Le jeu des chaises musicales se poursuit chez TechnipFMC. Deux ans et demi après la fusion du parapétrolier français Technip et de son homologue américain FMC, le groupe a annoncé lundi 26 août une scission pour l’année 2020. Cette manœuvre a pour objectif affiché de créer deux nouvelles sociétés parapétrolières : Spinco, spécialisée dans l’ingénierie et dans la construction de plateformes pétrolières ou d’usines de raffinage et de chimie, ainsi que Remainco, dédiée à l’aide à la production pétrolière et spécialisée dans les infrastructures sous-marines.

« La scission n’est pas un retour en arrière pour Technip », a indiqué au Figaro le patron de TechnipFMC, Doug Pferdehirt. Les salariés, par la voix de de la CFDT (syndicat majoritaire, Ndlr) se disent cependant plutôt inquiets sur les modalités de ce projet, notamment en matière de préservation de l’emploi. Le groupe franco-américain est pourtant sujet à de gros doutes des investisseurs depuis la fusion.

Depuis 2015 et les réorganisations successives, quatre salariés ont mis fin à leurs jours, dans une atmosphère sociale très dégradée, avec à la clé plusieurs procédures devant la justice entre représentants du personnel et direction. La fusion entre Technip France et FMC avait été décidée suite à la crise pétrolière de 2014. « Dès février 2016, [la direction] redécoupe le groupe selon un nouveau schéma en séparant le sous-marin (subsea, future Remainco, Ndlr) du on-shore (à terre) et du off-shore (en mer) », rappelle Christophe Héraud, délégué central CFDT TechnipFMC.

La fusion a permis de « proposer un développement intégré des activités sous-marines en alliant les équipements de FMC et les tuyaux de Technip pour un coût 30 % moins cher et une installation plus rapide », argue le vice-président chargé de la communication chez TechnipFMC, Christophe Bélorgeot. Environ 12 000 postes ont été supprimés depuis la fusion, sur les 49 000 personnes qui travaillaient dans les deux groupes parapétroliers.

Lors du processus en 2016, pas moins de 49 000 personnes à travers le monde travaillaient pour le groupe. Aujourd’hui, la scission prévoit la répartition de 37 000 salariés sur les deux entités, 15 000 chez Spinco (dont 3 000 salariés en France, Ndlr) et 22 000 chez Remainco (dont 1 500 en France, Ndlr). Selon la direction de Technip, il est toujours prévu que les salariés présents dans le siège actuel du quartier d’affaires déménagent dans leur nouveau siège.

Ce dernier, le projet Origine, est en cours de construction par Icade face à la Paris La Défense Arena. Au pôle « subsea », la CFDT pointe 1 000 prestataires remerciés, et la multiplication des départs non remplacés. Au centre opérationnel parisien de la tour Adria, la baisse serait de 30 % entre janvier 2018 et mars 2019 : 460 salariés il y a un an et demi, contre 319 aujourd’hui.

Alors, pour l’organisation syndicale, l’inquiétude est maximale concernant la conservation des emplois. Entre 2016 et 2018, les démissions auraient été multipliées par trois, passant d’une soixantaine à 180 par an. « Nous sommes déjà à plus de 60 démissions au 30 juin 2019, cette annonce ne va rien arranger », prévoit le délégué CFDT.

Par ailleurs, le groupe est actuellement mis en cause par la justice pour sa gestion des risques psychosociaux. Dans une première affaire, la justice a condamné le groupe à verser environ 5 000 euros aux instances représentatives du personnel et à respecter la loi en matière de prévention. Dans un second temps, une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Nanterre pour homicides involontaires et harcèlement moral. Selon nos informations, le juge d’instruction en charge du dossier aurait d’ores et déjà commencé les auditions.

Cette annonce de scission causerait de nouvelles inquiétudes sur l’avenir, compte tenu du prix passé des multiples réorganisations. « Les salariés sont très inquiets de ces mouvements-là et plusieurs souhaitent rester sur la partie off-shore on-shore de Technip France [car] pour les fonctions techniques, il y a des liens évidents entre les métiers », détaille Christophe Héraud.

De plus, le syndicaliste déplore « le fait que l’entreprise ne donne pas le choix de manière claire à tous ces salariés-là qui sont exfiltrés dans l’entreprise américaine ». Il poursuit : « Et s’ils refusent, ils sont considérés comme démissionnaires. » Interrogée sur la question, la direction assure démarrer « le processus » sans donner plus de détails. Christophe Bélorgeot affirme cependant avoir « commencé à travailler avec les organisations représentatives du personnel ».

Quid des brevets de l’ex-Technip France ?

L’annonce de la scission de Technip, au-delà des inquiétudes des représentants du personnel, poserait la question de la propriété intellectuelle du groupe issue de Technip France. « L’autre crainte, c’est l’avenir des brevets subsea concernant les tuyaux (sous-marins, Ndlr) […] aujourd’hui rattachés à Technip France », alerte ainsi le délégué syndical central de la CFDT, Christophe Héraud.

Ce dernier estime que la direction va « les rattacher à Technip n-power, future filiale du futur groupe américain Remainco : « Donc c’est la perte des brevets. » Une crainte qui aurait été entendue par la secrétaire d’État rattachée au ministère de l’Economie, Agnès Pannier-Runafier. Pour rappel, l’État est actionnaire à hauteur de 5  % de TechnipFMC, via la Banque publique d’investissements (BPI).

« Nous avons rendez-vous lundi 9 septembre avec le cabinet de la secrétaire d’État […] pour voir s’ils ont prévu des clauses particulières pour préserver la propriété intellectuelle des entreprises françaises », détaille Christophe Héraud. Sur cette question, la direction de TechnipFMC « n’as pas de commentaire à faire », mais précise : « La société a rempli à 100 % ses engagements avec l’État lors de la fusion. »