Un père de famille nanterrien était jugé mardi 26 novembre pour n’avoir pas respecté son contrôle judiciaire. À quelques heures de la fin de celui-ci le 13 septembre dernier, il avait contacté des proches, militants jihadistes. L’homme, lui-même déjà condamné pour apologie du terrorisme et fiché S, a plaidé l’erreur de bonne foi. Il venait en effet de se voir notifier l’arrêt de son contrôle judiciaire. Cependant, ce dernier ne prenait fin que le lendemain à minuit.

L’homme est reparti libre du Tribunal de grand instance (TGI) de Nanterre mais a tout de même été condamné à une peine de prison ferme. Il devra se rapprocher du juge des libertés pour pouvoir, si possible, aménager sa peine. Lors de son audience, ses liens avec la mouvance islamiste radicale ont longtemps été discutés.

« Ce sont des militants jihadistes », dénonce la procureure alors qu’elle interpelle le prévenu. Le quadragénaire nanterrien assure que « ce sont juste des liens fraternels et rien d’autre ». L’homme dans le box est accusé d’avoir contacté des amis, deux frères, alors que son contrôle judiciaire le lui interdisait pour encore quelques heures. Tous sont connus de la justice et des services de police pour appartenir à la mouvance islamiste radicale.

Lui a déjà été condamné pour apologie du terrorisme en avril dernier. Il avait écopé de quatre mois de prison avec sursis. Son contrôle judiciaire lui interdit alors de rentrer en contact avec ces deux proches et l’oblige à pointer au commissariat de Nanterre chaque jour. L’homme respecte à la lettre ses interdictions et obligations. Mais le 13 septembre, il se rend au commissariat pour un dernier pointage.

« On m’a remis une feuille qui annonçait la fin de la mesure sans aucune précision », explique le prévenu. Il contacte alors les deux frères par téléphone. « Je les connais depuis 40 ans », assure-t-il. Pourtant, l’arrêt de l’interdiction ne prenait fin que le 14 septembre 00 h 01. Le père de famille fiché S indique qu’il l’ignorait, une erreur tout à fait entendable pour son avocat qui précise que « pour un non-juriste, ce n’est pas étonnant ».

« C’était vraiment un accident, confie l’accusé. Je vous demande de croire ma bonne foi. » Jamais au cours de l’audience il ne concède que ses amis sont « des islamistes », comme les qualifie la procureure. Il explique simplement du bout des lèvres qu’ils « ont eu des problèmes avec la justice ». Son avocat, qui se trouve être aussi celui des deux frères, le suit et souligne qu’ils ont « tous les deux été relaxés ».

Ces deux frères qui sont au cœur de l’attention sont pourtant connus pour être des proches de Sid Ahmed Ghlam, le terroriste de l’attentat de Villejuif en 2015. « Ils ont été dénoncés par leurs collègues au lendemain des attentats de 2015 », illustre l’avocat de ses deux clients, salariés au service de sécurité de la RATP. Sans évoquer le sort du premier frère, il explique que le second « a fait l’objet d’une annulation de son assignation à résidence ». Aussi, son employeur a à nouveau accepté qu’il porte une arme.

« Ce n’est pas parce qu’il faut être vigilant qu’il faut faire n’importe quoi », s’emporte finalement l’avocat de la défense qui demande la relaxe de son client. « Il n’est jamais entré en contact avec eux durant tout son contrôle judiciaire, plaide-t-il. S’il l’a fait à ce moment, c’est qu’il pensait qu’il en avait le droit. » Soutenant l’erreur de bonne foi du père de famille, l’avocat est toutefois bousculé par la procureure.

« Il est connu pour pratiquer un islam rigoriste », s’inquiète-t-elle en évoquant la « dangerosité » du prévenu. Elle requiert ainsi un an de prison ferme contre le fiché S en plus de la révocation des quatre mois de sursis auxquels il avait précédemment été condamné. « Le défaut d’intention est criant dans cette affaire », plaide l’avocat de la défense après les réquisitions.

« Moralement c’est peut-être délicat, concède-t-il. Ça prenait effet à partir de minuit le lendemain enfin… » Finalement, le tribunal déclare le père de famille coupable d’avoir violé son contrôle judiciaire. Employé en CDI dans un grand magasin d’ameublement depuis plusieurs années, l’homme est condamné à une peine de six mois de prison ferme et à la révocation de son sursis. Cependant, aucun mandat de dépôt n’est prononcé. Lui qui était jusque-là en détention provisoire ressort donc libre du tribunal. Il pourra voir sa peine aménagée par un juge des libertés.

RAPPEL
Les condamnations en première instance ne sont pas définitives puisque susceptibles d’appel. Jusqu’à leur condamnation définitive, les prévenus sont donc toujours présumés innocents.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE DE LA DEFENSE