Que ce soit Atelier NA, situé au Cnit, ou Tailor corner au premier étage des 4 Temps, les deux marques de costumes s’accordent sur une chose : à cet emplacement stratégique qu’est la Défense, elles bousculent les codes traditionnels des tailleurs mais aussi du prêt-à-porter. Fini, le temps des boutiques confidentielles où les clients venaient prendre une demi-journée pour les mesures de leur costume. Face à une clientèle qui n’a généralement qu’une heure pour déjeuner, ces jeunes enseignes fourbissent leurs arguments de vente : du sur-mesure au prix du prêt-à-porter.

« Franchement, ça fait envie, mais je ne sais pas si je vais pouvoir me le permettre. » Après avoir visité les deux enseignes, un jeune homme hésite. « C’est sûr que pour passer les entretiens ou pour faire des présentations, c’est un plus. Je fais 1,91 m, et généralement, les manches ne tombent pas juste dans les enseignes de prêt-à-porter, je vais réfléchir sur cet investissement », souffle le jeune diplômé. S’il saute le pas, il devra tout de même attendre entre six et huit semaines pour la fabrication de son costume sur mesure.

Les deux marques spécialistes des costumes sur-mesure abordables s’attaquent sans complexe au grand public. Plus de 50 % des clients des Ateliers NA n’ont jamais porté de sur-mesure, tandis que chez Tailor corner, 60 % d’entre eux sont profanes de ces costumes autrefois réservés à l’élite. Ils usent en effet d’une stratégie tarifaire très agressive, qui leur permet de faire jeu égal avec plusieurs enseignes du prêt-à-porter.

Dans l’arrière-boutique de Tailor corner, plusieurs dizaines de gabarits permettent de choisir un modèle type de costume. Les mesures manuelles affinent ensuite le futur costume.

« À la Défense, il faut aller vite, renseigner vite et aller droit au but, les gens ont peu de temps », résume Vincent, responsable de la boutique Tailor corner dans la galerie commerçante des 4 Temps. « Ici, les gens ne viennent pas forcément pour nous, ils font du shopping et découvrent la boutique, il faut leur expliquer notre démarche en respectant leur emploi du temps », explique-t-il.

Pour les convaincre, il peut compter sur l’aspect numérique de la marque créée en novembre 2012. Le site internet permet ainsi de personnaliser son costume et de voir ce à quoi il ressemblera : boutons de manchettes, tissage, couleur, prix, le client dispose d’une quarantaine d’options. « C’est le choix du tissu qui détermine le prix », explique le responsable.

Tailor corner propose une entrée de gamme à 300 euros, tandis qu’Atelier NA propose ses premiers modèles à 395 euros. L’enseigne des 4 Temps dispose de près de 700 tissus pour les costumes, et de 200 pour les chemises. Pour convaincre les clients de monter en gamme, la marque propose également des offres : à partir de sa gamme Savile row vendue à 690 euros, un deuxième costume est offert à l’achat d’un premier.

Au Cnit, Atelier NA s’adapte également aux spécificités du quartier d’affaires. « La Défense est un emplacement stratégique, avec une clientèle pressée et de gros flux : on doit réussir à capter et renseigner en un minimum de temps », indique Charles Peretz, directeur commercial de la marque, qui se targue d’être le plus grand fabricant européen de sur-mesure, avec une trentaine de boutiques dans six pays.

Alors, pour séduire cette clientèle d’affaire, Atelier NA s’appuie sur des innovations, elles aussi liées au numérique. Sa renommée s’est ainsi faite avec l’utilisation de cabines de modélisation du corps en 3D, qui accélèrent les prises de mesures. Pas moins de 200 mesures des clients y sont faites de manière quasiment instantanée, à l’aide de quatre capteurs « ultra-rapides et haute résolution ».

« On peut avoir des businessmen qui choisissent le costume en 25 min, et des futurs mariés qui prennent plusieurs heures pour choisir tous les détails », témoigne un vendeur de l’Atelier NA.

« Nous travaillons depuis peu avec le tailleur italien Drago, et on propose notamment de la flanelle stretch et water-repellant. Nous avons aussi une gamme de chemises respirantes et hydrophobes, ça repousse l’eau et évite les auréoles, ajoute par ailleurs son directeur commercial des innovations portant sur les tissus. L’idée, c’est que dans une journée de présentation, si vous vous renversez du café dessus, le liquide va glisser sur le tissu et vous ne serez pas sale. C’est un véritable game-changer. »

Pour ces jeunes entreprises de confection, il est important de convaincre la clientèle habituée du prêt-à-porter. « Notre message est de dire: essayez le sur-mesure, c’est loin d’être inabordable comme beaucoup le pensent, explique le directeur commercial d’Atelier NA. Nous sommes les seuls à proposer des costumes entoilés, sans colles, cela permet au vêtement de moins se froisser et de mieux tenir dans la durée. »

Tailor corner avance également ses arguments : la prise de mesures se fait en moyenne en 45 min. « Entre un vêtement dans le prêt-à-porter qui s’abîme plus vite et qui nécessite des retouches, le sur-mesure devient un investissement plus rentable », fait remarquer Romain Morel, responsable de plusieurs boutiques pour la marque.