« Il faut que les finitions soient au rendez-vous cher Pascal Minault, c’est indispensable aussi pour continuer », met en garde Patrick Devedjian. Aux côtés du président LR du conseil départemental des Hauts-de-Seine, lors de l’inauguration des Terrasses 7 et 8 de Nanterre le mercredi 22 mai dernier, figure Pascal Minault, président de Bouygues immobilier, promoteur du projet. Mais à quoi donc faisait référence Patrick Devedjian ? Probablement à la résidence Green home, à quelques mètres de là, face à l’ancien bâtiment du conseil départemental des Hauts-de-Seine.

Il y a trois ans, lui aussi était flambant neuf, et symbolisait l’ambition environnementale du groupe Bouygues : si bien isolé qu’il n’avait pas besoin de chauffage traditionnel, producteur plutôt que consommateur d’énergie, « confortable et économique ». Mais il ne cesse depuis lors de décevoir ses habitants. Problèmes d’eau chaude, d’isolation, matériels défaillants… la liste des tracas que subissent les résidents de cet immeuble censé être symbolique du savoir-faire constructif de Bouygues est longue, comme le révélait La Gazette en mars dernier.

Témoignages anonymes, relances écrites du maire, organisation de multiples réunions : la pression autour des 147 logements et des commerces de ce qui constitue désormais le dossier Green home est aujourd’hui maximale pour Bouygues. En mars, le géant du BTP assurait enfin prendre les choses en main pour résoudre rapidement les innombrables défauts de la résidence. Mais l’objectif d’une fin de travaux d’isolation annoncée pour octobre était visiblement trop « ambitieux », et certains habitants devront débuter un nouvel hiver dans le froid, selon un courrier du groupe Bouygues que La Gazette s’est procuré.

Problèmes d’eau chaude, d’isolation, matériels défaillants… la liste des tracas que subissent les résidents de cet immeuble de Bouygues est longue, comme le révélait La Gazette en mars dernier.

Le sujet est si sensible pour Bouygues qu’il en est connu jusqu’au sommet de l’entreprise. Si cette dernière est longtemps apparue aux yeux des habitants et des élus comme traînant les pieds, elle est désormais pleinement mobilisée selon nos informations. « Nous faisons tout ce qu’on peut pour régler les problèmes le plus vite possible », commente ainsi Pascal Minault, directeur de Bouygues immobilier, lors de l’inauguration de ce 22 mai. Dans un courrier envoyé mi-mai au conseil syndical, le groupe Bouygues immobilier fait le point sur les engagements faits en février dernier envers les propriétaires, afin de résoudre définitivement les très nombreuses malfaçons.

« Concernant les travaux d’isolation, le rapport ne nous est pas parvenu fin mars, dans le délai pourtant annoncé [par l’assureur], indique au conseil syndical Martin Desveaux, directeur d’agence des Hauts-de-Seine chez Bouygues immobilier. Nous avons décidé de mandater les travaux. Ceux-ci débuteront donc 1ère semaine de juillet pour une durée programmée de 7 mois prévisionnels. Nous travaillons à l’optimisation de ce planning. » À ce stade, le prochain hiver débutera donc encore dans le froid pour les résidents de Green home.

Le directeur d’agence rappelle dans sa lettre l’engagement de Bouygues de « terminer ces travaux au 1er octobre », mais considère qu’il était « ambitieux au regard du rapport d’expertise qui ne nous est pas parvenu dans le délai et qui n’était malheureusement pas exploitable ». Martin Desveaux annonce également le début des travaux en mai dernier du remplacement de la pompe à chaleur défectueuse, avec une date de fin de chantier estimée à la mi-juillet.

Cette annonce représente un nouveau coup dur pour la mairie et les habitants, las des charges exorbitantes et des problèmes que leur pose leur logement. Le maire de Nanterre, Patrick Jarry (DVG), dans une lettre datée du 10 mai, faisait part des « importants dysfonctionnements » que présente la résidence Green home, et ordonne à Bouygues immobilier d’engager « sans délai et en frais avancés les travaux nécessaires à la reprise de l’isolation ».

« Pour la Ville, il serait inenvisageable que les habitants connaissent une nouvelle saison hivernale dans les conditions actuelles », commente-t-il. Le temps de latence de trois ans du dossier est « inadmissible » pour Eric Solas, conseiller municipal en charge du nouveau quartier des Terrasses. « Bouygues a pris sept engagements, et on met la pression pour que les habitants ne passent pas un quatrième hiver dans le froid, indique-t-il. Cet hiver, il faisait jusqu’à -11 degrés dans certains appartements ! »

Selon lui, un seul habitant aurait décidé de porter plainte contre Bouygues : ce propriétaire aurait obtenu le remboursement d’une petite partie de son acquisition immobilière. D’après l’élu, le seul recours que peut s’autoriser la mairie est de faire pression sur les futurs projets immobiliers dans la commune, qui sont nombreux et pour lesquels Bouygues est intéressé, le promoteur étant déjà très présent à Nanterre. « Ça nous a servi de leçon sur les autres chantiers », reconnaît Eric Solas.

« La résolution de ce problème et le respect des engagements pris par Bouygues immobilier auprès des habitants constituent ainsi deux conditions indispensables à la poursuite des bonnes relations entre Bouygues immobilier et la ville de Nanterre », menaçait d’ailleurs dans son courrier le maire furieux.

Chez les habitants, colère et inquiétude dominent. Certains reconnaissent néanmoins la pleine implication du groupe Bouygues. Désormais sous une pression intense, il tient des permanences dans les halls et mène de multiples chantiers correctifs : ils ont notamment abouti, dans certains appartements, au rétablissement très récent de l’eau chaude, et à l’amélioration du débit d’eau jusque-là très faible.

« Les habitants subissent le froid, le bruit, le manque d’eau chaude, les moustiques, les malfaçons diverses faisant penser à du rafistolage plutôt qu’à une construction innovante de premier rang », décrivait cependant il y a trois semaines de son expérience de l’immeuble-modèle un des ces résidents furieux, mais préférant rester anonyme comme bien des propriétaires.

Témoignages anonymes, relances écrites du maire, organisation de multiples réunions : la pression autour de ce qui constitue désormais le dossier Green home est maximale pour Bouygues.

« L’hiver, c’est la Sibérie dans nos appartements », témoigne Faïza, rencontrée devant l’immeuble la semaine dernière. « On est obligé de dormir avec nos manteaux, et en plus de ça, il faut attendre 20 min pour avoir de l’eau chaude, vous vous rendez compte ? », poursuit cette mère de deux enfants. « J’ai toujours refusé de bouger de mon ancien appartement, mais on nous a vendu du rêve, mes filles étaient contentes de déménager, c’est quand même incroyable, on ne demande pas la lune, mais d’être juste bien chez nous », s’offusque l’habitante, qui a emménagé dans Green home il y a deux ans et demi.

Stéphane Ewangelista, 46 ans, habitant depuis l’ouverture en 2016, déplore comme ses voisins les problèmes récurrents d’eau chaude et de chauffage. « Ce n’est pas au point leur truc, je pense qu’ils ont ouvert trop vite, et qu’ils ont été pris par le temps, analyse-t-il. Ils ont voulu rendre l’immeuble trop rapidement. » Ce locataire confie n’avoir « jamais vu ça » dans ses logements, et se satisfait désormais de peu. « Là, c’est beaucoup mieux, Bouygues a changé un truc, et j’ai de l’eau chaude, pour moi c’est primordial », commente-t-il. Comme les hivers précédents, il se prépare à installer des chauffages d’appoint, loin de la promesse écologique initiale.

« Ils ont fait des travaux chez moi, depuis ça va mieux, témoigne un autre habitant préférant l’anonymat. Ils ont mis les gros moyens, on est beaucoup plus rassuré. » Les habitants interrogés par La Gazette reconnaissent l’initiative de Bouygues de mettre en place une permanence et attestent de leur présence. Mais l’inquiétude principale qui subsiste est celle de la température hivernale des appartements qui n’auront pas bénéficié de travaux d’isolation, désormais censés se prolonger jusqu’en 2020.

« Pendant la durée des travaux, des mesures conservatoires seront mises en place pour les appartements dont l’isolation n’aurait pas été encore reprise et qui nécessiteraient un complément de source de chaleur, indique le constructeur dans son courrier au conseil syndical. Pour cela, Bouygues immobilier s’engage à donner des convecteurs électriques et des chèques correspondants à la surcharge de consommation électrique. » Un geste jugé « pas suffisant » par Faïza, dont les petites filles devront encore se coucher avec une bouilloire dans le lit pour se réchauffer, craint-elle.