Les habitants de Green home Nanterre, ensemble ­locatif cons­truit sur les Terrasses de Nanterre, entre le conseil départemental et la cité des Provinces françaises, sont en colère. Leur bâtiment, présenté à l’époque comme pionnier dans son ambition écologique par l’aménageur, l’Epadesa (devenu en 2018 Paris La Défense, Ndlr), et son promoteur, Bouygues immobilier, ne tient pas ses promesses selon ses habitants. Entrés dans les lieux depuis mai 2016, locataires et copropriétaires connaissent de nombreux problèmes d’eau chaude et de chauffage. Bouygues immobilier leur a donné rendez-vous jeudi dernier pour répondre à leurs questions.

« On s’attendait à ce qu’ils viennent avec des choses concrètes, mais ils n’ont annoncé que des grands plans », commente M.-S., une copropriétaire (qui n’a pas souhaité voir apparaître son nom complet par crainte des conséquences, Ndlr). Bouygues immobilier a annoncé aux habitants la mise en place d’une permanence dans la résidence dès lundi 4 mars, et s’est engagé à regarder dans tous les appartements pour vérifier ce qui n’allait pas. « Ils ont repris, en gros, les engagements qu’ils nous ont donné en décembre 2016, se méfie M.-S.. On attend de voir ». Green home Nanterre se compose de 147 logements, dont 33 en locatif social.

Ce complexe a été construit par Bouygues immobilier pour répondre à une performance énergétique ambitieuse : le bâtiment devrait produire plus d’énergie qu’il n’en consomme. Grâce à une conception bioclimatique d’abord. Ensuite à la mise en place d’une Ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux et individuelle, destinée à récupérer les calories de l’air vicié extrait, censée couvrir la quasi-totalité des besoins de chaque logement en chauffage et ventilation. Enfin, à une Pompe à chaleur (Pac) collective, qui assure la production de l’eau chaude sanitaire de l’immeuble en récupérant les calories des eaux issues des cuisines et salles de bain des habitants.

Les 525 m² de panneaux photovoltaïques situés en toiture devaient également venir compenser les consommations des logements. L’énergie produite devait permettre à la copropriété de réaliser près de 6 000 euros d’économies sur ses charges d’entretien annuelles. Et les logements devaient consommer près de trois fois moins d’énergie primaire que le niveau exigé par la réglementation.

Seulement, depuis trois ans maintenant, les locataires et copropriétaires connaissent des mésaventures à répétition. Outre une première semaine sans eau, ce sont des problèmes d’eau chaude qui reviennent très régulièrement, si bien que Dalkia, l’entreprise de maintenance des pompes à chaleur, doit intervenir jusqu’à deux fois par semaine. « Lorsque l’eau chaude est rétablie, nous sommes très nombreux à puiser sur un système inadapté à une aussi grande structure, indique le blog des habitants de Green home Nanterre. Par conséquent, l’eau est à peine tiède. »

« Nous rencontrons également fréquemment des problèmes de débit d’eau faible ou irrégulier, poursuit M.-S.. Ce matin, on a dû attendre 20 min pour avoir de l’eau chaude, beaucoup d’eau est gaspillée. » Des ballons d’eau chaude individuels ont été installés en attendant qu’une solution soit trouvée, alors que les deux Pompes à chaleur installées sont à l’arrêt. « Nous appréhendons qu’il n’y ait aucune solution pérenne, commentent des habitants. Nous ne pensons pas qu’une version 2.0 de notre Pac actuelle résolve nos soucis, car si elle n’a pu subvenir aux besoins de 144 logements, nous doutons que la nouvelle le puisse. »

Le chauffage par la VMC double flux ferait lui aussi défaut, selon ces habitants passablement mécontents. « Le système souffle de l’air chaud au niveau du plafond, indique M.-S.. Mais nous avons appris que le façadier, sous-traité par Bouygues immobilier, n’a pas posé d’isolant sur toutes les parties des murs, sous les fenêtres ainsi qu’au niveau des caissons des stores. »

Selon les habitants, des ponts thermiques se forment, avec à la clé de fortes déperditions d’énergie. « Nous chauffons donc à perte », signale la copropriétaire. « Nous sommes fatigués et la situation devient invivable, protestent ces habitants sur le blog de leur immeuble. Beaucoup de locataires ont déserté les lieux. Les propriétaires sont pieds et mains liés, forcés de subir. Nous nous sentons impuissants. »

Du côté de la mairie aussi, l’inquiétude s’accroît : « Nous savions que, pour un bâtiment neuf, avec un tel système énergétique, il y a toujours une période de réglage qui se fait la première année, donc on ne s’est pas trop inquiété au début », commente Julien Sage (EELV), conseiller municipal de la mairie de Nanterre dont il était jusqu’à l’été 2018 l’adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement.

« Mais au bout de trois ans, c’est un vrai problème, poursuit-il. La Ville peut difficilement intervenir dans ce genre de situations, nous avons l’office municipal HLM de Nanterre qui possède 40 % de l’opération, et qui s’est inquiété du sujet. Mais on s’inquiète beaucoup pour les autres lots du projet Cœur de quartier opéré par Bouygues, qui doivent recevoir les mêmes techniques que Green home. On parle de 650 logements, il ne faudrait pas qu’il y ait un effet multiplicateur. »

Selon le conseiller municipal, la loi ne prend pas en compte ce genre de situations : « Aujourd’hui, on nous demande d’aller plus loin sur les questions environnementales, mais si derrière, les bureaux d’étude ne suivent pas, ça pose problème. On n’est pas là pour faire tous les tests du monde, parce qu’il y a des gens qui vivent dans ces logements. »

« On s’inquiète beaucoup pour les autres lots du projet Cœur de quartier opéré par Bouygues, qui doivent recevoir les mêmes techniques », s’inquiète Julien Sage (EELV), conseiller municipal de la mairie de Nanterre et ex-adjoint à l’urbanisme.

Et d’ajouter : « Il n’y a pas d’engagement juridique derrière, si la performance promise par le bureau d’étude et le promoteur n’est pas atteinte. Ça va être un vrai sujet sur le débat concernant la transition énergétique. » Julien Sage estime que la réunion organisée par Bouygues est bienvenue, mais met tout de même en garde le promoteur : « S’ils ne résolvent pas la situation, on ne va plus délivrer de permis à Bouygues, on l’a déjà fait avec d’autres promoteurs. »

« On change de posture, commente Martin Desveaux, directeur d’agence des Hauts-de-Seine chez Bouygues immobilier, joint par La Gazette ce lundi. On n’est plus dans le service après-vente, on va faire marcher le bâtiment. » Le promoteur reconnaît que la pompe à chaleur, qui devait générer de l’eau chaude et consommer moins d’énergie, s’est avérée « fragile ».

« On a eu plusieurs problèmes qui se sont enchaînés, des erreurs de branchements, des pannes, mais qui ont été résolus », veut-il rassurer. « Nous avons décidé d’installer une version deux de la Pac, avec un système amélioré, qui a déjà fait ses preuves ailleurs, détaille de l’eau chaude Martin Desveaux. La pompe est commandée, et elle sera installée en juin, pour une fin de travaux prévue mi à fin juillet. »

Du côté du chauffage, le constructeur fait le constat d’un échec pur et simple. « Pour un bâtiment à énergie positive, le but est que l’on n’ait pas besoin de dépenser beaucoup d’énergie pour le chauffer, grâce notamment à l’isolation », indique-t-il. « Il s’avère qu’encore une fois, il y avait un problème et nous n’arrivions pas à chauffer les appartements avec des températures satisfaisantes, reconnaît Martin Desveaux, on a eu des pertes de chaleur importantes, donc on a, là encore, démonté tous les plafonds pour refaire toutes les gaines dans les appartements, mais aujourd’hui, on s’aperçoit que ce n’est toujours pas satisfaisant. »

Selon le promoteur, une expertise est en cours, et le rapport final sera transmis à l’entreprise aux alentours du 27 mars. « On enchaînera ensuite les travaux, suivant les recommandations de l’expertise, pour isoler tous les endroits nécessaires, avec un objectif de finir en octobre prochain, pour que les habitants ne passent pas un autre hiver dans cette situation », informe-t-il.

« On nous a vendu un bâtiment à énergie positive, mais il n’est pas atteint, on a toujours des factures exorbitantes », regrette M.-S., copropriétaire. « Nous prenons en charge toutes les charges liées à la Pac, de maintenance, d’électricité, donc nous rembourserons à la copropriété les charges engagées », répond Martin Desveaux. Le promoteur, voyant que certains habitants ne pouvaient pas se chauffer, leur avait prêté des convecteurs électriques pour passer l’hiver : « On a proposé à ces habitants de régler les factures d’électricité liées à ces convecteurs. »

Mise à jour, 6 mars 2019 : Le nom de la copropriétaire citée dans cet article a été réduit à ses initiales à sa demande, celle-ci craignant que ses propos ne lui nuisent compte tenu du caractère sensible du dossier. Par ailleurs, contrairement à ce qui était initialement indiqué, Julien Sage est conseiller municipal de la mairie de Nanterre et non adjoint à l’urbanisme, fonction qu’il a abandonnée l’an dernier.