si j’arrivais en chemise à carreaux sous un pull en maille. C’est quand même un peu coincé comme environnement. »

Dans une tour à Puteaux, les ressources humaines d’une entreprise ont bien saisi le malaise ressenti par certains salariés. « C’est plus souple qu’avant, reconnaît la responsable. Chez le client, le costume reste de mise, mais dans la tour, c’est plus libre. Il y a quand même des limites à ne pas dépasser ».

Les grandes entreprises, si elles évoluent doucement, semblent ainsi très attachées au costume. Dans l’imaginaire collectif, la tenue est visiblement toujours liée à une forme de sérieux. Mais le changement pourrait bien venir des petites entreprises, des start-up, ou même des travailleurs indépendants.

Quelques heures un après-midi à l’Anticafé, espace de co-travail situé dans le Cnit, suffisent pour s’en apercevoir. Si l’ambiance y est studieuse, peu de personnes arborent l’éternel costume deux pièces. « On a peu de costumes, c’est vrai, sourit un serveur. Et souvent, quand une personne dans le café est habillée comme ça, c’est un commercial d’une tour qui vient en rendez-vous ».