L’enthousiasme insuffisant des nombreuses parties prenantes du quartier d’affaires aurait eu raison du projet de double tour végétalisée Oasis, conçue par la société du Danois Bjarke Ingels, l’une des nouvelles stars internationales de l’architecture. Ses 170 m devaient ainsi s’élever, dans quelques années, à l’emplacement de l’immeuble Galilée, au coeur de l’esplanade comme du quartier Michelet. Son propriétaire, très présent à la Défense, n’est autre que le géant Unibail-Rodamco-Westfield (URW).

Déjà très occupé à construire dans le quartier, il a décidé de se passer de ce projet de gratte-ciel au pied de la tour Majunga érigée, déjà, par URW il y a quelques années. L’entreprise avait pourtant décroché l’an dernier l’autorisation recherchée auprès de l’État, pour pouvoir construire près de 130 000 m² de surfaces de bureaux. Désormais, elle se consacre plutôt à une réhabilitation de cet immeuble déserté des salariés d’Alstom (puis General electric depuis son rachat du premier, Ndlr).

Depuis deux décennies, le bâtiment était quasi-intégralement occupé par les salariés d’Alstom. Mais ceux-ci sont désormais partis, comme un héritage du rachat de l’activité turbines de l’industriel français par l’américain General electric.

Livré en 1986, d’une hauteur de 30 m de haut pour neuf étages et près de 32 000 m², l’immeuble Galilée, occupé alors par Total, avait été acquis par URW en 1999. La société ne se nommait alors qu’Unibail, elle avait racheté 165 000 m² de bureaux et 134 000 m² de surfaces commerciales issues de l’ex-empire immobilier du promoteur Christian Pellerin. Le promoteur devient un poids lourd européen suite à cette acquisition de près de 300 000 m² à la Défense. En 1996 puis en 2010, il rénove l’immeuble nommé Michelet Galilée dans sa nomenclature.

Depuis deux décennies, le bâtiment était quasi-intégralement occupé par les salariés d’Alstom. Mais ceux-ci sont désormais partis, comme un héritage du rachat de l’activité turbines de l’industriel français par l’américain General electric. Aujourd’hui, l’immeuble Galilée est totalement vidé de ses occupants. L’entretien n’y est plus réalisé, les dalles et revêtements sont pour partie branlants, tandis qu’un lampadaire penché accueille ceux qui entrent dans sa cour intérieure. Il attend manifestement son chantier.

Sur les réseaux sociaux comme au sein des forums d’internautes passionnés d’architecture, certains ont cru, ces dernières semaines, pouvoir se réjouir. Dans le cadre d’une exposition rétrospective organisée à Copenhague, nommée Formgiving, le bureau d’architecture danois Bjarke Ingels group (BIG), du nom de son architecte-star, expose en effet depuis quelques semaines une maquette d’un projet nommé Oasis.

Dans le cadre d’une exposition rétrospective organisée à Copenhague, nommée Formgiving, le bureau d’architecture danois Bjarke Ingels group (BIG) expose une maquette d’un projet nommé Oasis. Crédit : MATHILDE GARNIER

Accompagné de représentations visuelles ne laissant aucun doute sur son emplacement, ce modèle réduit montre une double tour de 130 000 m² pour 43 étages et 170 m de haut. Les deux tours sont évasées vers le haut, et se rejoignent en leur sommet pour composer un vaste toit-terrasse arboré. Au centre de ce dernier niveau, les espaces verts laissent place à un vide en forme de pyramide inversée, permettant d’apporter de la lumière à ceux qui y travaillent comme aux végétaux des balcons arborés qui bordent les espaces tertiaires.

« La tour Oasis inverse le paradigme de la base des tours en élevant les espaces publics et les niveaux de grandes surfaces en haut de la structure. Le bâtiment débute au sol comme deux tours qui s’élèvent et se rejoignent pour former des plateaux continus, précise le texte de présentation à l’exposition danoise. Au sommet, une gigantesque oasis offre à ses occupants une vue panoramique de Paris, tandis qu’une cour inversée ayant les mêmes dimensions qu’une avenue haussmannienne apporte de la lumière aux plus hauts étages. »

Il y a quatre ans, le groupe URW, confronté à un départ estimé probable des salariés d’Alstom, décide de remplacer l’immeuble Galilée par un édifice nettement plus ambitieux. Crédit : THOMAS LIVIGNI

Il y a quatre ans, selon nos informations, le groupe URW, confronté à un départ estimé probable des salariés d’Alstom, décide en effet de remplacer l’immeuble Galilée par un édifice nettement plus ambitieux. Il lance dans la plus grande discrétion un appel à idées auprès d’architectes triés sur le volet. Bjarke Ingels l’emporte avec Oasis. L’architecte Danois a alors déjà à son actif de nombreuses réalisations dans le monde entier, telles que le projet de Two world trade center à New York ou celui d’Europacity à Gonesse (Val d’Oise).

Pendant plusieurs années, architecte et promoteur immobilier travaillent à cette double tour. Ils déposent ainsi une première demande d’autorisation auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine, en 2017. Elle est rejetée en novembre de la même année, compte-tenu des « déséquilibres observés » entre construction de bureaux et de logements. Arguant de l’abandon de la tour Phare au profit du projet de tours Sisters, et donc d’une diminution de près de 70 000 m² de surfaces de ­bureaux, URW dépose une seconde demande.

Désormais, il est envisagé pour Galilée une restructuration relativement classique, sans évolution majeure de la volumétrie de l’immeuble actuel.

Elle est validée en juin 2018. Mais le permis de construire n’en sera jamais déposé. Contacté, le groupe Unibail-Rodamco-Westfield affirme maintenant que le projet Oasis est formellement abandonné. L’autorisation préfectorale, valable pour un permis de construire déposé dans les douze mois, n’a pas fait l’objet d’une demande de prolongation. Désormais, il est envisagé pour Galilée une restructuration relativement classique, sans évolution majeure de la volumétrie de l’immeuble actuel.

URW aurait finalement renoncé à Oasis à cause de certaines réticences techniques, comme d’un enthousiasme estimé insuffisant des nombreuses parties prenantes lors de toute construction de grande envergure à la Défense, des riverains en passant par les intervenants institutionnels, ainsi que les autres propriétaires. Le groupe vient par ailleurs de vendre la tour Majunga, et son activité de construction est bien occupée avec le chantier de la tour Trinity comme celui à venir des tours Sisters.

Accompagné de représentations visuelles ne laissant aucun doute sur son emplacement, ce modèle réduit montre une double tour de 130 000 m² pour 43 étages et 170 m de haut. Crédit : JULIE BOENEC

« En tant qu’architectes, nous sommes bien sûr tristes que ça ne se réalise pas à ce moment-là », commente sobrement Jakob Sand, partenaire chez Bjarke ingels group. Un travail très important avait été réalisé par BIG sur la présence de végétaux : le rez-de-chaussée était conçu comme un véritable parc botanique, tandis que des espèces subtropicales étaient plantées dans les terrasses plongeant au centre du toit. À son sommet, le gratte-ciel entouré d’immenses vitres verticales misait sur des plantes méditerranéennes. La lumière se voulait très présente dans les bureaux.

« Pour la Défense, le projet aurait pu être une nouvelle typologie de tours de bureaux qui laissent beaucoup de sol libre, où la densification se fait plutôt en haut (de la même manière que la tour Alto, de l’autre côté de l’esplanade, Ndlr), expose-t-il des choix architecturaux. Nous essayons toujours de réinventer les typologies de tour, avec beaucoup de recherches sur les espaces de travail de demain, ceux du lien avec les collègues, moins de verticalité et plus d’espaces verts. »

Contacté, le groupe Unibail-Rodamco-Westfield affirme que le projet Oasis est formellement abandonné. Crédit : THOMAS LIVIGNI