« L’entrepreneuriat en France est encore extrêmement masculin », déclare Viviane de Beaufort, professeure à l’école de commerce Essec, et fondatrice du Club génération #startuppeuse qui accueille des « projets à impact » portés par des femmes, à l’occasion de l’évènement Entreprendre au féminin le 28 mai dernier, à Courbevoie. Parmi les personnes présentes à cet évènement, 99 % étaient des femmes, et la majorité des créatrices d’entreprise interrogées soulèvent un problème de confiance en elles et de légitimité.

« Les femmes ont besoin d’un réseau pour se rassurer », plaide ce soir-là Viviane de Beaufort. « On s’aperçoit que leur parole n’est pas la même dès qu’il y a un homme dans la salle, on appelle ça le complexe de l’imposteur », décrit-elle en effet d’un manque de confiance provenant aussi du regard extérieur.

« C’est vrai qu’on se pose plus de questions que les hommes, je pense, soulève Jeanne, venue se renseigner sur le monde de l’entreprenariat féminin avant de créer une entreprises d’événementiel. La société semble nous dire qu’on n’a pas les épaules pour, et forcément, on se met plus de barrières. »

« Tout est toujours plus simple quand on est un homme, renchérit Véronique, patronne d’une entreprise du secteur numérique. Au début, je me suis dis que je n’y arriverais jamais, qu’il y avait trop de contraintes. Mais il faut oser, les choses sont en train de changer pour nous les femmes. » D’après elle, le problème que les femmes souhaitant créer leur entreprise rencontrent serait aussi à chercher dans leurs mécanismes internes : « Il ne faut plus avoir peur », affirme-t-elle.

Engie mise sur la création de start-up internes par ses salariées

Valérie Gaudart, responsable attraction des talents et marketing des ressources humaines chez Engie et Marianne Gallardo, « intrapreneure » dans la même entreprise, étaient présentes le 28 mai à Courbevoie pour évoquer le parcours de cette dernière via le programme 66 miles. Ce dispositif d’intrapreneuriat féminin pour les entreprises, proposé aux sociétés par l’agence d’innovation Five by five, a vocation à remettre les femmes au « cœur des processus d’innovation » en leur donnant les moyens d’entreprendre dans leur entreprise.

« Il y a quatre ans, j’ai commencé à travailler sur un sujet assez en marge des sujets traités habituellement : trouver une alternative verte sur la chloration des eaux de process, commente Marianne Gallardo. Les industriels utilisent de l’eau pour tous leurs processus, et cette eau, si on la laisse circuler dans les circuits, développe des organismes, des bactéries, des algues, qui peuvent perturber la performance et dégrader le matériel. Donc les industriels utilisent de l’eau de javel. »

Marianne Gallardo précise que cette pratique est autorisée et réglementaire, mais qu’il y a quatre ans, une filiale d’Engie a formulé une demande interne pour trouver une alternative plus écologique à ce problème. La chercheuse de la multinationale se tourne vers l’utilisation de biopolymères marins.

Depuis, Marianne Gallardo a déposé deux brevets, réduisant de 90 % l’utilisation de chlore sur le site industriel de la filiale. « Valérie Gaudart m’a trouvé, et m’a proposé de faire partie du programme 66 miles, se souvient la chercheuse. Elle m’a dit qu’elle recherchait des talents comme moi, mais pour moi, je faisais juste mon job, et on me parle de talent… Je n’y croyais pas. » Aujourd’hui, Marianne Gallardo en est à l’étape de pré-industrialisation de sa solution.

« Grâce à cette formation, j’ai présenté le projet aux Trophées de l’innovation (un concours interne au groupe, Ndlr), que j’ai remporté avec la green business catégorie, poursuit-elle. Par la suite, je suis rentrée à la Engie fab, qui est une couveuse qui amène un projet vers l’accélération et si possible en incubateur pour créer de la valeur ».