À Nanterre, on n’a pas vraiment attendu les obligations légales pour échanger avec les habitants des quartiers populaires, arguent en coeur élus et fonctionnaires. De quoi expliquer, peut-être, la patience du préfet des Hauts-de-Seine pour faire appliquer la loi portant sur la création de conseils citoyens dans les quatre quartiers de la commune classés en politique de la ville. La mairie, qui souhaite s’appuyer sur les associations historiques présentes dans ces quartiers, n’en est pas moins heureuse que celui du Parc compte prochainement, si tout se passe bien, le premier conseil citoyen de la commune.

Ce jeudi 20 juin, dans les locaux de l’association de quartier Authenti-cité, une douzaine d’habitants du Parc sont présents pour découvrir et peut-être créer leur conseil citoyen, aux côtés d’agents municipaux et des responsables d’Authenti-cité. Conceptualisés en 2014 par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, ces conseils, lancés en 2015, ont l’avantage principal de permettre une participation administrative de ses représentants au sein d’instances officielles dédiées aux projets de rénovation urbaine comme aux travaux dans leurs quartiers.

« On avait déjà beaucoup d’instances de participation comme les conseils de quartier, dont les ordres du jour sont faits par les habitants », explique ce soir-là du retard nanterrien Yamina Bendahmane, la directrice de la vie citoyenne. « Comment se conforter un peu plus à la loi, et faire évoluer les instances qu’on a vers des conseils citoyens ? », résume-t-elle de l’enjeu pour la municipalité. Cette dernière a sollicité les associations emblématiques de chaque quartier en politique de la ville : « L’une a décliné, deux n’ont pas respecté les engagements pris. »

Reste Authenti-cité, dont l’engagement autour de l’avenue Pablo Picasso est reconnu de tous. Une première réunion déjà destinée à créer un tel conseil, il y a plusieurs mois, avait échoué, les habitants présents ayant consacré plus de temps à débattre, parfois avec virulence, qu’à discuter du futur conseil de quartier. Alors, cette fois-ci, la mairie a fait venir Jacques Picard, ex-conseiller régional EELV et représentant de l’Union nationale des acteurs et structures du développement local (Unadel). « On sait qu’il y a besoin d’aide, d’accompagnement extérieur », reconnaît la directrice de la vie citoyenne.

« J’ai accompagné des conseils citoyens en banlieue parisienne, à Valenciennes, à Saint-Nazaire, indique-t-il en se présentant aux habitants présents qu’il loue comme « experts » de leur quotidien. « Ce n’est pas une petite démarche, il y a une liste de noms tamponnée par la préfecture », expose-t-il de la responsabilité des membres du conseil, mais aussi des capacités offertes à des présents se sentant pour certains ignorés des administrations : « Si vous commencez à travailler sérieusement, vous construisez des avis collectifs, ça a un poids. »

Dans la petite salle de l’association, passée la présentation des conseils citoyens, les habitants enchaînent, évoquant les problèmes du quartier : propreté insuffisante de l’avenue Pablo Picasso, nuisances sonores la nuit, insuffisance des opérations de formation et d’aide envers les jeunes sans emploi. Des débats s’ouvrent, les échanges sont parfois vifs sous l’oeil des deux fonctionnaires municipaux. « Notre parole, elle ne vaut rien », déplore l’une des présentes du fort sentiment de relégation de bien des habitants vivant au pied des tours de la Défense.

« Il y a pas mal de sujets pour alimenter un conseil citoyen, c’est le plus gros quartier prioritaire de Nanterre », fait remarquer la chargée de mission au contrat de ville. En fin de réunion, certains des habitants présents acceptent de s’inscrire à une session de formation donnée par Jacques Picard au soir du 2 juillet. Il leur faudra en effet pouvoir échanger avec les institutions, et donc maîtriser leur jargon comme leurs acronymes. Ce premier conseil citoyen n’est pas encore créé, mais ce soir-là, les habitants inscrits savaient quoi y porter. Une première étape indispensable, et plutôt de bon augure selon l’expert de l’Unadel.